"Si je devais aller dans cette fameuse île déserte en
ne pouvant emporter avec moi qu'un seul livre à lire et à relire, je choisirais
Lec" [Umberto Eco]
Les "Pensées échevelées", de Stanislaw Jerzy Lec, sont
un de mes livres de chevet. Ses images aiguës sont coupantes comme le rasoir.
Ses aphorismes souvent cinglants, ceux d'un homme qui a tout connu des pires
moments de notre époque, déclenchent chez le lecteur un rire salvateur. Polonais,
né en 1909, Lec étudie le droit et la littérature à Lvov. Quand les nazis
envahissent son pays, il est interné au camp de Ternopol d'où il s'évade pour
rejoindre la résistance communiste. Il participe à la création d'un journal
indépendant en 1945. Attaché de presse à Vienne, il émigre en Israël en 1949,
puis revient en Pologne en 1952. Il publie plusieurs recueils de poèmes, la
censure ne semble pas lui accorder une grande attention. En 1957 il publie le
premier recueil de "Pensées échevelées", et remporte un vif succès en
Pologne et à l'étranger. Ce livre d'aphorismes sera suivi de nombreux autres intitulés
aussi "Pensées échevelées", jusqu'à sa mort en 1966.
Un échantillon ?
" À trop craindre l'eau froide, on risque de refroidir
son ardeur".
"Sésame ouvre-toi, je veux sortir !"
"Une époque qui n'a pas de souffle a une haleine
terrible"
"Comment applaudir ceux qui vous ont passé les
menottes?"
"Il avait l'esprit ouvert, malheureusement c'était à
tous les vents"
"Je ne suis pas d'accord avec les mathématiques. Je
considère qu'une somme de zéros donne un nombre menaçant"
Pour conclure, je vais citer Claude Roy, préfacier d'une précédente
édition : " Lec ramasse sa pensée en minces cailloux féroces dont il
lapide les puissants. Ses proverbes, noirs comme des cristaux de quartz, amers
comme des grains de café, c'est la sagesse d'une nation où l'humour est la
politesse du désespoir et le chiendent malin d'une espérance obstinée".
Éditions Payot - Collection Rivages poche/Petite
Bibliothèque. 280 pages. Prix : environ 7 €.