La spectaculaire chaîne humaine du 11 mars 2012 dans la vallée du Rhône (environ soixante mille participants sur plus de deux cents kilomètres !) a attiré à nouveau l'attention des français sur un sujet très absent de la campagne de l'élection présidentielle : la sortie du nucléaire. Comme on peut le penser, la date de cet événement n'a pas été choisie au hasard... Et pendant ce temps, où en est-on au Japon ? Voici un montage d'extraits d'articles, courts, mais qui en disent long.
Un an après la catastrophe nucléaire du 11 mars à la centrale de Fukushima, un tiers de la surface totale du département de Fukushima est contaminé à un taux supérieur à 37 kilobecquerels par mètre carré, comme à Tchernobyl, en Ukraine et en Biélorussie. Mais la densité de population du département de Fukushima est trois fois plus élevée qu’en Biélorussie....!
Les mesures du ministère japonais de l’Education et de la Science concernent un rayon de cent kilomètres autour de la centrale de Fukushima, mais les cartes disponibles font apparaître de nombreuses poches à plus de trente kilobecquerels par mètre carré au-delà de cent kilomètres de la centrale, soit une zone contaminée supplémentaire de 20 à 30 % pour le seul département de Fukushima.
Dans les zones touchées par les retombées radioactives, l’activité due au césium dépasse six cents mille becquerels par mètre carré (Bq/m2) et atteindrait entre trois et trente millions de Bq/m2 dans la partie centrale ayant reçu les dépôts les plus concentrés.
Le site japonais Fukushima Diary annonce qu'à Tokyo (située à deux cents trente huit kilomètres de Fukushima), les mesures de radioactivité récentes prises au parc de Mizumoto font apparaître des niveaux égaux à ceux de la zone interdite de Tchernobyl. Le niveau mesuré dans ce parc de la capitale japonaise atteint 1,4 à 1,5 millions de Becquerels par mètre carré (à Tchernobyl, la pollution dans la zone la plus contaminée est de 1,48 millions de Becquerels par mètre carré).
D’après les estimations du ministère de l’Education et de la Science, rendues publiques à l’automne, au moins treize départements, représentant 8 à 10 % du territoire japonais, sont contaminés. Si l'on compare les surfaces, cela représente la contamination des régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Bretagne réunies, et pour une période d’au moins un demi-siècle !
"Lors de mon passage dans la région, dit Chikako Mori (sociologue, maîtresse de conférences à l’université Hitotsubashi deTokyo), j’ai été frappée par les propos de deux écolières de onze ans : Nous, les filles de Fukushima, ne pouvons plus nous marier. On dit que nous ne devons jamais porter d’enfants."
Et que deviendront les sept mille huit cents travailleurs qui sont intervenus sur le site de Fukushima Daichi, entre le 11 mars et le 31 mai 2011, sachant qu’il en faudra des centaines de milliers d’autres pour continuer à "sécuriser" le site à l’avenir ? Ces milliers d'hommes travaillent sur place, par phases de quelques heures, dans un environnement hautement radioactif, ils reconstruisent actuellement les bâtiments détruits lors des explosions avant de s'atteler au retrait des combustibles. Quel temps leur reste-t-il à vivre ?
On annonce que pour les années à venir, le travail se concentrera sur le retrait des barres de combustible nucléaire usées actuellement entreposées dans la piscine de refroidissement du réacteur 4. Dans plus de dix ans, ils tenteront de retirer le corium dans les tranches 1, 2 et 3, mais l'opération nécessitera des moyens technologiques qui restent encore à inventer. Tepco doit aussi gérer le millier de réservoirs où ont été stockées depuis le début de l'explosion les cent soixante mille tonnes d'eau contaminée utilisée dans le refroidissement des réacteurs.
Le compositeur Wataru Iwata a fondé Projet 47, association d'aide à la population, qui vient de s’installer dans la ville de Fukushima pour y créer la première station de mesure indépendante de radioactivité. Il déclare "Actuellement, soixante deux mille personnes, soit seulement 3 % de la population de Fukushima (moins de 10 % des enfants) ont quitté le département pour se réfugier dans la métropole de Tokyo, dans la région d’Osaka-Kyoto, à Hokkaido ou encore à Okinawa".
> Des scientifiques résument la situation actuelle. Après avoir percé en plusieurs points les cuves de trois réacteurs une partie des trois coriums sont présents sous les cuves (de l'ordre de cent quarante tonnes environ). Le reste s'est échappé et empoisonne une partie du centre du Japon. Facteur de risque supplémentaire de fuite de corium, le béton des radiers n'est plus totalement intact.
Et puis, il faudra traiter les déchets et effluents liquides : la région de Fukushima va probablement devenir une espèce d'énorme centre de "stockage" de déchets radioactifs et ce pour des décennies (fin août 2011 le scénario était envisagé par le gouvernement japonais) ! En ce qui concerne les eaux contaminées à divers degré, une partie d’entre elles finiront à terme dans l'océan.
Il sera impératif pour les Japonais de contrôler pendant longtemps la radioactivité dans les aliments. Certains produits (riz,champignons), continuent à présenter un niveau de radioactivité supérieur à la normale à cause du césium.
Pour ce qui concerne l’impact sanitaire sur la population, le gouvernement a prévu de mettre en place un suivi régulier de la santé des deux millions de résidents de Fukushima pendant les trente prochaines années, pour un coût total de cent milliards de Yens. Mais, comme l'écrit Radioprotection Cirkus, l'enjeu crucial est de savoir si oui ou non les populations pourront survivre à la contamination.
> Michel Alberganti, professeur vivant à Tokyo, écrit dans Slate que les japonais utilisent une loi qui soumet le démarrage des réacteurs nucléaires à la décision du gouverneur de la province dans laquelle ils sont construits. Depuis les explosions de la centrale de Fukushima, chaque fois qu’un réacteur est arrêté pour une opération de maintenance, il n’obtient pas l’autorisation de remise en service. Résultat: il ne reste aujourd’hui qu’un ou deux réacteurs en fonctionnement sur les cinquante quatre que compte le pays. À ce rythme il n’en resterait aucun à la fin de cette année. Le pays s’apprêterait ainsi à se passer des 30% d’électricité nucléaire qu'il produisait et semble, pour le moment, sortir du nucléaire sans le dire. Tepco et le lobby du nucléaire laisseront-ils faire ?
> Comme réponse à cette perte irrémédiable en vies sacrifiées, en zones ruinées et en terres cultivables et habitables, certains petits malins au Japon se tournent vers l’étranger.
Avec la participation de grandes entreprises japonaises, le gouvernement nippon vient de signer un accord avec l'Inde pour créer une ville japonaise toute neuve. Le projet se situe à Chennai au sud est de l'Inde. Yukio Edano, Ministre de l'économie du commerce et de l'industrie, a visité Chennai le 10 Janvier 2012 pour resserrer les relations entre les gouvernements japonais et indien. Les groupes bancaires Mizuho et JGC vont investir cinquante deux millions de dollars dans la création du projet. Les travaux de construction commenceront au cours de l'été 2012. D’une capacité de cinquante mille personnes et d’une superficie d'environ deux kilomètres carrés, cette "station balnéaire de qualité Japonaise" offrira tout le luxe de la vie moderne, "parc industriel, hôpital, galeries marchande, mini-golf". Certains au Japon et ailleurs y voient un plan d'une certaine élite sociale en vue d'abandonner le navire. Le journal Yomiuri soupçonne que le projet était déjà en négociation depuis l'été 2011.
Les riches à l'abri, les pauvres irradiés !
Le montant des lignes de crédits que la banque du Japon a ouvert pour les échanges avec l’Inde (quinze milliards de dollars) et la Corée du sud (soixante dix milliards de dollars) indignent les citoyens japonais qui s’attendaient à ce que la priorité aille à la reconstruction et la décontamination des zones dévastées, et à l’évacuation des zones trop fortement contaminées encore habitées.
Bref, selon que vous serez un japonais riche ou misérable, vous vivrez avec les radiations, ou vous jouerez au golf dans une station balnéaire très loin de Fukushima....
> Photos, de haut en bas. Dans les champs de Fukushima, les décombres, puis trois mois plus tard on tente de cultiver la terre. Contrôle de radiation sur un enfant. Mesure dans un parc de Tokyo. Manifestation de solidarité avec les ouvriers décontamineurs de la centrale.
> Sources
Interview de Bernard Bigot, Administrateur Général du Commissariat à l’énergie atomique, de retour de Fukushima
Mille babords : Fukushima, obscurités et désinformations sur la catastrophe.
http://millebabords.org/spip.php?article17048
Dossier de Radio protection cirkus : Télécharger la synthèse (12 Mo)
Un an après, les joueurs de flûte de Fukushima
http://www.liberation.fr/monde/01012394771-un-an-apres-les-joueurs-de-flute-de-fukushima
Fukushima Diary
http://fukushima-diary.com/2012/02/tokyo-is-contaminated-as-the-worst-place-in-chernobyl/
Création d'un nouveau Japon en Inde
http://www.scoop.it/t/environnement-par-la-cftc-hus/p/987372751/creation-d-un-nouveau-japon-en-inde
Photos du site Scramento bee. Nombreuses vues de la région de Fukushima de trois mois en trois mois depuis la catastrophe.
http://blogs.sacbee.com/photos/2011/09/japan-marks-6-months-since-ear.html