> Après 41 heures et 40 minutes d'une discussion passionnée sur le texte, il ne restait qu'une poignée de courageux députés autour de 22H45 jeudi soir lorsque l'Assemblée Nationale a décidé, sur instruction du secrétaire d'Etat Roger Karoutchi, de passer immédiatement au vote de la loi Création et Internet - vote qui n'était pas attendu avant la semaine prochaine. Un fait exceptionnel, qui permet de masquer le nombre important de députés UMP qui se seraient abstenus si le vote avait eu lieu, comme le veut la tradition, après les questions au gouvernment mardi soir. Ainsi l'a voulu Nicolas Sarkozy.
Les protestations du député centriste Jean Dionis du Séjour n'y ont rien changé. "On est 2,5 % du Parlement", constatait-il, lui qui fut l'un des rares députés à avoir été présent dans l'hémicycle pendant toute la durée du débat. Mais il a alors appris que son président de groupe François Sauvadet, qui lui ne s'est pas présenté une seule fois au débat, avait donné son accord pour ne pas fixer de date ultérieure à un vote solennel. Quant aux députés socialistes, à l'attitude décidément bien ambigüe, ils n'ont pas jugé utile de s'en émouvoir. Emballez, c'est voté. Quatre députés ont voté non (dont Martine Billard et Patrick Bloche), et une dizaine de mains se sont levées sur les bancs de la majorité pour voter oui. En tout, 16 députés étaient dans l'hémicycle au moment du vote.
> Parenthèse du genre “plus ignorant que ça tu meurs”. Répondant à une question du député Christian Paul, Christine Albanel a assuré que "sur les logiciels libres, il peut y avoir des pare-feu" et elle ajoute : "par exemple au ministère de la Culture nous avons Open-Office".
Comme vous le savez sans doute, OpenOffice est bien un logiciel libre, mais c’est un logiciel de TRAITEMENT DE TEXTE. Rien à voir avec un pare-feu !
On disait Christine Albanel incompétente pour gérer ce dossier, mais là ça dépasse l'imagination. On suppose que le nombre de fois où la ministre a approché un ordinateur dans sa vie doit pouvoir se compter sur les doigts d’une seule main...
> Voici donc voté l’article principal de la loi, en attendant le vote final qui suivra la Commission Mixte Paritaire du 9 avril, chargée de concilier les quelques divergences entre le Sénat et l'Assemblée.
Dans le seul et unique but affiché de protéger les intérêts d'une partie de l'industrie culturelle (et non des artistes), les députés ont créé un tribunal d'exception, l'Hadopi, qui aura pour charge d'avertir et de sanctionner des internautes dont le seul tort avéré aura été que leur adresse IP apparaisse sur des relevés d'infractions effectués, on ne sait trop par quelle méthode, par des ayants droit. Le seul moyen pour l'internaute innocent de plaider sa bonne foi auprès de l'Hadopi sera d'installer au préalable un logiciel de sécurisation labellisé par l'Etat, qui sera contrôlé à distance et en permanence par une société privée ! Un véritable logiciel espion imposé par l'Etat, ce qui révèle le but principal de la loi : obliger chaque internaute à équiper son ordinateur d'un filtre, qui permettra de cacher ces pirates que l'on ne saurait voir, et surtout demain, de sacrifier la liberté d'expression. Le tout en bafouant allègrement les droits de la défense, puisque malgré la mise en place d'une usine à gaz chargée d'envoyer 10.000 avertissements et de prendre 1.000 décisions de suspension par jour, les internautes qui se sentent accusés à tort n'auront pas la possibilité de contester. Ils le pourront uniquement après leur condamnation, sans suspension de la peine. Et bien sûr, sans qu'il soit matériellement possible de démontrer leur innocence, pourtant réelle, sauf à produire d'improbables preuves. Et tout ça sans intervention de la justice….
Pour les internautes, la loi Hadopi (connue également sous le nom prétentieux de “Création et Internet”) ne changera rien, ni pour les pirates qui ont déjà trouvé les failles, ni pour les artistes qui n’ajouteront pas un centime de plus à leur déclaration d'impôts grâce à la riposte graduée. Mais en tant que citoyens, cette violation des principes qui fondent la République nous révulse. Elle aurait poussé, en d'autres temps, à l'insurrection. Et elle poussera, c'est certain, à la désobéissance civile. Si la démocratie étatique ne s'accommode pas d'Internet, l'Internet démocratique se fera sans l'Etat.
Librement résumé des articles de Guillaume Champeau et Joseph Paris sur Numerama et Agoravox.
http://www.numerama.com/magazine/12527-La-loi-Hadopi-votee-a-la-sauvette-par-16-deputes.html
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=53964