> Depuis l'enquête d'utilité publique et sa conclusion défavorable, la dénonciation des risques créés par l'épandage massif et répété des boues de la région parisienne (14 000 tonnes par an sur des périodes de huit ans renouvelables à l'infini), les vingt-deux rassemblements organisés par le collectif anti-boues, les arrêtés municipaux d'interdiction des épandages, les rencontres avec les élus, l'annonce des multiples anomalies contenues dans l'annexe de l'arrêté préfectoral, le vote du Conseil général... arrêtons là. Pendant tout ce temps, la Préfecture du Cher et le Siaap ont été en relation permanente. On ne sait pas ce qu'ils se sont dit dans le calme de leurs bureaux, à table, ou au hasard d'une chasse en Sologne, mais ils se sont écrit. Et c'est instructif, jugez par vous mêmes.
> Le 28 juillet 2009. Le Siaap écrit au Préfet du Cher (extraits).
"L'arrêté préfectoral n°2009.1.328 du 8 février 2009 comporte en annexe la liste des parcelles agricoles qui constituent le plan d'épandage des boues de Seine Aval dans le département du Cher.
Un certain nombre d'erreurs ont été détectées dans cette annexe.
Les références cadastrales indiquées dans cette annexe doivent être revues pour prendre en compte la nouvelle numérotation dorénavant utilisée.
Nous travaillons à sa modification pour vous fournir un document revu dans les plus brefs délais.
Compte tenu de ce qui précède, le Siaap s'engage à ne pas épandre de boue dans le département du Cher tant que le document modificatif ne vous aura pas été fourni."
Signé pour le Directeur Jean-Claude Lagrange.
> Un certain nombre d'erreurs, tu parles ! Le plan d'épandage en est truffé ! Et si les associations anti-boues d'Achères n'en avaient pas dénoncé les incohérences, les épandages auraient eu lieu. On verra en lisant la suite que les modifications vont demander du temps.... Le courrier date de juillet 2009, nous sommes en mars 2010 et le plus bref délai semble être encore devant nous.
> Le 12 octobre 2009. Le Siaap écrit au Préfet du Cher (extraits).
"Pour faire suite à notre courrier du 28 juillet 2009, je vous adresse ci joint la liste des références cadastrales rectificative de l'annexe 1 de l'arrêté préfectoral n° 2009.1.328 du 8 février 2009.
Les corrections qui ont été apportées ne modifient en rien la composition géographique des terrains qui ont fait l'objet de l'enquête publique et de l'autorisation. Il s'agit bien de rectifications d'erreurs matérielles, sans modifications substantielles.
Nous nous étions engagés par notre précédent courrier à ne pas épandre de boues dans le département du Cher tant que ce document modificatif ne vous aurait pas été envoyé.
Je vous propose de maintenir cet engagement sur les parcelles qui font l'objet de ces rectifications en attendant que l'arrêté préfectoral ait pu être rectifié. Si la rectification de l'arrêté ne pouvait être faite avant le démarrage de la prochaine campagne d'épandage au printemps 2010, je vous propose que puissions commencer les livraisons dans vote département à cette période sur les parcelles n'ayant pas fait l'objet de correction.
Cette rectification de l'annexe de l'arrêté ne justifie pas à mon sens le passage en CODERST. Nous travaillons à vous adresser une note de synthèse juridique qui sous tend cette position."
Signé pour le Directeur, Eric Labedan.
> Peu avant la séance du Tribunal administratif du 24 mars, les associations et leur avocat ont vainement demandé communication du Plan d'épandage; réponse de la Préfecture : il n'y en a pas. Or il en est fait mention dans ce courrier... Alors y en a ou y en a pas ? Officiellement, y en a pas.
On notera que c'est le Siaap, au moyen d'une note de synthèse juridique, qui "conseille" à la Préfecture de ne pas réunir le CODERST. En toute indépendance et en toute transparence...
> 19 février 2010. Le Préfet du Cher écrit au Président du Siaap (extraits).
"Suite à notre entretien en date du 20 janvier 2010, je vous confirme mon souhait qu'il soit créé une mission d'Expertise et de suivi des épandages (MESE) pour le département du Cher. À cet égard, je prends bonne note de votre accord pour participer financièrement à la constitution de cet organisme.
Comme condition préalable à l'épandage de ces boues, j'estime indispensable de faire oeuvre renforcée de communication et de pédagogie.
Il serait très utile que vous interveniez personnellement auprès des grands élus concernés du département qui se sont particulièrement mobilisés sur ce sujet, ainsi qu'auprès des maires des communes et des agriculteurs concernés. Une intervention en synergie avec la Chambre d'agriculture me parait des plus opportunes. Les terrains sur lesquels les premières boues seront épandues en 2010 devront être minutieusement choisis au regard de ces échanges et en concertation avec mes services, afin d'éviter de cristalliser une opposition virulente au moment de leur livraison."
Signé le Préfet du Cher. Catherine Delmas-Comolli.
Ainsi, la MESE, que la Préfecture baptise organisme "indépendant", sera financée pour partie par le Siaap et pilotée par la Chambre d'agriculture qui milite pour les épandages. Comment son expertise pourra-t-elle s'exercer dans l'indépendance ? Je ne sais pas si les associations de protection de la nature et les associations de consommateurs seront très enthousiastes pour s'y associer.
Le signal des grandes manoeuvres de communication et de pédagogie (!) est donné. Pour commencer, la Préfecture envoie le Siaap au charbon et cible les "grands élus". Les "petits" élus apprécieront cette marque de considération de la Préfecture ; on ne pouvait pas être plus méprisant à l'égard des Maires et conseillers municipaux de nos villages (il est vrai qu'ils ne sont pas censés lire ce courrier).
Vous aurez remarqué la mention du risque de "cristalliser une opposition virulente" au moment de la livraison des boues : la Préfecture imagine sans doute un scénario avec des berrichons en biaude enchaînés devant les camions du Siaap ! Et pourquoi pas le retour de Zorro ?
> Le 4 mars 2010. Communiqué de presse de la Préfecture du Cher (extraits).
"La Chambre d'agriculture, le Conseil général et l'État se sont réunis le 4 mars 2010 pour faire le point sur la mise en oeuvre d'une Mission d'expertise et de suivi des épandages (MESE) dans le Cher. Le co-financement par l'État (Agence de l'eau), le Conseil général et la Chambre d'agriculture a été confirmé. Un arrêté créant cette mission sera pris dans les meilleurs délais.
Le comité de pilotage de la MESE associera, en plus des trois partenaires précités, des représentants des producteurs de boues et composts et des associations de protection de la nature ainsi que des représentants des consommateurs. Il se réunira après la signature de l'arrêté préfectoral.
Cette MESE sera confiée à la Chambre d'agriculture du Cher."
Signé Olivier Geffroy, Sous-Préfet, Directeur de cabinet.
> On constate que dans son communiqué destiné à informer les citoyens, la Préfecture "oublie" de citer le Siaap comme participant au financement de la MESE. Dans le même élan de transparence, la Préfecture enrôle le Conseil général dans son opération de communication en faisant croire que ce dernier finance la MESE. Or il n'en est rien : le Conseil général (qui verse une subvention annuelle à la Chambre d'agriculture) n'a créé aucune subvention pour la MESE. La Préfecture nous donne un bel exemple de sa conception de la communication et de la pédagogie ! La perspicacité de la presse régionale a été prise en défaut, elle n'a pas remarqué ces choses là.
Fin de l'épisode. À bientôt pour de nouvelles aventures.
(Ces documents annexés aux mémoires remis au Tribunal administratif sont publics, ils sont aimablement communiqués par le collectif anti-boues).
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