En Tunisie, en Égypte, en Syrie, au Maroc, le web et l'internet ont été les principaux moyens d'information et d'échange des citoyens en mouvement pour la liberté. De même en Grèce, en Espagne, au Portugal et ailleurs....
En Italie, le récent référendum d'initiative citoyenne des 12 et 13 juin portait sur trois sujets importants (le refus du nucléaire, le refus de la privatisation de l'eau, la suppression de l'immunité pour Berlusconi). Le pouvoir a tenté de démobiliser les électeurs en prônant l'abstention ou en indiquant des dates fausses pour la consultation. Mais les citoyens qui s'exprimaient sur les sites web et les blogs ont permis aux italiens de s'informer et de déjouer les petites manoeuvres de Silvio Berlusconi. Le non a été massif.
En Islande, les citoyens participent à la rédaction du projet de nouvelle Constitution en envoyant leurs propositions par l'Internet au moyen des "réseaux sociaux". Une version finale sera soumise à référendum au mois de juillet afin de soumettre cette nouvelle Constitution au vote de l’ensemble des Islandais.
Croyez vous que Nicolas Sarkozy et son gouvernement s'inspirent de ces exemples où la démocratie s'exprime sur le web et l'Internet ?
Pas du tout, ils en tirent une étrange leçon : il faut filtrer, contrôler, interdire la libre parole, censurer tout ça ! Comme les gouvernants de Tunisie, d'Égypte ou du Maroc l'ont fait.
> La Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) est plus discrète que Hadopi ou Loppsi (on notera que ça fait pas moins de trois lois avec le même objet : "civiliser" ou "réguler" l'internet). En juin 2011, un projet de décret vient en préciser l'application.
La LCEN date de 2004. Son article 18, modifié en 2007, autorise "l'autorité administrative" (c'est à dire le gouvernement) à restreindre "le libre exercice de leur activité" aux personnes, "lorsqu'il est porté atteinte ou qu'il existe un risque sérieux et grave d'atteinte au maintien de l'ordre et de la sécurité publics, à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique, à la préservation des intérêts de la défense nationale ou à la protection des personnes physiques qui sont des consommateurs ou des investisseurs". Si on lit cette formulation avec un peu d'attention, on s'aperçoit que c'est un fourre-tout auquel rien n'échappe.
De quelles "personnes" ou de quelles "activités" est-il question ? Eh bien, tout simplement les sites d'information, les blogs les sites de vente en ligne, ceux des éditeurs de logiciels, les moteurs de recherche, les hébergeurs,, ...
C'est en toutes lettres dans l'article 14 : il s'agit de tout ce qui concerne le "commerce électronique", qui est défini comme étant "l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services". Et en particulier, "les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent". En somme tout ce qui circule sur le web est assimilé au commerce électronique, une astuce grossière destinée à faire passer le décret en catimini....
Le projet de décret qui prétend rendre systématiques les mesures de blocage sur le web est signé par Gérard Longuet (Ministre de la défense), Michel Mercier (Ministre de la justice), Claude Guéant (Ministre de l'intérieur), Christine Lagarde (Ministre de l'économie), Xavier Bertrand (Ministre du travail) et Eric Besson (Ministre de l'économie numérique - tout un programme !). Qu'on se souvienne de ces noms afin qu'ils ne soient pas reconduits comme ministres, ni réélus.
Ainsi, plusieurs ministères pourront bloquer n'importe quel site, soit en passant d'abord par l'éditeur puis l'hébergeur en cas de non réponse, soit par la force, en contraignant les fournisseurs d'accès Internet à filtrer les contenus visés par le gouvernement. Nous avons bien à faire à un projet de système de filtrage total !!!
Éxagération ? Non, pas du tout : le ministère concerné pourra "faire cesser la vente du produit proposé par le site, mettre fin aux pratiques commerciales en cause", il pourra "interdire l’accès de tout ou partie du site aux mineurs" et "retirer ou faire cesser la diffusion du contenu en cause".
François Momboisse, vice-président du Conseil national numérique (CNN) qui doit donner un avis sur ce projet de décret, déclare : "S’il est nécessaire de clarifier les moyens selon lesquels la police et la justice peuvent intervenir sur Internet, ce projet a quelques orientations aberrantes. Certains points sont contraires au droit européen, Bruxelles n’a pas été notifiée; d’autres position vont contre des principes constitutionnels… Le Conseil a ainsi répété qu’on ne peut pas couper comme ça l’accès à Internet sans juge ! S’il est nécessaire d’encadrer l’article 18 de la LCEN, on ne peut pas le faire comme ça, à la sauvette".
Ni la Justice, ni la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), ni aucune autre instance indépendante n'auraient droit de regard sur ce nouvel outil gouvernemental de contrôle de l'expression et de censure ! Ni avant, ni après une de ses actions. Aucun recours n'est prévu. Un article un peu virulent sur le nucléaire ? Site d'information fermé ! Un article moquant la grossesse de Carla Bruni ? Blog aux oubliettes. Une enquête mettant en cause un vaccin, un ministre ? Allez, aux arrêts ! Un article demandant le retrait de nos soldats en Afghanistan ? Blog bloqué ! Une indiscrétion, un document rendu public ? En garde à vue !...
En somme, l'Internet à la chinoise.
> Comme l'observe Christine Delphy "L’État en France a beaucoup traité les personnes comme des sujets, ce qui était logique sous la monarchie. Aujourd’hui que nous sommes citoyennes et citoyens, on dirait qu’une espèce d’atavisme le pousse à continuer de nous contrôler". Certains pensent que l'actuel Président de la République et son gouvernement n'ont rien compris au web et à l'internet. C'est sous estimer leur capacité de nuire à la liberté d'expression et d'information.
> Source : le site de Pc Inpact :
http://www.pcinpact.com/actu/news/64121-cnn-blocage-fai-hebergeur-editeur.htm
On peut aussi se reporter aux précédents articles sur gilblog, cliquez.
LOPPSI : la censure administrative est votée. Nos libertés en prennent un coup !
Acta, Hadopi, Loppsi, grandes manoeuvres de la mondialisation (suite).
La loi Hadopi votée à la sauvette