On a reproché aux politiciens d'utiliser le vote Front National pour affaiblir leurs adversaires, puis de reprendre ses slogans pour essayer de récupérer les voix perdues. On a reproché aux médias d'avoir contribué à banaliser le Front National en n'expliquant jamais qu'il s'agit d'un parti fasciste, et aussi par diverses bêtises faussement neutres. Par exemple, celle qui consiste à mettre sur les plateaux de la balance le FN et les partis de gauche en les qualifiant tous de "populistes". Ou encore par son incapacité à exposer le contenu de l'antagonisme fondamental entre l'extrême droite et ce qu'ils nomment "extrême gauche".
Cette semaine, Le Berry du 27 octobre ajoute une couche de banalisation en réduisant le sujet du Front National à une question de petite cuisine électorale avant les élections municipales locales. En effet, sous la plume de Frank Simon, le Berry développe longuement un tissu de banalités sur un cinquième de page (en page 10). "Le FN s'imposerait sans avoir déclaré qu'il a réussi à constituer une liste de candidats, les fédérations de droite et de gauche évoquent régulièrement le sujet du FN, le FN séduit de plus en plus de gens déçus par la politique de la droite et de la gauche, les querelles politiques à Bourges ne sont pas de nature à empêcher la population de se tourner vers un vote protestataire" ..etc. Mais Le Berry ne trouve pas un mot pour dire le danger que représente le parti des Le Pen pour la République ! Pourtant l'actualité lui donnait l'occasion de le faire, et avec clarté ! Mais peut-être qu'ils ne lisent pas les journaux, au Berry ?
En redressement judiciaire depuis février, la société Gad SAS (abattage-découpe de porcs), victime de la crise de la filière porcine, a présenté un plan de continuation qui a été validé le 11 octobre par le Tribunal de commerce de Rennes. La direction de Gad veut transférer les activités de l'usine de Lampaul (Finistère), vers celle de Josselin (Morbihan). Près de neuf cents emplois sont menacés. En même temps Gad SAS reconnaît employer des salariés roumains recrutés par des agences d'intérim roumaines. Plus de cent intérimaires roumains sont arrivés vers le 20 octobre à Josselin, a annoncé en substance Jean-Marc Détivelle (délégué FO). Au comble de l'exaspération, des salariés des deux abattoirs du groupe Gad, en sont venus aux mains mardi 22 octobre lorsque des ouvriers du site sacrifié de Lampaul tentaient de bloquer l'entrée de l'usine de Josselin.
Dans Libération du 28 octobre, le sénateur Éric Boquet s'émeut de ces "séquences terribles où les salariés d'une même entreprise en viennent au coup de poing alors que la menace pèse sur eux et sur la survie même de leur entreprise. L'exaspération autour des travailleurs détachés roumains est un mauvais combat, cette xénophobie surfe sur des boucs émissaires". Et il ajoute que le Front National attise cette peur pour en tirer un bénéfice politique. Car cet événement est un signal sinistre : on peut craindre que les mouvements d'exaspération et d'aveuglement se multiplient, et que les salariés se dressent les uns contre les autres, comme aux heures noires qui ont précédé l'avènement de régimes fascistes.
En effet, on peut constater sur le forum "Partisans Marine" que le Front National fait, une fois de plus, ses choux gras avec cette affaire qui correspond à son slogan de la "préférence nationale". En réaction à l'augmentation du chômage, à la politique européenne de "concurrence libre et non faussée" et à l'absence de perspectives, le repli nationaliste et identitaire, le rejet de l'autre hors de nos frontières, prônés par le Front National apparaissent comme la solution facile à tous les maux.
Exemple de "concurrence libre et non faussée" : selon le journal Le Parisien du 22 octobre, Gad SAS paye le smic (mille quatre cents euros brut) à l’agence d’intérim, qui verse au travailleur roumain moins de six cents euros ! Conclusion, les représentants de la France à Bruxelles ont très mal fait leur boulot, car l'Europe renforce le libéralisme économique, accentue la précarité et la dégradation des droits sociaux. Conséquence, certains travailleurs déboussolés se trompent d'adversaire et castagnent leurs collègues.
Pendant ce temps, le Front National qui a beau jeu de dénoncer l'UMPS, prospère sur le chômage et la crise en attisant le mécontentement des salariés, en rejetant la faute sur les travailleurs étrangers, comme l'ont fait avant lui, les partis fascistes du siècle dernier. Et ceux qui le suivent se trompent de colère.
Mais ça, Le Berry ne pense pas utile de l'expliquer à ses lecteurs, lui qui pourtant s'intitule "républicain".
Vous avez dit banalisation ?
> Lire dans gilblog "Oui le Front National est un parti d'extrême droite". >>> Lien.
Wikipedia : Fascisme. >>> Lien.