24 mars 2010, le Tribunal administratif d'Orléans était saisi d'une demande en référé suspensif de l'Arrêté préfectoral autorisant l'épandage des boues de la station d'épuration du Siaap à Achères (78), sur la requête de l'Association environnementale du Cher (AVEC), représentant le collectif des associations anti boues du Siaap.
La séance du Tribunal administratif était présidée par monsieur Mesognon. Maître Delphine Liebeaux, du cabinet Genesis représentait les anti boues, maître London représentait le Siaap. Ni le Préfet du Cher ni aucun cadre préfectoral ne s'étaient déplacés, et la Préfecture n'était pas représentée par un avocat.
> Le président du Tribunal administratif a donné la parole en premier à Maître Liebeaux, qui a développé les arguments qui montrent les anomalies, incohérences et inexactitudes du plan d'épandage de l'arrêté préfectoral, et qui plaident en faveur de sa suspension. L'avocat a exposé que les associations n'avaient plus que ce moyen pour faire suspendre puis annuler l'arrêté, après avoir épuisé tous les recours. En effet, après plus de vingt rassemblements, le refus des maires, des demandes de rendez vous sans réponse de la Préfecture, l'intervention de Jean-Louis Borloo, la demande de retrait de l'arrêté par le vote unanime du Conseil général le 7 décembre dernier, la Préfecture restait inflexible et ne laissait aux associations comme recours, que le Tribunal. Le détail des motifs développés par Maître Liebeaux est maintenant assez connu, il a été énoncé à de nombreuses reprises dans les rassemblements organisés par le Collectif anti boues, on peut en trouver l'essentiel dans les pages de ce Blog des boues.
Le président Mesognon exprime ses interrogations sur le bien fondé d'une demande de suspension pour caractère d'urgence : "Pourquoi l'Association de veille environnementale du Cher ne l'a t-elle pas fait plus tôt ?"
> C'est au tour de Maître London de prendre la parole. Elle répond brièvement en répétant les arguments habituels du Siaap : les boues sont un fertilisant, on épand les boues des stations d'épuration dans d'autres pays d'Europe, si c'était dangereux le Siaap ne le proposerait pas, les boues sont hygiénisées ...etc. L'avocat du Siaap paraît un peu ébranlé par les nombreux arguments qui contestent l'arrêté et le plan d'épandage, arguments qui l'amènent à plusieurs reprises à en reconnaître les erreurs.
Et là, sous la pression des arguments adverses, et de manière inattendue, Maître London annonce que le Siaap a suspendu son projet durant toute l'année 2009 et se prépare à le suspendre un peu plus longtemps, jusqu'à l'été 2010. Le Président affiche un air un peu étonné et demande des précisions, et maître London de répondre que ça pourrait être jusqu'en 2011. Delphine Liebeaux exprime des doutes sur la fiabilité de cette information de dernière minute "Qu'est-ce qui garantit que cette annonce sera suivie d'effet ?" Le Président Mesognon déclare qu'une telle déclaration constitue un engagement, et que si elle n'était pas exécutée, le Tribunal se réunirait immédiatement pour statuer en urgence.
Maître Liebeaux demande un engagement écrit de suspension jusqu'en 2011, demande à laquelle souscrit le Président du Tribunal.
> Conclusion. D'ici la séance du Tribunal qui statuera sur le fond, c'est à dire sur la demande d'annulation (dans quelques mois), il semble maintenant peu probable que l'arrêté sera suspendu. Mais le mouvement anti boues remporte une bataille : la partie adverse retarde l'exécution de son projet une année de plus !
Ce recul est du, on s'en doute, à l'action des associations locales de défense de l'environnement, à l'opposition des habitants du Cher et de leurs élus. Il exprime aussi l'embarras de la Préfecture devenue soudainement timide, qui ne se déplace pas et ne délègue pas un avocat pour défendre son dossier.
On peut s'interroger : dans quelle concertation de dernière minute entre la Préfecture et le Siaap, ce recul spectaculaire et soudain a-t-il été décidé ?
Le Préfet du Cher a-t-il si peu confiance dans son dossier et dans la validité de ses arguments qu'il envoie le Siaap parler en son nom ? C'est un peu étrange : il était bien question d'un Arrêté préfectoral, non ?
Autre supputation. Il existe un mouvement de protestation anti boues dans le Loir et Cher, département concerné par un autre projet d'épandage de la station d'Achères. Devant le risque d'élargissement de la protestation à plusieurs départements, le Siaap essaye-t-il de faire profil bas ?
> À la sortie du Tribunal, par la voix de Willy Béteau, le Collectif des associations déclare : "Une bataille est remportée, mais ce premier recul ne signifie pas que la partie est gagnée et que l'action va se relâcher". On s'en serait douté.
Photo: sourires à la sortie du Tribunal administratif d'Orléans.
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