Archives des pages spectacles.
Agnès Jaoui, "Historias de amor".
Maison de la culture de Bourges, le 23 novembre. Avec "Historias de amor", Agnès Jaoui nous offre un récital né de rencontres et de voyages, puisant dans le fado, le flamenco, la bossa nova, le boléro. Elle interprète des chansons poignantes ou sensuelles, sur des rythmes ardents, sans sanglots ni roucoulades. Les chansons appartiennent au répertoire espagnol, cubain, brésilien ou portugais, c'est pour Agnès Jaoui, le prétexte à traduire ou expliquer tel ou tel texte avec une fausse désinvolture et un vrai humour. L’amour de la comédienne pour ces musiques est communicatif : on vit avec elle la tristesse des boléros, la "saudade" des fados, on danse sur le son cubain, et on applaudit, ça on applaudit ! Car Agnès Jaoui n'est pas une actrice de plus qui s'est mise à chanter, c'est une véritable chanteuse avec une vraie voix expressive et d'une belle étendue, une interprète sensible et passionnée, habitée par les textes et les musiques, et bientôt, je crois, un personnage de scène.
Le Requiem de Fauré, par le chœur Accentus de Laurence Equilbey.
"Mon Requiem a été composé pour rien... pour le plaisir si j'ose dire... Peut-être ai-je ainsi, d’instinct, cherché à sortir du convenu, voilà si longtemps que j’accompagne à l’orgue des services d’enterrement ! J’en ai par-dessus la tête. J’ai voulu faire autre chose". Ainsi, le célèbre Requiem aurait été composé sans intention particulière, parce que Fauré en avait simplement assez de jouer toujours la même musique aux funérailles célébrées à la Madeleine. Il est possible toutefois que des considérations personnelles aient influencé la composition de l’œuvre qui débute peu après la mort de son père en 1885 et qui s’achève peu après celle de sa mère, la veille du nouvel an 1887.
Le Requiem frappe par l'atmosphère sereine et harmonieuse de l'oeuvre, la beauté et l'expressivité de la partie chorale. "Une berceuse de la mort" a-t-on dit de l'oeuvre, définition que le compositeur acceptait sans réserve. L’idée d’une mort chantée comme une "délivrance heureuse", a en effet guidé la plume de Gabriel Fauré au long des sept parties qui composent le Requiem.
Rona Hartner, tzigane electro rock !
Alliant modernité et musique traditionnelle tzigane, Rona Hartner joue un style à la fois gypsy, rock et tango.
"La France est le pays des fusions alors j’ai créé la rencontre entre le jazz, le tzigane, l’électro et le rock, dit elle. Je suis partie à la recherche de compositeurs en leur disant voilà ce que je fais, voilà ce que vous faite et voila ce que l’on pourrait faire..."
Klezmer pop, danse roumaine, rock transylvanien, java des montagnes, tout un monde musical accompagne Rona Hartner, qui semble née pour chanter et danser avec frénésie.
Dans sa voix parfois véhémente, on entend la fougue tzigane, ou la mélancolie des gens du voyage. Quand elle danse, c’est insolente comme son personnage dans "Gadjo dilo".
Rona se produisait samedi 15 septembre pour la dernière soirée de "Un été à Bourges". La soirée s'annonçait belle, mais une sono destructrice, avec des basses du genre artillerie, a gâché les efforts des musiciens virtuoses et la voix de la chanteuse, on distinguait à peine la musique dans cette bouillie sonore.
L'envol du pingouin, de Jean-Jacques Vanier.
Pas étonnant que son prof lui déclare qu'il nuit à la cohésion du groupe, qu'il devrait aller voir un psy. Pas étonnant, non plus, qu'il déniche le plus mauvais. Il n'est vraiment pas adapté ce type, d'ailleurs c'est un angoissé. Il implore, il voudrait bien s'insérer à la société, il écrit au président de la république une lettre qu'il ne parvient jamais à conclure. Il fait un détour à la boulangerie pour acheter un gâteau pour quinze que personne ne mangera, et puis, décidément la boulangère est une aigrie…
L'envol du pingouin, spectacle de Jean-Jacques Vanier et François Rollin. Vu au sympathique festival de la "Cuvée de Parassy" le 12 octobre.
"Inanna", une chorégraphie de Carolyn Carlson.
Mardi 16 janvier. Maison de la culture de Bourges. "Inanna" est un ballet de Carolyn Carlson pour 7 danseuses. Exploration lyrique de l’univers féminin, Inanna enrichit le langage gestuel propre à la chorégraphe, de tableaux inattendus. Les sept danseuses dégagent une puissance d’expression saisissante, chacune au moyen d'un charme unique. Carolyn Carlson réunit ses interprètes dans un espace de poésie et de passion et dans un étonnant langage du corps qui semble emprunter aux gestes de la rue, aux signes des sourds-muets, au mime…
C'est aussi une combinaison inventive de styles, soutenue par des variations de rythmes étonnantes. Pour Carolyn Carlson, la femme moderne se décline à l'infini, en résonance avec *Inanna, déesse aux multiples facettes du panthéon sumérien. Inanna est une ode à la puissance créatrice et instinctive, ainsi qu’à la sensibilité et au mystère de la femme. Elle incarne aussi bien la fertilité, la volupté, la mère, que l'amante, la prostituée, la guerrière, la femme au travail, ou encore l'écriture, le travail du bois et du métal, etc.
"L'orage", d'Alexandre Ostrovski, à la MCB.
Jeudi 14 décembre. Encore un bravo à la Maison de la culture de Bourges, qui vient de nous offrir "L'orage" d'Alexandre Ostrovski. Cet auteur du XIXe siècle, méconnu en France, est considéré dans son pays comme le père du théâtre russe. Il est aussi un des pères du théâtre moderne et a influencé de nombreux auteurs, Tchékhov en premier - mais aussi Janacek, qui a tiré son opéra "Katia Kabanova" de "L'orage"."L'orage" est une tragédie admirable, qui met en jeu les rapports de famille dans la société russe du milieu du XIXe siècle - une société retardée et cruelle.
Céline Bodis est une Katarina touchante et lumineuse - habitée par son personnage elle domine une distribution un peu inégale. La mise en scène de Paul Desveaux est extrêmement inventive et talentueuse, dommage que ce ne soit pas pour servir le texte d'Ostrovski *. À force de vouloir à tout prix "tirer" la pièce vers notre époque et briller par la mise en scène, Desveaux affadit la force du propos de l'auteur et brouille le sens de l'oeuvre. Si la scène de l'orage est belle, il y a beaucoup trop d'effets (parfois séduisants) mais gratuits - pourquoi ces ballets genre Broadway, ces lampées de vodka hors de propos, j'en passe… Mais, malgré tout ça, "L'orage" est une oeuvre qu'on n'oublie pas.
Le "Terem quartet" en concert.
Mercredi 31 janvier. Un grand rayon de soleil vient d'éclairer ces journées d'hiver, Terem Quartet était hier à la Maison de la culture de Bourges. Le quatuor Terem donne à entendre une musique inclassable qui mêle arrangements et pastiches des grands classiques, musique populaire russe, et rock, au son du bayan*, des domras**, et d'une étonnante contrebasse balalaïka. Les quatre compères sont, à l'évidence, heureux de se produire, et leurs morceaux choisis dérident même le plus morose des spectateurs. N'allez pas croire que c'est de la "musique de variété" genre "variétoche", pas du tout ! Les quatre Terem sont des musiciens de formation classique issus du Conservatoire de Saint Petersbourg, compositeurs et arrangeurs, et, qui plus est, virtuoses. Au cours de leur spectacle on reconnaîtra Tchaïkovski, Bach, Piazzola, mais aussi de ces airs populaires russes dont le rythme s'accélère et qui donnent des fourmis dans les pieds. On en redemande. Ils se produisent dans le monde entier, et ont enregistré chez "Real world" de Peter Gabriel, dit le programme. En russe, terem signifie "beaux rêves" - au fait, comment dit-on "des rêves plein les oreilles" en russe ?
"Sizwe Banzi est mort"..
Vendredi 9 février. Sizwe Banzi est mort. Une pièce de Athol Fugard-John Kani et Winston Ntshona, et non de Peter Brook, comme peut le laisser croire le titre du dépliant de la MCB remis aux spectateurs (c'est la mise en scène, qui est de Peter Brook).
Styles, ouvrier chez Ford (Afrique du sud), arrondit ses fins de mois avec son studio photo.
"Sizwe Banzi est mort" est une comédie amère et drôlatique, humaine et sarcastique, qui se déroule sous le régime de l'apartheid. Sizwe Banzi (Habib Dembélé) est dans une situation difficile, il ne possède pas le "pass" (un document à la fois carte de séjour et carte d'identité) qui lui permettrait d'obtenir un travail en ville et de nourrir sa famille, restée au village. Styles (Pitcho Womba Konga), virtuose de l'humour noir, de la tchatche et du mime, va trouver une solution en lui faisant endosser l'identité d'un mort, un mort qui possédait un "pass"… On pense, bien sûr, à l'Afrique du sud, mais aussi à d'autres "sans papiers" plus proches de nous. De nombreux jeunes dans la salle ont été sensibles à ces double aspect de la pièce et ont fortement applaudi le spectacle.
Alim Qasimov.
Jeudi 18 janvier, à la MCB. On imagine difficilement spectacle plus dépouillé que Alim Qasimov et ses trois musiciens assis en tailleur sur la scène… Et c'est ainsi que rien ne nous distrait de sa musique. Voix étonnante, broderies et improvisations vocales, langue d'une belle sonorité, nous voici transportés pendant une heure et demie dans un univers inconnu. Passant du grave à l'aigu dans le même trémolo, Alim Qasimov chante des chansons de geste ou d'amour, dans la plus pure tradition de l'Azerbaïdjan. Dans le monde immense des musiques orientales qui s'étend du Maghreb à l'Inde, la musique traditionnelle d'Azerbaïdjan occupe une place de choix par sa beauté et sa puissance d'expression. A travers le Mugham (style musical très classique où se mêlent les influences perses et turques et dans lequel s'expriment toutes les variations du sentiment amoureux), Alim Qasimov a trouvé son expression la plus parfaite, à tel point qu'il est souvent salué comme l'un des plus grands chanteurs vivants de notre époque.