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Pour tuer la fraude : l'amnistie !

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Au coeur de la tempête déclenchée par l'affaire Cahuzac, le député UMP Dino Cinieri vient d'avoir une idée géniale en forme de projet de loi : pour éliminer la fraude, amnistions les fraudeurs ! Ce qui semble un gag tiré d'une mauvaise série policière américaine avec mafieux, avocats et politiciens véreux, est pourtant vrai. C'est le projet de loi 855 déposé à l'Assemblée nationale le 28 mars 2013, ici en France !

> Dans AgoraVox, Fatizo interroge : quelle mouche a piqué ce député de l’opposition en pleine affaire Cahuzac ? A quel jeu joue-t-il ? En vérité, c'est plein de sens : le projet de loi de Dino Cinieri, se réclame du dispositif d’amnistie fiscale créé en 2009 en Italie par Silvio Berlusconi "afin de permettre aux contribuables italiens de rapatrier les capitaux placés à l’étranger, le plus souvent à l’insu du fisc". Un bien joli modèle, commente ironiquement Fatizo, qui poursuit : "On comprend mieux l’empressement de la droite à vouloir une amnistie fiscale alors que certains d’entre eux sont dans le viseur. On comprend mieux aussi pourquoi ils soutenaient avec virulence Cahuzac contre Médiapart au début de cette affaire. On comprend mieux aussi au travers de tous ces hommes politiques qui auraient des comptes en Suisse, pourquoi il est impossible pour eux de s’attaquer à l’évasion fiscale et les dizaines de milliards qui échappent ainsi aux caisses de l’Etat".

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Outre l'affaire Cahuzac, les français reçoivent de nombreuses informations choc : la mise en examen de Nicolas Sarkozy le 21 mars pour abus de faiblesse au détriment de Lilianne Bettencourt, le compte en Suisse de Florence Lamblin (conseillère verte à Paris), l’affaire Éric Woerth et l’hippodrome de Compiègne, les soupçons de financement de la campagne de Sarkozy par Khadafi, l'affaire Takkiedine, Serge Dassault condamné en Belgique pour corruption, les soupçons de financement de la campagne de Balladur par les rétrocommissions du Pakistan, Jean-Christophe Lagarde mis en examen pour des affaires de marchés publics ...etc. Avec la méthode Cinieri/Berlusconi, pas de faiblesse, ils seraient tous punis d'une sévère amnistie !

> Un groupement de journalistes d’investigation (International Consortium of Investigation Journalists) soit quatre vingt six journalistes dans le monde, viennent d’analyser et de révéler le contenu de deux millions et demi de fichiers  (emails, scans, facturations, certificats, lettres, tableurs ...etc). Cette opération vérité baptisée Offshore Leaks, détaille l’existence de comptes appartenant à cent vingt mille sociétés offshore situées dans des paradis fiscaux. Ils appartiennent à des entreprises et à des particuliers de cent soixante dix pays (dont cent trente  français), qui ont tenté de cacher leur argent pour échapper aux services fiscaux. L'importance des masses financières est colossale : au total, l'argent placé dans les paradis fiscaux représente l'équivalent du Produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis et du Japon réunis, selon The Guardian. En France, la Cour des comptes évalue le manque à gagner pour les finances publiques françaises dû à l’évasion fiscale, à trente milliards d’euros. Mais sans la complicité d’une banque, l’évasion fiscale est tout simplement impossible. Heureusement, le hasard fait bien les choses : les banques françaises ont cinq cent vingt sept filiales dans les paradis fiscaux dont trois cent soixante pour la seule BNP Paribas !

> Dans AgoraVox, Michel Koutouzis écrit que les paradis fiscaux, les ports francs, les places offshore proposent des produits, des participations et des services à des "clients fortunés" par les banques, les conseils juridiques, le démarchage d'agents commerciaux. Un vaste secteur d'activité juridique dans pratiquement tous les pays, travaille à cela. Ainsi, les notions de blanchiment, de fraude fiscale, de spéculation sur les dettes des uns et des autres sont intimement liées. Et pour le dire plus clairement encore, quiconque fraude le fisc à travers les paradis fiscaux ou les places offshore ne planque pas simplement ses capitaux mais participe à la spirale de la dette et de ses bénéfices"… 

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Et Michel Koutouzis poursuit en rappelant que ce monde financier a produit la banque Lehmann Brothers et ses faux bilans, Madoff (escroquerie), Enron (corruption, faux bilans), la BCCI (escroquerie généralisée sur quatre continents), Fannie Mae (escroquerie "légale" avec des prêts hypothécaires endossés en tant que produits financiers), ou Siemens (corruption massive pour monopoliser un marché national).

> Il est devenu trop facile de se moquer de l'espèce de complicité des médias qui attendent que les scandales éclatent pour se décider à enquêter et informer les citoyens. Sans doute nous jugent-ils trop bêtes pour "décrypter" ? Ou bien les journalistes se plient-ils avec servilité aux décisions des actionnaires de leurs entreprises ? Cinquante milliards d’euros s’échappent de France chaque année, et mille milliards de l’Europe. Inutile de vous faire un dessin : ce pactole comblerait la fameuse "dette". Et pas un journaliste pour faire le rapprochement ?  La plupart d'entre eux ont mis en doute l'enquête de Médiapart, mais pourquoi n'ont-ils pas enquêté ? Le cas du zélé Jean Michel Apathie en est la caricature, ses péroraisons sur Canal plus l'ont définitivement ridiculisé. 

> On voit bien, quand on fait le lien entre ces éléments, que l'affaire Cahuzac n'est pas seulement un cas individuel. C'est le produit du système du secret, des copains et des coquins, où la démocratie est confisquée, où l'austérité est imposée au plus grand nombre alors que certains s'approprient frauduleusement la richesse. Pleine d'arrogance, l’oligarchie des politiciens et des affairistes croit en sa toute puissance, en son impunité, mais la défiance des français envers elle atteint un seuil critique. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault demande aux français de se serrer la ceinture, le Président Hollande armé de sa boite à outils confirme son cap et ne veut rien changer, mais la crise politique mûrit....

Le jour où les "experts" réunis sur le plateau de "C à dire" découvrent la profondeur de la crise politique, Ariane Walter signe une tribune libre vigoureuse et indignée dans AgoraVox. Si le gouvernement veut gouverner, l’heure n’est pas au bricolage mais à la réorientation de la politique du pays et à la refonte des institutions. Sa conclusion est qu'il faut à la France des élections où aucun homme politique, touché par l’ombre d’une affaire, ne puisse se présenter. Il faut pour notre pays une nouvelle constitution pour une Sixième République. La France doit sortir de l’Europe des banques et travailler à une Europe des peuples. Il faut un audit de la dette, une dette odieuse qui doit être renégociée. Ç'est un appel aux citoyens dit en quelques mots, mais il y a du boulot en perspective...

> Pour conclure on pourrait paraphraser avec ironie François Hollande lors de la campagne électorale. "Notre véritable adversaire, n’a pas de nom, pas de visage, il ne sera pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance, qui a pris le contrôle de nos vies"

On voit que Dino Cinieri et ses amis ont choisi le camp de l'adversaire. Mais si le gouvernement Hollande/Ayrault n'agit pas fermement il ne fera pas mieux que Dino Cinieri, et le monde de la finance continuera à contrôler nos vies.

> Photo du haut : Dino Cinieri, député UMP de la Loire. Photo du bas : Jérôme Cahuzac en chevalier blanc.

> Sources.

Site de l'Assemblée Nationale Proposition de loi Cinieri no 855   >>> Lien.

L'article de Fatizo dans AgoraVox. L’UMP propose une amnistie fiscale en pleine affaire Cahuzac. Mais pourquoi ? >>> Lien.

Michel Koutouzis. Fraude fiscale et blanchiment : une routine. >>> Lien.

Télérama. Evasion fiscale et dérive spéculative : les chiffres d'un scandale. >>> Lien.

Ariane Walter dans "le grand soir" - Cahuzac : l’iceberg a frappé le Titanic. >>> Lien. 

Le site web du Guardian - "Offshore secrets".  >>> Lien.

Quatorze raisons pour une constituante. >>> Lien.


> Dino Cinieri, et les députés Julien Aubert, Valérie Boyer, Alain Chrétien, Lucien Degauchy, Nicolas Dhuicq, Yves Foulon, Laurent Furst, Sauveur Gandolfi-Scheit, Annie Genevard, Arlette Grosskost, Michel Heinrich, Lionnel Luca, Jean-Luc Moudenc, Alain Moyne-Bressand, Dominique Nachury, Josette Pons, Paul Salen, Alain Suguenot, Jean-Pierre Vigier, ont déposé le projet de loi tendant à "favoriser le retour des exilés fiscaux et à renforcer la compétitivité des entreprises". Il faut se rappeler les noms de ces étranges représentants du peuple au cas où ils seraient candidats à une prochaine élection.