Les grands médias ne vous l'avaient pas encore sussuré à l'oreille, mais une résolution du Parlement européen de mai 2008 prévoit la création d’un "Grand marché transatlantique" pour 2015. L’élimination des barrières au commerce, d’ordre douanière, technique ou réglementaire, ainsi que la libéralisation des marchés publics, de la propriété intellectuelle et des investissements sont au programme.
Selon les "experts", il y aurait de nombreux points communs entre l'Europe et les États-Unis, notamment la taille de leurs PIB, leur libéralisme économique, leur stratégie commune en politique étrangère, notamment la "lutte contre le terrorisme". S'il est signé par la Commission européenne (vous savez ces gens qu'aucun citoyen n'a élu), l’accord prévoit l'harmonisation progressive des réglementations et la reconnaissance des règles en vigueur des deux côtés de l’Atlantique. Étant donné le poids des partenaires et le rapport de force, on peut deviner que c’est le droit en vigueur aux USA qui s’appliquera....
On comprend mal pourquoi la Commission européenne propose de livrer le marché européen (et les européens avec), à la convoitise des grandes firmes états-uniennes. Car on devine facilement que l’Union européenne y perdra dans cet échange inégal : elle ne pourra pas résister à la force de frappe des industries nord-américaines, ni aux pressions de leur État.
Dans Libération du 1er mars 2013, avec un article intitulé "L’Europe doit-elle se soumettre à l’empire américain ?", Françoise Castex, députée européenne socialiste, s'indigne. Pour elle "la Commission européenne se fait une nouvelle fois le supplétif des intérêts américains en ouvrant les négociations sur un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis".
En effet, une annonce sur fond de lobbying intense des industries américaines a été faite le 12 février 2013 par le président de la Commission européenne et le président des Etats-Unis. C'est "l’ouverture de négociations en vue de la création d’une zone de libre-échange transatlantique". Cette dernière serait "un nouveau moteur pour la croissance et pour l’emploi", dit José Manuel Barroso (venant de lui, on est rassurés). Elle "soutiendrait des millions d’emplois américains bien payés", selon Barack Obama, qui a le mérite de ne pas dissimuler les intérêts des USA.
Pour Coca Cola et MTV, Burger King et Mac Donald, les frites McCain et Microsoft, Intel et les glaces Haagen Dazs, Marlboro et General Electrics, Heinz et Gillette, Nike et Dell, Ford et Pepsi, Pfizer, Kellog's et Gap c'est déjà fait, ils sont là. Mais il reste encore Walmart, les poulets lavés à l'eau de Javel, les aliments OGM, j'en passe et j'en oublie. Et ce n'est pas tout....
Revenons à Françoise Castex qui poursuit son article en dénonçant "le lobbying exercé par les géants américains du Net, et ce avec le concours du gouvernement américain, sur les parlementaires européens dans le cadre de la réforme actuelle de la protection des données personnelles qui en dit long sur les intérêts économiques en jeu". Dommage que Françoise Castex s'arrête au seul cas des données personnelles, elle était sur le bon chemin...
Parallèlement aux négociations sur ce futur "Grand marché transatlantique", des discussions très discrètes ont lieu pour créer un espace commun de contrôle des populations. Un rapport conçu par des experts de six États membres, a établi un projet de création d’une aire de coopération transatlantique en matière de "liberté de sécurité et de justice", d’ici 2014. Il s’agit de réorganiser les affaires intérieures et la Justice des États membres "en rapport avec les relations extérieures de l’Union européenne", c’est à dire les relations avec les États-Unis.
Les grands médias de la désinformation, de TF1 à "Le Monde", ne parlent jamais des négociations vers cette nouvelle zone de libre échange, ce "grand marché intégré" qu'on nous prépare depuis quelques années secrètement très discrètement. Si ce vaste sujet est peu connu, c'est que le projet est plein de menaces pour l'économie et pour l'emploi, on s'en doute.
Mais il est dangereux aussi pour les libertés. Pour ceux qui décryptent la langue de bois, liberté sécurité justice signifie : fichiers, écoutes, filatures et arbitraire. Et la nouvelle "aire de coopération transatlantique" ferait que l’ensemble du droit états-unien serait reconnu par les pays européens et que, par exemple, les demandes d’extradition faites par les USA seraient automatiquement satisfaites (après de simples contrôles de procédure).
Les grands médias de la désinformation ne vous disent pas qu'aux États-Unis, le "Military Commissions Act" de 2006 permet de poursuivre ou d’emprisonner indéfiniment, toute personne désignée comme ennemi par le pouvoir exécutif. Cette loi concerne tout ressortissant d’un pays avec lequel les USA ne sont pas en guerre. On est poursuivi comme "ennemi combattant illégal" non pas sur des preuves, mais simplement parce qu’on est nommé comme tel par le pouvoir exécutif. Cette loi, de portée internationale, n’a été contestée par aucun gouvernement étranger (on croit rêver - genre cauchemar) ! Si cet accord était en vigueur en Grande Bretagne, Julian Assange serait en train de croupir dans une prison aux USA.
Alors, tout ce tintouin avec l'Europe pendant cinquante ans, c'était pour en arriver là ?
> Sur la photo : Françoise Castex, députée européenne.
> Sources. Libération. Françoise Castex : L’Europe doit-elle se soumettre à l’empire américain ? >>> Lien.
AgoraVox : Grand Marché Transatlantique : transfert de la souveraineté européenne. >>> Lien.
AgoraVox : Le Marché Transatlantique fait un retour au Parlement Européen >>> Lien.
Lire dans gilblog : Bonne nouvelle Acta est mort. Mauvaise nouvelle : Ceta va le remplacer ! >>> Lien.
Report of the Informel, Hight Level Advisory Group on the Future European Affairs Policy (Future group), « Freedom, Security, Privacy. European Home Affairs in a Open World », June 2008, p. 10, paragraph 50.
Wikipedia : Marché transatlantique. >>> Lien.