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Volkswagen vole onze millions de clients.  Et que faisait l’État ?

VW

Trop d’État, trop de contrôles, trop de réglementation, trop de paperasse, un véritable carcan administratif, les entrepreneurs ont soif de liberté, disent les libéraux. Les libéraux comme le Medef, Valls, Sarkozy, Agnès Verdier-Molinié (une ultra libérale de choc), tous les faux “experts” et vrais propagandistes qu’on peut entendre à longueur d’antenne chez Yves Calvi se lamentent : il y a trop d’État ! Et sur les autres plateaux de télévision, une légion de “journalistes” entonne la chanson et nous répète la rengaine sur tous les tons….

Tous sont dans la détestation de la moindre réglementation, de la moindre norme, de la moindre information sur les étiquettes, de la moindre obligation, du moindre contrôle de l’État, du moindre formulaire à remplir. Selon eux, ce sont autant de freins à l’activité, à la création, au progrès, à l’emploi. Bref, une atteinte à la liberté.

Mais l’actualité montre l’imbécilité et le danger de cette espèce de “liberté”. Pendant que des inspecteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) arpentent les marchés armés de thermomètres pour prendre la température des fromages ou des rillettes dans les stands, le groupe Volkswagen vend onze millions de voitures aux logiciels trafiqués (chiffre annoncé par le groupe) ! Et les gouvernements n’y voient que du feu. On se demande quelles sont les priorités de ceux qui prétendent gouverner…

Donc Volkswagen, le groupe allemand à la rigueur légendaire, a volé onze millions de clients dans le monde en équipant ses voitures de logiciels truqués, pour tricher avec les normes antipollution. Un crime qui nécessite une parfaite organisation frauduleuse qui ne peut être limitée à un ou deux boucs émissaires, mais à plusieurs dizaines, voire des centaines de personnes. En effet, rouler dans la farine l’Agence américaine de l’environnement entre 2008 et 2015 en dissimulant la pollution émise par des millions de véhicules, demande une certaine expertise dans la malhonnêteté.
Visé par la Justice Européenne, d’Allemagne, de France et celle d’autres pays, le groupe Volkswagen menacera probablement de licencier pour se sortir de ce mauvais pas. Espérons que les juges seront indifférents à ce chantage économique et auront une pensée (avec l’Organisation mondiale de la santé), pour les sept millions de morts prématurés en 2014 des suites de maladies pulmonaires, conclut Bernard Venard dans Libération (5 octobre 2015).
…Et pendant ce temps, les inspecteurs de la DGCCRF arpentent les marchés armés de thermomètres.

Le magazine 60 Millions de consommateurs (numéro d’octobre), vient de publier un comparatif de dix familles de produits de soin, d’hygiène et de maquillage. Conclusion, un produit sur deux est à éviter ! Sur quatre vingt-treize produits de marques courantes étudiés, quarante huit contiennent trop de molécules indésirables ou d’ingrédients préoccupants (il y en a soixante quatre). Des parfums synthétiques, des colorants, des allergisants ou des conservateurs controversés comme le phénoxyéthanol, fréquemment utilisé dans les produits non rincés, alors qu’il est soupçonné de toxicité sur le foie. Ou encore, les parabènes à longue chaîne (présents par exemple dans les fonds de teint l’Oréal et Pro’s, la marque beauté de Carrefour, et les laits corporels Dove).
…Et pendant ce temps, les inspecteurs de la DGCCRF arpentent les marchés armés de leurs thermomètres.

Design révolutionnaire, encore plus rapide, 3D touch… Le nouvel iPhone 6S a tout pour plaire écrit Libération du 23 septembre. Sauf qu’il sera obsolète dans dix-huit mois ! Et ça coûte entre sept cent cinquante et mille euros, une bagatelle… Mais que deviennent alors tous les anciens modèles, à peine sortis, déjà mort-nés ? Recyclés, revendus ou tout simplement jetés, ces téléphones accumulés contribuent à la raréfaction des terres rares, à la surconsommation d’énergie et à la pollution des sols, des eaux ou de l’air. Les téléphones portables peuvent contenir jusqu’à douze métaux différents (25 % du poids total des appareils). A ce rythme, nous pourrions voir les réserves de cuivre, plomb, nickel, argent, étain et zinc s’épuiser d’ici trente ans.
….Et pendant ce temps, les inspecteurs de la DGCCRF arpentent les marchés armés de leurs dérisoires thermomètres.

Malgré les alertes de l’association “En toute franchise”, la DGCCRF ne contrôle pas les surfaces de la grande distribution et les Procès verbaux ne sont donc jamais dressés. Pourtant, quatre cent dix huit milliards d’euros, c’est le montant des amendes que l’État Français aurait dû et pourrait percevoir, s’il avait eu la volonté de faire appliquer la loi et les sanctions pénales contre les abus de la grande distribution. En effet, les grandes surfaces (qui méritent bien leur nom), ont exploité et construit des millions de mètres carrés de surfaces de vente illicites. C’est ce que dénonce l’association.
…Et pendant ce temps, les inspecteurs de la DGCCRF arpentent les marchés armés de leurs petits thermomètres

Les serpents tuent au moins cent mille personnes par an, la plupart en Afrique et en Inde. Ils mutilent aussi, car parmi les cinq millions de personnes mordues, nombreuses souffrent de séquelles allant jusqu'à l’amputation. C’est le moment choisi par Sanofi pour annoncer l’abandon de la production des sérums antivenimeux. Une fois de plus les logiques financières s'opposent aux besoins élémentaires des humains. Ce qui pose à nouveau la question d'une maîtrise publique des entreprises du médicament
…Et pendant ce temps, les inspecteurs de la DGCCRF arpentent les marchés armés de leurs seuls thermomètres.

Inutile d’en rajouter sur l’affaire Servier, mais avez vous lu que le professeur Olivier Saint Jean (chef du service gériatrie à l’hôpital Pompidou), dénonce l’inefficacité des médicament employés pour soigner les malades Alzheimer (Libération du 20 septembre 2015) ? Pourtant, aujourd’hui, on continue de les prescrire (entre soixante à quatre-vingt mille patients concernés). Ces médicaments étaient même homologués avec un taux de remboursement de 65 %. Au coût de cent euros par mois et par patient. c’était une bonne affaire ! Mais en 2007, la Haute Autorité de santé (HAS), décide de les réévaluer. Les experts concluent à un effet très limité, mais rien ne change. Trois ans plus tard, la HAS est interpellée par un groupe de généralistes pointant une série de conflits d’intérêts de la part de ceux qui ont mené ces essais. “Ce qui m’a frappé,dit Olivier Saint-Jean, c’est que lorsque la commission de transparence rendait ses avis, elle demandait à chaque fois aux industriels de faire des études sur les effets au long terme de ces produits. Or aucun résultat d’essai à long terme n’a jamais été publié”. Enfin, cette année, la commission décide de rouvrir le dossier. Son avis est technique : elle considère que le bénéfice est insuffisant, mais que c’est à la ministre de prendre l’arrêt de déremboursement total.
…Et pendant ce temps, les inspecteurs de la DGCCRF arpentent encore les marchés armés de thermomètres.

Alors que, dans tous les médias, le patronat ne cesse d’expliquer que l’économie de marché repose sur la confiance… Des entreprises multinationales prennent toutes les libertés, elles trichent à tout va, elles grugent le consommateur, elles échappent à l’impôt, elles empochent les subventions de l’État. Et nous payons tout ça deux fois : une fois comme consommateurs, une fois comme citoyens avec nos impôts ! 

On voit bien que ce dont nous souffrons en réalité, c’est de pas assez d’État, pour empêcher ces brigandages. 

Mais les politiciens et les propagandistes libéraux ont le culot d’invoquer la liberté de l’entreprise face au “carcan" administratif, l’adaptation aux tendances du marché, la compétitivité. Et ils en demandent toujours plus. Ils sont en réalité complices de ces abus, et probablement corrompus (mais là, je suis mauvaise langue et injuste), par ceux pour lesquels ils combattent avec tant d’ardeur.

> Terminons par cette citation devenue fameuse (il faut de temps en temps revenir aux classiques) :“Le Capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. À vingt pour cent, il devient enthousiaste. À cinquante pour cent, il est téméraire ; à cent pour cent, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à trois cent pour cent, il ne recule devant aucun crime.”  [Karl Marx]