Je vous présente le nouvel avatar de la mondialisation, l'ACTA : Anti-Counterfeiting Trade Agreement, en français Accord commercial anti-contrefaçon. L'ACTA est un traité secret négocié de manière officieuse depuis 2007 par un groupe de pays (États-Unis, Australie, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, Mexique, Jordanie, Maroc, Singapour, Union européenne, Suisse, Japon, Émirats arabes unis, Canada). Les participants à cette espèce de "négociation" Acta sont des représentants gouvernementaux, les plus grands lobbys pharmaceutiques, Monsanto, la Warner, Disney, mais pas les associations de consommateurs, pas les représentants des créateurs de logiciels libres, pas les représentants du tiers monde…. Le texte vise à établir une politique commune en matière de lutte contre la contrefaçon, la protection des brevets et de la "propriété intellectuelle". Comme l'OMC (Organisation mondiale du Commerce), c'est un organisme qui prétend imposer sa politique au monde, en dehors de tout cadre démocratique ou légal, puisque les populations concernées ne seront informées qu'après coup.
Qu'il s'agisse de Hadopi, Loppsi, Acta, la similitude des moyens préconisés est étonnante : réprimer les internautes hors du cadre légal. Pourtant les internautes ne sont pas des espèces de martiens, les internautes, c'est vous c'est moi, ce sont tous les citoyens qui utilisent un ordinateur.
Si le traité ACTA venait à être appliqué, l’internet tel qu’on le connait aujourd’hui serait radicalement changé écrit Fabrice Epelboin dans ReadWriteWeb. "Le traité renforce de façon démesurée le pouvoir du copyright (ou du droit d’auteur, en l’occurrence la différence est insignifiante), forcera les fournisseurs de services sur internet à faire la police du copyright, rendant du même coup l’hébergement de contenus générés par les utilisateurs impossible à assumer financièrement, il mettra en place des sanctions pour les utilisateurs violant le copyright, comme de leur couper l’accès à l’internet après trois avertissements, et exigera que les supports informatiques soient inspectés aux frontières (disques dur, lecteurs mp3, etc.). Ceux qui contiendraient des fichiers copyrightés téléchargés de façon illégale seraient détruits, et leur possesseurs se verraient infliger une amende."
Petit détour pour mieux faire comprendre mon propos. Les entreprises étatsuniennes utilisent depuis quelques années une arme puissante qui consiste à mettre des brevets sur tout. La plus abusive et scandaleuse de ces pratiques est de prétendre breveter le vivant : on prend une substance existant dans la nature quelque part en amazonie, on la brevète pour s'en attribuer la propriété et le monopole de la commercialisation, aux États unis et dans le monde. Par exemple les compagnies agroalimentaires des USA brevètent des semences de céréales adaptées au changement climatique. Les conséquences pourraient être dramatiques, comme celle de l’épidémie du sida en Afrique, où les gens sont morts parce que les compagnies pharmaceutiques avaient breveté les médicaments et fait pression pour empêcher la production de génériques.
Le régime de la propriété intellectuelle et des droits d'auteurs n'est pas le même aux USA et dans les autres pays, peu importe, les entreprises étatsuniennes essayent d'imposer le leur. C'est ce qui est en train de se passer avec l'Acta. Mais quels sont les enjeux ? Pourquoi l'Acta se négocie-t-il en secret ? Qui les Français ont ils élu pour négocier en leur nom ? Quel mandat ont-ils confié à ces représentants ?
Au contraire de ce qui était annoncé au départ, la mondialisation n’a pas rendu le monde mieux gouverné, plus juste, plus clair, mais au contraire plus opaque, moins compréhensible, et livré aux puissants.
L'Association internationale des consommateurs organise une action et une pétition, en voici le texte, et en bas : le lien.
"Les gouvernements de l’Australie, du Canada, de l’Union Européenne, du Japon, du Mexique, du Maroc, de la Nouvelle-Zélande, des Émirats Arabes Unis, et des États-Unis négocient présentement en secret un soi-disant Accord Commercial Anti-Contrefaçon (Anti-Conterfeiting Trade Agreement).
Cet accord aux visées ambigües prévoit:
> L’autorisation faite aux fournisseurs de services Internet d’espionner leurs clients, et de leur couper l’accès Internet sur allégation de téléchargement de fichiers protégés par le droit d’auteur ;
> La mise en place d’un système de "réponse graduée" et de responsabilité des fournisseurs d’accès Internet, qui entrainerait le filtrage du Net ainsi que des atteintes à l'interopérabilité des œuvres numériques légalement acquises;
> L’autorisation donnée aux douaniers d’effectuer des fouilles des ordinateurs et lecteurs MP3, et de les saisir s’ils contiennent quelque matériel qui semble susceptible d’enfreindre des droits de propriété intellectuelle;
> L’introduction de nouvelles sanctions criminelles pour les atteintes au droit d'auteur, y compris des sanctions pour des usages d’Internet jusque-là non criminalisés;
> D’autres mesures sur des sujets importants, comme l’accès aux médicaments.
Il y a d’après nous des raisons sérieuses de s’inquiéter des conséquences que cet accord pourrait avoir sur les libertés et droits fondamentaux des citoyens des pays participants. Nos craintes sont corroborées par des documents de la Commission européenne qui indiquent clairement que cet accord aura pour effet de restreindre certains droits et libertés, et notamment ceux relatifs à la liberté d’expression et à la protection de la vie privée.
L’actuel processus de négociation, c'est-à-dire une négociation secrète entre les représentants des États participants, nous inquiète tout particulièrement. En effet, depuis plus de 19 mois les gouvernements assistent à des rencontres sans dévoiler les textes qui font l’objet des négociations, ou permettre au public d’observer ou de participer. Le processus de négociation soulève donc en lui-même d'importantes questions de transparence et de respect des processus démocratiques; il est extrêmement troublant de constater que certaines industries américaines ont eu accès aux documents, alors qu’on en a refusé l’accès au Parlement européen et aux associations de consommateurs.
Les gouvernements ont le devoir d’informer les citoyens sur les projets d’accords qu’ils négocient et qui auront des conséquences sur leurs droits et libertés fondamentaux.
En conséquence, nous appelons les membres des divers Parlements, Congrès, et autres assemblées représentatives des États participants à exiger des gouvernements qu’ils agissent de façon transparente sur le processus actuel de négociation en publiant le projet d’accord, et à refuser toute proposition d’accord qui porterait atteinte aux droits et libertés fondamentaux."
> Pour signer la pétition :
http://a2knetwork.org/fr/declaration-conjointe-acta