La NSA National Security Agency, en français Agence nationale de sécurité. Le quartier général de la NSA est situé depuis 1954 à Fort Meade (Maryland) sur une base militaire de l'US Army à quelques kilomètres au nord-est de Washington. La NSA est dirigée depuis avril 2005 par le général Keith Alexander. Pour cet homme, un internet libre est une menace pour la survie des Etats-Unis, et la promesse d’une attaque massive. C’est l’analyse qu’il développe depuis des années à chaque fois qu’il est auditionné par le Congrès.
En 2009 la NSA employait trente cinq mille salariés directement et soixante mille avec le personnel des services cryptographiques des différentes forces armées américaines. Il faut y ajouter le personnel des entreprises de sous traitance, les postes créées depuis 2009 et les nouveaux recrutements. Ça fait du monde ! La NSA dispose d’un budget quatre fois supérieur à celui de sa société mère, la CIA elle même.
Boum ! Mercredi 5 juin, révélation d'un scandale: la National Security Agency (NSA), le service chargé de surveiller les télécommunications aux Etats-Unis, bénéficie d’un accès illimité aux données de Verizon (un des principaux opérateurs téléphoniques aux USA), et donc espionne les communications des citoyens états-uniens ! C'est dans le grand journal britannique The Guardian qui publie les articles de Glenn Greenwald sur "la sécurité et la liberté".
Re Boum ! Jeudi 6 juin révélation d'un deuxième scandale, mais encore plus gros. Cette fois-ci, ce ne sont plus seulement les citoyens américains qui sont espionnés par la NSA, ce sont les gens du monde entier, vous, moi ! Dans le jargon de la NSA, nous sommes des cibles (targets), c'est dire comment nous sommes considérés. Et c'est avec l'aide complice des plus grandes entreprises d’Internet : Google, Facebook, Microsoft, Apple, Yahoo, AOL, YouTube, Skype et PalTalk. En effet ces neuf sociétés permettent à la NSA d’accéder directement aux données privées de leurs utilisateurs, car, comme chacun le sait sans doute déjà, la majorité des informations échangées dans le monde passent par les Etats-Unis, puisque la plupart des serveurs s'y trouvent.
L'affaire commence en 2007, au moyen d'un programme qui porte le nom de "Prism". Glenn Greenwald en révèle l’existence dans les journaux The Guardian et le Washington Post. Sa source est Edward Snowden, un lanceur d’alerte Américain de vingt neuf ans, qui travaillait pour un sous-traitant de la NSA à Hawaï, et qui a décidé de dénoncer ces pratiques, à ses yeux inadmissibles. Greenwald diffuse également sur le site du Guardian une interview vidéo du lanceur d’alerte, enregistrée à Hong Kong. Edward Snowden, sait qu’il ne pourra plus jamais vivre libre aux Etats-Unis.
Aux USA, les passions se déchaînent, la sénatrice Diane Feinstein (présidente du Comité américain sur le renseignement) veut la peau de Snowden, c'est un traître ! Obama essaye de rassurer l'opinion par une conférence de presse peu convaincante (Ah, si c'était le Vénézuela ou la Syrie qui espionnait ses citoyens, ça aurait plus de gueule !).
Pour certains experts et commentateurs US, la NSA déploierait des moyens considérables pour de très maigres résultats (la récente actualité semble le démontrer). Pour l'opposition et les défenseurs des liberté civiques et individuelles, Edward Snowden est un citoyen clairvoyant, un bon américain et un héros lanceur d’alerte.
> Et en Europe ? Peu avant les révélations de Glenn Greenwald et Edward Snowden sur le scandale de la NSA, une poignée de politiques européens avaient tenté de modifier les législations sur la protection des données, afin de parer aux ingérences des programmes de surveillance américains, mais sans succès. Le lobby américain est-il si puissant à Bruxelles ?
Viviane Reding, (vice-présidente de la Commission européenne), a déclaré vendredi 7 juin qu' "un cadre juridique clair pour la protection des données personnelles n'est pas un luxe ou une contrainte, mais un droit fondamental", donc la Commission européenne pourrait être favorable à des mesures de protection plus strictes, en réaction à Prism. Ce serait bien le moins !
La députée européenne Sophie in‘tVeld (Hollande) décrit une rencontre avec Dianne Feinstein, présidente du comité sénatorial américain sur le renseignement. “Elle ne m'a pas fait l'effet d'une personne particulièrement soucieuse des libertés civiles –c'était même le contraire. Son attitude nous a beaucoup choqués. Alors si le contrôle démocratique se fait sous son autorité, non, cela ne me rassure pas vraiment”.
> La ministre de l'Economie numérique Fleur Pellerin déclare mardi 11 juin que l'existence "avérée" d'un programme secret américain de surveillance électronique rendrait "pertinent" de localiser les data centers (en français on dit centres de traitement de données ou centres de télécommunications) sur le territoire national pour protéger les informations les plus sensibles. La ministre, considère que cette affaire est "très préoccupante pour les citoyens et les entreprises", mais "pour le moment, le gouvernement américain a assuré qu'il donnerait toutes les données nécessaires aux autres gouvernements pour prouver la légalité de son dispositif". Elle y croit déjà, Fleur Pellerin est ministre chez les bisounours ! Pas scandalisée pour un sou elle a ajouté "quand les explications seront fournies par l'administration américaine, il y a aura des discussions multilatérales à avoir avec le gouvernement américain". Un scandale d'espionnage et de piraterie d'ampleur internationale éclate et la Fleur tourne autour du pot... Enfin, comme dit si bien le Canard enchaîné, : "pour une fois qu'Obama nous écoute !"
> Sur son blog vendredi 7 juin, Glenn Greenwald dit sa façon de penser sur l'administration états-unienne : La façon dont les choses devraient fonctionner est la suivante. Nous sommes censés à peu près tout savoir d’eux : c’est pour cela qu’on parle de service public. Eux sont censés à peu près ne rien savoir de ce que nous faisons : c’est pour cela qu’on nous appelle des individus privés. Cette dynamique, la base d’une société saine et libre, a été inversée de manière radicale. Maintenant, ils savent tout de ce que nous faisons, et construisent sans cesse des systèmes pour en savoir plus. Pendant ce temps, nous en savons de moins en moins sur ce qu’ils font, puisqu’ils construisent des murs de sécurité derrière lesquels ils travaillent. C’est ce déséquilibre qui doit prendre fin. Aucune démocratie ne peut être saine et efficace si les actions les plus importantes de ceux qui détiennent le pouvoir politique restent totalement inconnues de ceux auxquels ils sont censés rendre des comptes.
> Fleur Pellerin feint aujourd'hui la surprise, mais cette Ancienne élève de l'ENA n'a pu gravir les échelons du pouvoir sans connaître un autre Echelon. Echelon est le nom d'un vaste système mondial d'écoutes, permettant d’intercepter toutes les communications téléphoniques venant des téléphones fixes et portables, les e-mail et les fax. Ce système de "surveillance électronique" a été mis au point par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pendant la guerre froide. Mais depuis la chute du mur de Berlin, il espionne tout et partout. La première base Echelon a vu le jour dans les années 1970 aux USA. C'était le début d’un réseau qui couvre aujourd’hui la terre entière et qui est resté inconnu du grand public pendant plus de quarante ans. Mais, les meilleures choses ayant une fin, un beau jour de 1988, Duncan Campbell (un journaliste écossais), dévoile le projet Echelon dans la presse. Le système Echelon est placé sous le contrôle de la National Security Agency (NSA), cette agence de la CIA, a été créée en 1948 et oeuvre avec la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Canada. La France aussi à son système, il s'appelle Frenchelon (cocorico).
> Petit jeu stimulant pour l'imagination : essayons de faire le lien entre certains faits. Ajoutons à l'espionnage de nos vies par la NSA, les poursuites extra judiciaires prévues dans les clauses de l'actuel projet de grand marché transatlantique, la video surveillance, la géolocalisation en temps réel de nos conversations téléphoniques, ce qu'est un "ennemi" des USA, la définition fourre-tout du terrorisme par le pouvoir états-unien, et enfin les drones. Et l'addition constitue une petite mise en garde : et s'il venait à l'idée d'un nouveau Docteur Folamour de lier et coordonner ces moyens existants (vous avez bien lu : des moyens existants), il pourrait réaliser le cauchemar de George Orwell et Aldous Huxley dans "1984" et "Le meilleur des mondes" et nous plonger dans une mondialisation de la terreur.
D'autres encore y ont pensé : dans AgoraVox le 11 juin, Bernard Dugué s'interroge. Je résume à ma façon : "La guerre contre le terrorisme, domaine spécifiquement réservée à l’armée et ciblant des groupes désignés comme ennemis de la nation, peut-elle devenir une guerre menée par l’État contre ses propres citoyens ? Ce qui permet de faire la guerre peut-il être utilisé dans le domaine civil ? L’État n’a aucune raison de faire la guerre si les citoyens sont obéissants et dociles. Disons plutôt que si guerre il y a, celle-ci est préventive. Elle a pour justification le fait qu’un citoyen pourrait se livrer à des activités subversives et terroristes au sein du territoire national. Par exemple, l'attentat commis à Boston alimente les arguments de ceux qui défendent le "Patriot act" et l’extrême surveillance des individus potentiellement "nuisibles" au sein du territoire américain. Certains imaginent déjà l’utilisation de drones pour des missions de surveillance. Mais aussi des drones équipés d’armements ne pourraient-ils pas être utilisés pour déceler un individu potentiellement dangereux, et le détruire (et ça c'est pas du terrorisme ?). Les États-unis le font bien à l'étranger, au Pakistan, en Afghanistan, et pourquoi pas ailleurs ?
> Pendant que les gouvernements faisaient du bruit de la main droite pour nous protéger du danger pédophile-islamiste-qui-fait-peur-sur-l'internet, ils manipulaient Echelon et Frenchelon de la main gauche. Et pendant ce temps des politiciens fous aux USA construisaient un outil pour contrôler des millions et des millions de citoyens, qui échangeait avec des programmes d’espionnage similaires au Canada et en Australie ! Il semble bien que le Docteur Folamour soit toujours vivant... Quant à Barack Obama, il mérite bien le prix Nobel : celui de l'espionnage mondialisé !
En attendant les suites de l'effet dominos déclenché par ce scandale planétaire (lien vers Slate en bas de page), un grand coup de chapeau et longue vie à tous les Glenn Greenwald, Edward Snowden, Bradley Manning et Julian Assange !
> Photos, de haut en bas. Le siège de la NSA à Fort Meade. La carte transmise au Guardian par Edward Snowden; elle montre le nombre d'informations collectées par pays par la NSA (plus c'est rouge, plus il y en a).
> Sources :
Le Berry Républicain du 12 juin. Edward Snowden, l'homme qui défie Washington.
Le blog de Glenn Greenwald. >>> Lien.
Slate. Nouvelles révélations sur la NSA. >>> Lien.
Bernard Dugué : l'état de guerre autoritaire. AgoraVox. >>> Lien.
La NSA sur Wikipedia. >>> Lien.
Echelon sur Wikipedia. >>> Lien.
Le complexe militaro-industriel des États-Unis. Wikipedia. >>> Lien.