La Borne. Le sauvignon à Berlaudiot. | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

Le sauvignon à Berlaudiot.

Les nouvelles histoires de Berlaudiot.


1-Berlaudiot-tonneau

Ce jour là sul’ coup d’midi, chez la Zézette Descloux, y a tous les gars d’la Charnivolle qu’avalent leur canon. J’vous r’dis pas yeu noms, vous les connaissez déjà bin, c’est tous ceux qui sont comme qui dirait l’fonds d’commerce à la Zézette. Et pis y a Berlaudiot, bin sûr. Et pis y a aussi un nouviau qui vient d’s’installer dans la commune : c’est Antoine Bordinat qu’y s’appelle, vous savez bin : çui qu’est grand coum’ un chien assis et qu’a r’pris les vignes à son pée du côté d’Parassy . C’est pour ça qu’on l’appelle “La piquette”.

Antoine Bordinat s’est joint au groupe et s’est assis sul’ banc d’la grand’ table. La conversation va bon train. Eul’ manq’ eud’ pluie, l’temps trop chaud, les ouches qui donnent pas grand’chose, la salle des fêtes et son toit qui prend l’ieau, y a pus d’saisons… 

Après avoir avalé trois canons, d’un coup Bordinat y s’sent l’nombril plus haut qu’les oreilles et le v’la qui lance à Berlaudiot : Berlaudiot, on dit qu’t’as plus d'un tour dans ton sac. Eh bin, moué, j’te parie un tonnelet d’sauvignon qu’t’arriv'ras pas à m’envorner ! 

De bout derrière son comptoir, la Zézette al’ a tout entendu : Encore un qui veut tuer l’loup d’un coup de chapiau, qu’à marmonne, la Zézette.

Alléché par la bonne affaire, Berlaudiot accepte de parier avec Bordinat et lui dit : Attends-moué don Antoine, j’reviens, et il sort du café.

Allez don, si la bêtise al’tait un péché faurait agrandir l’enfer, murmure la Zézette en riant sous cape.

Trois heures plus tard, Bordinat attend toujours Berlaudiot et son "tour". Appuyé sur le comptoir, il reconnaît sa défaite et convient qu'il s'est fait envorner. Il salue la Zézette et s’en r’tourne à la mainson.

Le lendemain, pas fier, il se rend chez Berlaudiot avec un tonnelet d’sauvignon. Sans faire de bruit, il passe le bras par la fenêtre entrouverte et dépose en catimini le tonnelet sul’ car’lage de la cuisine.

Dans la chambre, Berlaudiot est allongé sur son lit. Depuis la veille, y s’tormente en cherchant quel tour il pourrait jouer à Bordinat. 
D’un coup, il entend un ch’tit bruit su’ les carreaux, il se lève et trouve le tonnelet.

Et, après un long silence…
Ac
out’don Huguette, dit-il à sa femme, l’Bon Dieu y m’envoie le vin que j’dois donner si j’perds mon pari. Y m’reste plus qu’à trouver eun’ idée pour eum’  payer la tête à l’Antoine Bordinat qui m’attend cheu la Zézette !

- Attrapi qu’attrapa ! Si la malice chauffait comme eul’ feu, l’bois s’rait pas si cher ! Mon pauv’ Berlaudiot, t’en a trouvé un qu’est aussi abernanciau que t’es berdin ! C’est Bordinat qu’a posé l’vin dans la mainson !  qu’à lui répond, la Huguette

C’est pas l’habitude, mais y a même une morale à c’t’histoire là. Al’ est pas d’moi, c’est encore un d’ceux proverbes berrichons  à la Zézette: De deux ânes envorneurs, aucun n’deviendra savant ! 


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