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Quand les patrons s'en vont-t-en guerre !

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Ayant engagé le pays sur le même chemin que ses prédécesseurs, le gouvernement socialiste cède devant le lobby patronal qui sait que tout recul obtenu en annonce un autre. Les français sont les témoins désolés d'un spectacle déjà vu au siècle dernier : élus par des voix de gauche, les nouveaux gouvernants socialistes cèdent à la pression et veulent démontrer qu'ils font mieux pour la finance et le capital que la droite.

> Car les patrons sont à l'offensive. Ils sont partout. Pas une émission de télé, un débat radio, pas un journal sans eux ou leurs journalistes chouchous. Avec une incroyable effronterie et un sentiment de supériorité sociale, ils font la leçon aux français. Ils demandent au gouvernement, sur le ton de l'indignation ou de la leçon d'économie, de procéder au "choc de compétitivité" dont la France aurait besoin, de faire baisser le coût du travail, de restaurer les marges des entreprises. Grisés par l'impopularité du gouvernement Hollande/Ayrault, ils demandent avec arrogance toujours plus de faveurs, toujours moins d'impôts et de taxes. Dernier coup de théâtre, et signe de la reddition gouvernementale, le plan Gallois dit "Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi", vient leur faire un nouveau et royal cadeau.

> Pourtant des cadeaux et des indulgences, ils en reçoivent et ils en prennent ! La Cour des comptes vient de donner un éclairage sévère sur le sujet. Elle estime le manque à gagner fiscal du aux diverses fraudes des entreprises, à environ 120 milliards d'euros pour la seule année 2010 ! 

Fraude fiscale : 20 à 25 milliards (avec entre autres, 7 et 12 milliards de fraude à la TVA, 4,6 milliards de fraude à l’impôt sur les sociétés, 4,3 milliards de fraude sur l’impôt sur le revenu). Fraude aux cotisations sociales 8 à 14 milliards (travail au noir pour la plus grande partie). Avoirs fiscaux non déclarés : 80 milliards en Suisse ! Plutôt que faire encore plus de cadeaux au patronat la première des urgences pour réduire les déficits publics, serait pour le gouvernement d'aller à la chasse aux voleurs tricheurs et et d'augmenter le nombre de contrôles fiscaux et d’inspecteurs du travail.

> Et ce n'est pas tout. Dans le Journal du dimanche, les "patrons indignés" (et impudents), déclarent vouloir faire baisser le coût du travail d'au moins 30 milliards d'euros sur deux ans, en réduisant les cotisations sociales liées aux salaires. Un transfert financé pour moitié par un relèvement de la TVA de 19,6% à 21% (la moyenne européenne) et l'autre moitié par une baisse des dépenses publiques. Ils semblent avoir été entendus...

Évidemment ils oublient de mentionner les deux cents quatre vingt treize niches fiscales dont bénéficient les grosses entreprises pour échapper à l’impôt. Les grosses entreprises du CAC 40 sont les moins imposées, à hauteur de 8% sur 83 milliards de bénéfices (redistribués pour près de la moitié à leurs actionnaires), alors que les PME sont imposées à 22%.

> Dans un article du "Monde diplomatique" la sociologue Christine Jakse démonte l'arnaque aux "charges sociales trop lourdes". Entre 1982 et 2010, la part des salaires (nets et cotisations sociales) dans la richesse produite chaque année en France (la valeur ajoutée) a reculé de huit points. Durant cette période, l’augmentation des salaires nets a été très faible. Et les taux de cotisation sociale ont cessé d’augmenter : le gel de la cotisation patronale vieillesse a eu lieu en 1979, celui de la cotisation patronale santé en 1984. Puis la cotisation patronale chômage en 1993, la cotisation salariale au milieu des années 1990, la cotisation patronale de retraite complémentaire (Agirc et Arrco) en 2001. Parallèlement, les politiques d’exonération ou de réduction des cotisations sociales sont passées de 1,9 milliard d’euros en 1992 à 30,7 milliards en 2008. C’est l’impôt (et donc le contribuable) qui a compensé le manque à gagner pour la Sécurité Sociale. 

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En cumul, depuis 1982, ce nouveau piratage partage de la richesse a déplacé l’équivalent de 1100 milliards d’euros de salaire brut et 400 milliards d’euros de cotisations patronales des salaires vers les profits. Et contrairement à la propagande officielle, ce n'était pas pour l’investissement et la créations d’emplois ! Ces 1 500 milliards d’euros ont surtout alimenté les dividendes (revenus nets distribués aux actionnaires) et l’épargne des entreprises, qui se sont respectivement accrus de six et neuf points entre 1982 et 2010. En prenant dans la poche des salariés pour remplir les comptes bancaires des entreprises, le résultat a été un transfert de richesses sans précédent !

> Dans une enquête parue le 3 novembre, l'hebdomadaire Marianne donne quelques chiffres significatifs. En 2001, l'augmentation du résultat net de Saint-Gobain a été de + 13, 7%, Hermès + 40,9%, Cap Gemini + 44,3%, Alstom + 58%. Solvay-Rhodia  a fait un résultat net de 784 millions d'euros. Sanofi enregistre un résultat net de 5,7 milliards d'euros. Pernod-Ricard, résultat net 1,15 milliard d'euros. Imeris, résultat net 282 millions d'euros. Cette année là, les profits des quarante principales entreprises françaises ont atteint 74 milliards d'euros. Et ce sont eux qui osent demander la réduction de l'impôt sur les sociétés !

> Et pendant ce temps la France se désindustrialisait, les entreprises sous-traitaient dans les pays à bas salaires, les patrons licenciaient, et le nombre de chômeurs et de précaires augmentait jusqu'à dépasser les cinq millions aujourd'hui. Et notre pays compte actuellement 8,5 millions de pauvres, les contrats à durée déterminée représentent 75% des embauches.... Étrange façon de gouverner pour préserver l'intérêt général et améliorer le sort des français ! Étrange façon de mettre en oeuvre le rôle social de l'entreprise ! 

Pour conclure, on pourrait dire en paraphrasant Jules Leverrier, que la classe des patrons, respirant l'orgueil et l'arrogance, étale à l'épreuve la nullité professionnelle et la pourriture morale.

Alors, quelle sera la prochaine demande des patrons opprimés ? Que vont-ils inventer pour augmenter la compétitivité leurs profits ? Ne plus payer d’impôts du tout ? Ne plus verser de salaires à leurs employés ? Peut-être même qu'ils nous demanderont de payer pour avoir le privilège de travailler ?


> Sources :

Christine Jakse sociologue, dans "Le Monde diplomatique" N° 704 de Novembre 2012  et dans Bella Ciao.  Vous avez dit "baisser les charges" ? http://bellaciao.org/fr/spip.php?article131116

Enquête dans Marianne numéro 811 du 3 novembre 2012 "Hollande au pied du mur de l'argent"

"Le corps d'officiers, respirant l'orgueil et l'arrogance, étalait à l'épreuve sa nullité professionnelle (à peu d'exceptions près) et sa pourriture morale". (Jules Leverrier  "La naissance de l'Armée nationale 1789-1794").

Le montage patrons en lutte est un hommage - clin d'oeil à la couverture du journal Libération.