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Nouvelles de Fukushima (6)

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Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, une "zone rouge" de vingt kilomètres de rayon autour de la centrale et une seconde "zone rouge" de cent cinquante kilomètres carrés au nord ouest ont été déclarées inhabitables, cent soixante mille personnes ont été déplacées et vivent dans des conditions provisoires depuis deux ans. Au-delà de ces deux zones, un vaste espace reçoit des doses radioactive supérieures à un millisievert par an (la norme de sécurité mondiale), et devrait lui aussi, être déclaré inhabitable. Pour tenter de calmer les esprits, le gouvernement japonais a trouvé une solution hypocrite et monstrueuse en déclarant que la nouvelle norme de sécurité serait non plus de un mais de vingt millisieverts - équivalent à la dose maximale autorisée pour le personnel aérien !

> Le lac Kasumigaura (deuxième plus grand lac du Japon avec une surface de deux cent vingt kilomètres carrés) fournit près d'un million de personnes en eau potable. Il est malheureusement mal situé (à soixante kilomètres au nord est de Tokyo et cent soixante kilomètres au Sud de Fukushima), depuis la catastrophe nucléaire, il absorbe (deux ans), de plus en plus de matières radioactives notamment du césium, apportées par les cours d'eau. Comme le lac ne se déverse pas vers la mer, la radioactivité s'accumule. De l'eau "potable".

> Puisqu'on parle d'eau, il faut savoir que quatre cents tonnes  d’eau par jour sont utilisées pour refroidir les réacteurs numéros 1 à 3 de la centrale dévastée (selon le quotidien Asahi Shimbun). Puis Tepco pompe cette eau radioactive pour la stocker. L'un des problèmes majeurs est d'éviter que l'eau contaminée ne s'écoule vers la mer toute proche. Pourtant une partie de l’eau polluée provenant du réacteur numéro 2, s’échappe par une brèche de vingt centimètres, découverte dans une fosse qui surplombe l'océan. La centrale a essayé de colmater cette fuite avec du béton, puis un mélange de polymère absorbant, et enfin du papier de journal et de la sciure, sans succès jusqu’ici. Les bassins creusés dans le sol ne disposent pas de matériaux pour couvrir le fond avec une étanchéité parfaite. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, ce problème de l'eau serait le plus grave auquel Tepco doit actuellement faire face sur le site de Fukushima. 

Dans un article très documenté, intitulé "Les shadoks de Fukushima" Olivier Cabanel fait le point sur les fuites à répétition qui ont lieu dans les ruines de la centrale, je vous en recommande la lecture.

> On se souvient que Tepco avait déversé en mer plus de onze mille tonnes d'eau radioactive en avril 2011. Les pêcheurs de la région de Fukushima redoutent une contamination touchant tous les poissons : en plus des fuites de la centrale, les cours d’eau lessivent les sols et charrient des éléments radioactifs jusqu’à l’océan. Du césium serait piégé dans les fonds marins, contaminant toute la chaîne alimentaire. En mer, à un kilomètre de la centrale, on a mesuré dans les poissons plus de deux mille becquerels par kilo soit quatre fois plus que la norme maximale tolérée. Dans d’autres poissons, on a mesuré  sept mille quatre cents fois plus de césium que la limite maximale tolérée. La compagnie a exposé son plan de pompage aux organismes de pêche de la région, mais ceux-ci expriment toujours leur scepticisme. 

> Akio Matsumura (diplomate, ancien conseiller spécial du Programme des Nations Unies pour le développement, fondateur et secrétaire général du Forum Mondial des  Parlementaires pour la Survie de l'Homme), a publié le 30 avril une lettre ouverte à Ban Ki-moon. Devant les carences du gouvernement japonais et de Tepco, sa conclusion est vigoureuse : "Aujourd’hui il est clair que nous ne pouvons pas laisser le Japon s’occuper seul d’un problème qui peut tous nous affecter. Monsieur Ban Ki-moon, je vous supplie d’utiliser la position unique qui est la vôtre à la tête des Nations unies pour galvaniser la volonté politique et organiser une équipe d’évaluation indépendante de scientifiques et d’ingénieurs pour trouver une solution au problème des barres de combustible irradié de Fukushima, avant que nous ne soyons obligés de gérer les émissions radioactives d’une nouvelle catastrophe. Le Japon et le monde ne devraient pas avoir à souffrir encore davantage parce que nous avons choisi d’attendre".

> Dans l'hebdomadaire l'Express du 5 mai, Jacques Attali s'alarme. "À en croire certaines données japonaises, dont certaines ne sont pas encore traduites, la situation de Fukushima n’est plus sous contrôle. D’abord, 400 tonnes d’eau y entrent chaque jour (envoyées par l’opérateur, Tepco, pour refroidir les réactions nucléaires qui s’y poursuivent), y sont contaminées, et viennent s’ajouter aux 280.000 tonnes d’eau contaminées qui s’y trouvent déjà. De plus, il y a dans la centrale des centaines de tonnes de matériaux très contaminés. Alors que, à Tchernobyl, un dôme de protection a été construit en sept mois, en mobilisant 300.000 personnes, dont 30.000 soldats, à Fukushima, le niveau de radiation est donc tel que même un commando suicide ne pourrait y opérer pendant plus que quelques secondes; et on ne peut pas y utiliser partout des robots, car l’usine est trop abîmée...."

> Comme si aucun dirigeant politique ou industriel n'avait tiré les leçons de cette catastrophe, les exportations de combustibles nucléaires reprennent. Après deux ans d’interruption, Areva s’apprêtait en avril dernier à expédier une nouvelle cargaison de Mox. Ce convoi de Mox vers le Japon, le premier depuis la catastrophe de Fukushima, a été dénoncé par Greenpeace, Sortir du nucléaire et Europe Ecologie les Verts qui en ont demandé l'annulation. "Le cynisme n’a pas de limites pour Areva. Après avoir contribué à la contamination massive, puis s’être fait pompier-pyromane en décrochant le marché de la dépollution des eaux radioactives de Fukushima, elle se prépare maintenant à envoyer de nouveau du Mox au Japon !", a déclaré l'association "Réseau sortir du nucléaire".

> Sont-ils tous fous  ? interroge Jacques Attali. En effet, ils méritent la camisole. ...Ou le tribunal ?


> Sources :

Vincent Verschoore dans AgoraVox. Où est la science ?  >>> Lien. 

Olivier Cabanel : Les shadocks de Fukushima. >>> Lien.

Areva, le Mox et le plutonium : le "business model" d’une catastrophe nucléaire ? Par Ivan du Roy dans Basta.mag. >>> Lien.   

Fukushima,il faut agir ! Lettre ouverte de Akio Matsumura à Ban Ki-moon. >>> Lien.  

Jacques Attali Fukushima : sont-ils devenus fous ? >>> Lien.

> Lire dans gilblog : 

Nouvelles de Fukushima (1). >>>Lien.

Nouvelles de Fukushima (2). >>> Lien.

Nouvelles de Fukushima (3). >>> Lien.

Nouvelles de Fukushima (4). >>> Lien.

Nouvelles de Fukushima (5). >>> Lien.