On savait que le dossier présenté par le collectif d'associations anti boues au Tribunal administratif d'Orléans le 24 mars 2010 était sérieusement construit et étayé.
C'est ce qui a motivé l'engagement par l'avocat du Siaap, devant le Tribunal, de ne pas procéder aux épandages en 2010. C'était une première reculade. La Préfecture (par modestie peut être), n'était pas représentée ce jour là.
Pourtant le Tribunal a rejeté la demande de suspension de l'arrêté préfectoral du 6 février 2009 au motif que s'il y avait eu urgence les associations auraient du en faire la demande plus tôt. Ce qui revient à dire que le temps nécessaire à l'analyse critique et aux recherches de terrain comptait pour zéro. Ce qui revient à dire qu'on refuse aux associations le temps de travailler à réunir les éléments d'un dossier. Cette contorsion semble difficile à comprendre au commun des berrichons.
Bref, le dossier sera examiné sur le fond (c'est à dire la liste des anomalies et erreurs contenues dans l'arrêté préfectoral du 6 février 2009), avant la fin de 2010.
> Mais voici que le Préfet du Cher publie un arrêté modificatif le 11 juin dernier. Cet arrêté indique notamment que les surfaces concernées par les épandages sont réduites, et que de nombreuses erreurs sont corrigées. C'est la deuxième reculade (mais il reste encore du chemin à faire avant le retrait pur et simple).
Je vous donne lecture des principales lignes de cet arrêté modificatif. Attention, c'est entre les lignes qu'il faut lire !
"Considérant que les références cadastrales de certaines parcelles listées en annexe 1 de l'arrêté 2009-1- 326 du 6 février 2009 ont été modifiées depuis cette date ou bien sont erronées et nécessitent d'être mises à jour, sans que cela ait été de nature à modifier le fond de l'arrêté,
Considérant que, depuis le 6 février 2009, un certain nombre d'exploitants agricoles, qui avaient initialement donné leur accord pour l'épandage, ont manifesté leur intention de ne pas recevoir de boues et composts de boues issus de la station d’épuration d’Achères sur leurs parcelles,
Considérant que, depuis le 6 février 2009, le SIAAP a procédé à un travail de vérification de terrain et d'analyse cartographique qui lui a permis de contrôler et d'actualiser l'ensemble des surfaces et des contours géographiques des parcelles du périmètre d'épandage, conduisant à la correction des références cadastrales erronées et à l'actualisation de leurs contours au regard du registre parcellaire graphique, validé par l'administration,..;"
"Le tonnage annuel (boues et compost) valorisé dans le département du Cher dans le cadre du plan d’épandage est limité à 8 800 tonnes de produit brut. La superficie totale du plan d’épandage est de 3 429,63 ha, répartis sur 17 communes. Sur cette superficie, seuls 3 161,80 ha sont aptes à recevoir des boues et composts de boue ci-dessus définis."
Vous avez compris : si les associations, si les maires, si le Commissaire enquêteur, si le Conseil général unanime, ne s'étaient pas exprimé contre ce projet, le plan d'épandage de quatorze mille tonnes de boues-déchets sur plus de cinq mille hectares du Cher nord était lancé ! Et ainsi de suite, et tous les ans.
C'est donc l'analyse critique réalisée par le Collectif citoyen de lutte contre les épandages des boues-déchets d'Achères qui a démontré les erreurs et incohérences de l'Arrêté préfectoral, et obligé la Préfecture et le Siaap à revoir leur copie.
Donc l'enquête publique était sans valeur puisque le dossier sur lequel elle était établie était faux.
Donc la conclusion négative du Commissaire enquêteur se trouve aujourd'hui justifiée.
Donc, les vingt deux Conseils municipaux avaient raison de voter non.
Donc les maires qui avaient interdit les épandages sur le territoire de leur commune avaient raison.
Donc la Préfecture s'est contentée de reproduire les documents du Siaap sans procéder à aucune vérification.
Donc la crédibilité du CODERST est entamée, puisque cet organisme a approuvé un dossier dont il est maintenant prouvé qu'il était erroné.
Donc la crédibilité de la Chambre d'agriculture est également entamée, pour les mêmes raisons.
La démonstration est faite que la Préfecture a mal défendu les intérêts de l'environnement et de la santé dans le Cher.
> Cependant avec l'arrêté modificatif du 11 juin, la Préfecture persiste et autorise à nouveau les épandages, sur une moins grande échelle, mais toujours renouvelables par périodes de huit ans sans limitation.
La tactique évolue, mais l'objectif reste le même. En corrigeant les modalités du plan d'épandage et en retirant ce qui fait tache, la Préfecture et le Siaap espèrent enlever des arguments au Collectif des associations anti boues et se donner un air virginal devant l'opinion publique. "Voyez, diront-ils au Président du Tribunal administratif (lors de la séance qui examinera le contenu de l'arrêté du 6 février 2009), nous avons retiré du plan les éléments contestés, le nouvel arrêté modificatif en est la preuve, il n'y a donc pas de quoi fouetter un chat, nous pouvons donc épandre les boues d'Achères dans le Cher nord en 2011". C'est probablement cette tactique qui explique les retards successifs de la Préfecture et du Siaap pour produire leur réponse aux arguments contenus dans le dossier des anti boues. Le Tribunal administratif les rappellera-t-il à l'ordre ?
Autre volet de la tactique préfectorale : tenter d'épuiser financièrement les associations en multipliant les arrêtés, ce qui pourrait les faire reculer à cause du montant des frais juridiques.
Quelle que soit la décision du Tribunal administratif, il ne faut pas perdre de vue que les épandages sont autorisés par les normes actuellement en vigueur et que cette filière est privilégiée au détriment des autres moyens de traitement des boues de stations d'épuration. Les boues-déchets de la région parisienne contiennent toujours les mêmes produits dangereux, leur accumulation dans les sols et dans les eaux seront toujours aussi néfastes (lire les articles précédents). Pour les citoyens, les associations, les élus, l'affaire ne s'arrête pas en 2010.
> Au moment où la préfecture réduit ses moyens (restrictions budgétaires de l'État), on apprend dans "Le Parisien" du 28 juin que les émoluments d'un Préfet sont conséquents. Un préfet touche en moyenne 8.000 € par mois (le traitement d'un sous-préfet est de 3.600 € en début de carrière, et de 7.000€ en fin de carrière). Le quotidien indique en outre que des primes de résultats sont attribués aux Préfets, ces bonus peuvent s'échelonner de 14.000 à 66.000 € par an ! On ne voit pas quels résultats positifs ont été enregistrés dans le Cher dans le domaine de la sécurité routière, de l'emploi, ni du traitement de ce dossier des boues-déchets que les berrichons refusent. Alors, des primes pour ça ? Ce serait un peu fort !
> L'arrêté préfectoral modificatif du 11 juin (ainsi que les annexes et les cartes), est consultable dans les mairies concernées par le plan d'épandage, et à la Préfecture du Cher.
> Primes aux Préfets, sources :
Le Parisien du 28 juin 2010.