> En Berry comme ailleurs (et depuis l'antiquité), la sorcellerie était une pratique magique visant à exercer une action par des moyens surnaturels tels que les sorts ou les envoûtements. La sorcellerie, c'est la magie noire, celle qui cherche à nuire à autrui, et aussi (mais dans une moindre mesure) de la magie blanche, qui se veut bienveillante. Toutes les civilisation dans le monde ont leur sorcellerie, elle semble offrir une réponse et parfois une solution (!), aux questions du mal et de la mort. En France au XIIIe siècle, la montée des hérésies (bogomiles, cathares) coïncide avec celle de la sorcellerie. C'est de cette époque (mais surtout à partir du XIVe siècle), que date la persécution des sorciers disent certains historiens. Celle-ci a laissé des traces dans les mémoires jusqu'à aujourd'hui. En tous cas, chez les sorciers on n'est pas sexiste : les sorcières sont les égales des sorciers et aussi nombreuses qu'eux, en outre elles ont l'insigne honneur d'avoir des rapports sexuels avec le démon qu'elles rencontrent lors des sabbats, résurgence de la célébration païenne du printemps.
> Eh oui, déjà, au temps de nos ancêtres les Gaulois... On dit qu'au temps des Bituriges, les druides avaient choisi Avaricum (Bourges, pour les étrangers), pour en faire le centre sacré des Gaules. Normal, puisque les Bituriges situaient leur royaume au centre du monde !
> En Berry, les jeteurs et leveurs de sorts, les meneux d'loups, les birettes, ceux qui croient aux envoûtements, font partie du paysage. Ça n'a rien à voir avec le marketing de Henri Poteur ou les marabouts, chez nous c'est authentique et témoigne de notre passé. Selon Gérard Coulon, c'est surtout au XIXe siècle que notre province s'est découvert une culture sorcière. Les paysans commençaient à quitter les campagnes et à émigrer vers la ville, le Berry peu à peu déserté, appauvri, se sentait livré à l'abandon. Les communautés villageoises devaient se prendre en charge et de se débrouiller seules, explique-t-il. Sans service médical, isolé de tout, on pratiquait la médecine du pauvre. Dans chaque village, il y avait un guérisseur ou un rebouteux. Dans de nombreuses familles, il était fréquent qu'un parent sache "barrer" un certain type de mal : problèmes de peau, brûlures, dartres, piqûres en tout genre. Des rebouteux et des barreurs de mal, il en existe encore, renseignez vous (mais sans ironie déplacée), on vous répondra.
> Un témoignage qui fait partie du décor, les nombreux calvaires aux carrefours des routes et des chemins, où l'on dit que les sorcières avaient coutume de se rassembler. C'est pour les exorciser qu'on aurait installé ces crucifix. Mais on ne signale plus de chouette clouée sur les granges, plus de mystérieux petits paquets ficelés devant l'barriau, la porte de la grange ou de l'étable, ni corbeaux morts ou plumes déposés devant les maisons, ni d'oeuf avec un fil de laine, ni cadavres de hérissons dans des pochons. Tout se perd. Je ne peux donc pas vous montrer d'images.
> Surtout, ne pensez pas que je considère avec mépris ces croyances populaires, bien au contraire, elles font partie de notre histoire et sont un thème d'études riche et passionnant. D'ailleurs de grands auteurs ne s'y sont pas trompés, dans La Mare au diable, La Petite Fadette, Les Maîtres sonneurs, George Sand a décrit un fascinant Berry où se mêlent la croyance populaire et le merveilleux. Des écrivains modernes, notamment Claude Seignolle, mais aussi des conteurs comme Jean-Louis Boncœur et d'autres, ont colporté des histoires fantastiques, belles histoires qui font du Berry une terre propice au rêve et à l'imaginaire.
Et boum, retour à notre époque ! En 1973 l'éditeur Robert Laffont publie "L'Œil du sorcier" par les journalistes Philippe Alfonsi et Patrick Pesnot... Dans le bas Berry, une histoire d'envoûtement contemporaine qui raconte une série de mauvais sorts jetés à un vétérinaire et à son troupeau de moutons. Je précise que cette histoire est tirée d'un fait divers, ça n'est pas un roman. La légende du Berry reprenait vigueur. Dommage, le livre est épuisé.
> Sorcellerie version magie blanche, la communication du tourisme l'utilise avec sa campagne publicitaire "les magies du Berry". Vous avez deviné, c'est du sous entendu, mais avec de gros sabots. Et voila comment le thème de la sorcellerie, édulcoré par les publicitaires, devient un argument de vente. Et hop, en suivant la route Jacques Coeur, un petit crochet : on visite le "Musée de la sorcellerie" à Concressault.... ou encore on se rend à la fête des birettes à Bué en Sancerre. En somme, il y a un avenir pour le Berry sorcier, mais comme nous vivons une époque moderne, cet avenir est plutôt touristique !
Ce petit survol incomplet du Berry sorcier est terminé ; je finis par quelques lectures et adresses.... La Borne n'est plus très loin.
> Une visite : le Musée de la sorcellerie. La Jonchère, Concressault. 18410 Blancafort. 02 48 73 86 11. Site web http://www.musee-sorcellerie.fr/
> Quelques lectures, on peut télécharger certains de ces livres :
Les sorciers du carroi de Marlou. Un procès de sorcellerie en Berry. 1582 - 1583. Par Nicole Jacques-Chaquin et Maxime Préaud. Jérôme Millon Éditeur. http://books.google.fr/books
La Mare au diable, La Petite Fadette, Les Maîtres sonneurs, de George Sand.
La malvenue, de Claude Seignolle. Libretto, collection de poche. Éditions Phoebus.
Le meneur de loups, d'Alexandre Dumas père. Éditions Les Belles Lettres. http://www.numilog.net/fiche_livre.asp?id_livre=732&id_theme=&format=3&id_collec=&rubzone=STD
> Enfin, il suffit de taper sorcellerie en Berry sur Google, vous verrez c'est magique !