Voici le texte intégral de la “lettre ouverte” aux agriculteurs du Cher, que les associations organisatrices du mouvement anti boues ont envoyé à la presse régionale le 20 mars. Cette lettre sera disponible dans les mairies des communes concernées par les épandages de déchets/boues du SIAAP.
Madame, monsieur,
Ce courrier n’est pas contre l’agriculture et les agriculteurs, bien au contraire : nous vivons ensemble dans le Cher, nous habitons les mêmes villages, nos enfants vont dans les mêmes écoles, et nous consommons vos produits.
Nous espérons, au moyen de cette lettre, vous faire partager notre inquiétude à propos de boues fertilisantes (mais contenant aussi des polluants), en provenance de l’usine du SIAAP à Achères (78).
En effet nous pensons que l’accumulation pendant des années des métaux lourds et autres polluants non dégradables contenus dans les boues “fertifond” détériorera les sols et les eaux. Citons notamment les PCB (Polychlorobiphényls), les HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques), qui sont des polluants organiques persistants. Elles sont très chargées en métaux lourds (cadmium, cuivre, zinc, nickel, plomb, mercure, arsenic), en produits chimiques, et aussi en autres produits qui ne sont pas recherchés dans les analyses (par exemple antibiotiques, oestrogènes).
Comme nous, vous serez sans doute inquiets d’apprendre que dans le Val d’Oise la commercialisation des cultures maraîchères est interdite par la Préfecture (après autorisation durant des années), et qu’il faut maintenant dépolluer.
Savez vous que pour atteindre le même taux de pollution dans l’Oise, il faut 42 épandages de stations locales, mais seulement 2,6 épandages de boues d’Achères ?
Alors que dans le Cher les stations d’épuration locales produisent 5 500 tonnes de boues par an, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’en ajouter 14 000 de plus, venues d’ailleurs et bien plus polluantes.
Nombre de nos communes s’efforcent de développer le tourisme en milieu rural et s’appuient sur l’existence des AOC, Sancerre, Menetou Salon, Chavignol, les productions “bio”, et une nature encore sauvegardée. Ne pensez vous pas que les épandages de boues du SIAAP nuiront à ces efforts ?
Comme nous vous êtes sensible à l’état de la nature que vos enfants hériteront, à l’état des sols et de l’exploitation agricole que vous leur léguerez, mais vous êtes aussi sensibles à ce que pensent les habitants de votre commune et du département…
L’autorisation préfectorale est prononcée en application des règlements en vigueur. À nos yeux c’est insuffisant. À l’opposé de cette attitude, les maires et nos associations qui refusent l’épandage du SIAAP, se prononcent en vertu du principe de précaution et de la santé publique.
Les normes derrière lesquelles s’abrite l’administration préfectorale ne sont pas fixées pour toujours, elles évoluent, et ce qui était jugé bon hier est jugé nocif aujourd’hui. C'est ainsi que, depuis des années nous constatons que des autorisations pour l’emploi de tels ou tels composés chimiques sont délivrées, puis qu'elles sont suivies de règlements contraignants ou d’interdictions, pour préserver les eaux et la santé.
Ce n’est pas l’administration préfectorale qui viendra défendre les intérêts des agriculteurs lorsqu’il faudra dépolluer, fermer des captages d’eau potable, et que les médias et l’opinion publique chercheront des “coupables”.
Nous voulons simplement par le dialogue vous faire part de notre souci et sans penser vous imposer quoi que ce soit (car vous êtes seuls à décider pour votre exploitation), vous demander de refuser ces épandages en vertu du principe de précaution.
En vous souhaitant bonne réception de ce courrier, nous vous adressons nos meilleures salutations.
Les signataires :
Association Les amis de La Borne. Rassemblement pour la protection de l’Environnement à Saint Palais et Alentours (RESPA). Ensemble (Association laïque et solidaire de Mérié). Nature 18.