Fils d'un menuisier ébéniste, Jean Lerat (1913-1992), est formé dans la tradition du bel ouvrage de l'école des Beaux Arts et des Arts Appliqués de Bourges (1926-1936) où il acquiert un solide savoir faire de sculpteur sur bois. Artiste talentueux, il obtient une médaille d'argent pour une sculpture présentée à l'Expositon internationale de 1937 à Paris. Pendant quelques temps (1936-1939), il est professeur de dessin et crée à Bourges des modèles pour François Guillaume. Puis il entame à La Borne sa carrière de céramiste en 1941. À l'initiative de François Guillaume, il se forme auprès de Armand Bedu, puis s'installe dans un atelier voisin où il crée de nombreuses pièces pour la maison Guillaume. Sa production d'alors est composée d'objets fonctionnels : bouteilles, pots à tabacs, vases, et créations à caractère religieux. Ses recherches et ses créations dans le domaine de l'art sacré contribuent à l'élargissement de sa vision et à la qualité de son oeuvre. Au cours des années cinquante son style évolue et s'éloigne de la tradition, et avec Jacqueline Lerat, il développe sa propre réflexion sur la création et le travail de la terre (on en parlera une prochaine fois).
> Les premiers souvenirs lointains évoqués par Étienne Guillaume datent de son enfance, mais il se souvient des conversations à la table familiale où François Guillaume parlait des projets et des créations en cours avec Jean Lerat. C'était à l'époque de la création d'un jeu d'échecs et de la sculpture de l'Annonciation, peut être vers 1938, s'interroge-t-il ?
J'étais enfant, mais je me rappelle que c'était un homme aimable, un peu réservé, avec une silhouette qui faisait penser à celle d'un échassier. Je l'ai vu ensuite à plusieurs reprises, lorsqu'il venait à Bourges à bicyclette depuis La Borne. Il s'installait au bureau avec mon père, et ils travaillaient aux modèles en cours. Jean Lerat dessinait et notait sur un cahier ou des papiers de brouillon (on manquait de papier à cause des restrictions dues à l'occupation allemande). Ils examinaient ensemble les croquis et déterminaient les modifications à faire avant le tournage et la production des pièces, dont certaines seraient fabriquées à plusieurs centaines d'exemplaires.
Puis, je l'ai rencontré à nouveau dans les années quarante cinq à cinquante lors des déplacements à La Borne où j'accompagnais mon père. On regardait les modèles en projet, les premières pièces sorties du four à bois. C'est en 1945 que Jean Lerat et Jacqueline Bouvet se sont mariés à La Borne. En 1948, il y a eu l'exposition "Renaissance" rue des Arènes, qui était l'expression même du "militantisme" de François Guillaume pour la création moderne de la Borne en lien avec son passé. On y voyait des oeuvres de Jean et Jacqueline Lerat et de André Rozay, Vassil Ivanoff et Gutte Ericssen ; et aussi de Jacques Sébastien Talbot, Marie Talbot, Joseph Massé et Paul Beyer.
Plus tard, j'ai appris qu'il n'avait pas une excellente santé, qu'il avait eu de sérieux problèmes de colonne vertébrale au début des années trente, et qu'il avait fait un séjour au Mont d'Or en 1935. La vie à La Borne pendant l'occupation devait lui sembler dure...
En 1954, Jean a réalisé les médaillons qui ornent la façade du lycée de jeunes filles rue de Vauvert, et Jacqueline a fait la fameuse crèche en grès pour la cathédrale Saint Étienne de Bourges.
En 1955, ils se sont installés à Bourges où Jean était contractuel à l'atelier de céramique de l'école des Beaux Arts (il sera nommé Professeur de céramique en 1959). C'est à cette époque que Jacqueline Lerat faisait des quantités de ses jolies bouquetières à la demande de ma mère, Élisabeth.
J'ai revu Jean Lerat en 1967, année où il a été décoré de la Légion d'honneur, et en 1981 le jour de la première rétrospective de ses oeuvres et de celles de Jacqueline à la Maison de la Culture de Bourges. Pour moi, dit Étienne Guillaume, ce fut un jour mémorable, car pour la première fois une exposition faisait le lien entre les créations de Jean et Jacqueline Lerat des années quarante à quarante cinq et celles des années cinquante et soixante dix.
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> En vignette : buste de Jean Lerat par Noël Feuerstein daté de 1939.
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Documents aimablement prêtés par François Lerat et Étienne Guillaume. Cliquez sur une photo pour agrandir et ouvrir l'album.