Par son jugement du 21 décembre 2010 Le Tribunal administratif d'Orléans a suivi les avis du rapporteur public à l'audience du 7 décembre dernier en annulant une grande partie de ce qui restait de l'arrêté préfectoral du 6 février 2009. Rappelons que le Tribunal administratif ne statue pas sur les aspects environnementaux ou de santé publique du dossier, mais sur la légalité des textes administratifs qui lui sont soumis lorsqu'un particulier ou une association conteste une décision du pouvoir exécutif. Donc la Préfecture n'aura pas à refaire le long chemin qui va de l'enquête publique aux consultations et à la publication d'un nouvel arrêté d'autorisation des épandages. Mais son arrêté est vidé de son contenu pour une grande partie : les articles qui ne sont pas conformes aux dispositions légales ou réglementaires.
Les dispositions des articles 6.3 et 6.5 de l'arrêté préfectoral du 6 février 2009 concernant les sols au pH compris entre 5 et 6 sont annulées.
L'annexe 1 concernant les parcelles situées dans le périmètre de protection des captages en eau potable est annulée.
Le paragraphe rappel de l'article 2 de l'arrêté original et concernant les superficies est annulé.
L'État devra verser mille euros à l'Association de veille environnementale du Cher.
On se souvient d'une première victoire, un arrêté modificatif de juin 2010 donnait raison au collectif d'associations contre les épandages et reconnaissait l'existence de nombreuses erreurs (cadastrales notamment). Citation : "Le tonnage annuel (boues et compost) valorisé dans le département du Cher dans le cadre du plan d’épandage est limité à 8 800 tonnes de produit brut. La superficie totale du plan d’épandage est de 3 429,63 ha, répartis sur 17 communes. Sur cette superficie, seuls 3 161,80 ha sont aptes à recevoir des boues et composts de boue ci-dessus définis."
Ça n'était déjà plus 14 000 tonnes sur 5 000 hectares. L'analyse critique réalisée par le Collectif citoyen de lutte contre les épandages des boues-déchets d'Achères démontrait les erreurs et incohérences de l'Arrêté préfectoral, et obligeait la Préfecture et le Siaap à revoir leur copie. En corrigeant les modalités du plan d'épandage et en retirant ce qui faisait tache, la Préfecture et le Siaap espéraient enlever des arguments au Collectif des associations anti boues. Ça n'a pas été le cas.
> Dès à présent, on peut tirer quelques conclusions partielles de ce jugement.
Le Tribunal administratif ne pouvait sans doute pas "punir" la Préfecture en annulant purement et simplement les deux Arrêtés. Une telle décision aurait affaibli l'autorité préfectorale. Elle aurait suspendu les épandages pour un temps, mais une nouvelle demande du Siaap aurait relancé la procédure d'Enquête publique et la protestation aurait repris de plus belle.
Le Siaap, que l'on disait hors d'atteinte des procédures, a révélé les faiblesses de son dossier.
Les modalités des plans d'épandage dans d'autres départements devront être vérifiées et réexaminées, notamment si les associations s'y intéressent...
Il est maintenant avéré que les cadres de la Préfecture se sont contentés de reproduire les documents du Siaap sans procéder à aucune vérification cadastrale.
L'enquête publique était sans valeur puisque le dossier sur lequel elle était établie était faux.
La conclusion négative du Commissaire enquêteur était justifiée.
Les vingt deux Conseils municipaux opposés aux épandages avaient raison de voter non.
Les maires qui avaient interdit les épandages sur le territoire de leur commune avaient raison de le faire.
La crédibilité du CODERST du Cher est entamée, puisque cet organisme a approuvé un dossier dont l'essentiel était erroné.
La crédibilité de la Chambre d'agriculture du Cher est également entamée, pour les mêmes raisons.
Privée de moyens de contrôle sur le terrain, la MESE aura le plus grand mal a remplir sa mission.
En annulant de nombreux articles de l'Arrêté préfectoral, le Tribunal administratif fait la démonstration que la Préfecture a mal défendu les intérêts de l'environnement et de la santé dans le Cher.
À défaut d'une victoire totale, les anti-boues et les habitants du Cher ont remporté une bataille importante.
> Cependant l'Arrêté préfectoral n'étant pas annulé, des épandages pourront avoir lieu sur une petite échelle et seront toujours renouvelables par périodes de huit ans sans limitation.
Comment les habitants du Cher et les militants anti-boues réagiront-ils ? À quelle date les épandages commenceront-ils ? Y aura-t-il d'autres désistements parmi les agriculteurs ? Quelles seront les prochains événements ?
Willy Béteau, porte parole du Collectif anti-boues vient de déclarer aux médias : "Nous ne boudons pas notre plaisir, nous aurions bien sûr préféré que l'arrêté soit annulé. Des erreurs essentielles contenues de l'arrêté ont été annulées par le tribunal : terrains au pH inférieur à 6, parcelles dans périmètre de protection des captages d'eau potable. Quand on considère que la préfecture a déjà dû revoir sa copie cadastrale du fait de notre travail et que la surface est passée de 5000ha à 3500ha, le fait d'enlever de nouvelles surfaces de terres acides ou proches des captages, les épandages ne pourront avoir lieu que sur environ la moitié du plan initial (2500 ha) . Il est effrayant de penser que sans notre intervention, c'est un arrêté entaché d'irrégularités qui aurait été appliqué."
On attend avec impatience et un vif intérêt les analyses et les prochaines déclarations des associations du Collectif anti épandages.
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