La Borne. L'abus d'anglais énerve. | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

L'abus d'anglais énerve.

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L'abus de l'anglais qui m'énerve le plus c'est à la télévision (je sais, je rabâche). Avez vous remarqué que pratiquement tous les écrans publicitaires sont accompagnés de chansons en anglais ? Quel que soit le produit, on a droit à un accompagnement rock ou langoureux, chanté dans la langue de Madonna. Bientôt ce sera pour accompagner les pubs pour le camembert ou le saucisson. Quelle ambiance ! 

Mais ce sont aussi les textes publicitaires qui sont énervants. Comme Nespresso what else ? Canon You can (au lieu de vous pouvez); Around the world with Carlsberg (au lieu de autour du monde);  Flower by Kenzo; Fresh Belgian Chocolates, et pourquoi pas 'frais' (Leonidas); Like no other, au lieu de 'incomparable' (Sony); At the heart of the image, et pourquoi pas 'au cœur de l'image' (Nikon); Sense and simplicity et pas 'le sens et la simplicité' (Philips); Think, Feel, Drive, au lieu de Penser, Ressentir, Conduire (Subaru); Volvo for life (Volvo), ah, c'est pas pour la vie ?
Le clou est sans doute cette pub pour Nespresso, ou le baratin d'une belle fille qui séduit un célèbre acteur états-unien avec une dosette est intégralement en anglais ! Ce café m'énerve.
Les entreprises françaises ne sont pas en reste, elles participent à la compétition. C'est ainsi que la SNCF nous fait des s'miles. Que Air France baptise Flying blue une offre de fidélité. Que France telecom (à l’anglo saxonne et pas télécom à la française) propose Livebox et Family Talk, Business Everywhere, Business Security, Business Machine to Machine et Fleet Management.
Pourquoi cette orgie de mots anglais que personne ne comprend ? Est ce qu'ils touchent des primes pour faire ça, ou sommes nous sous protectorat américain ?

Dans les médias les journalistes rivalisent de snobisme dans l'emploi de mots anglais et nous servent 'challenge' au lieu de défi; 'en charge de' (traduction littérale de l'expression anglaise 'in charge of'), au lieu de chargé de; 'best seller' au lieu de meilleure vente. Quand à la 'première dame', c'est un terme copié dans les médias états-uniens, qui connaissent une 'first lady' à la Maison blanche. Petit jeu en forme d'exercice énervant : cherchez d'autres exemples du sabir des journalistes et envoyez les à gilblog, c'est facile il y en a plein. 

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Dans le commerce ça n'est pas mieux. Les grandes surfaces donnent des tas de noms anglais à leurs produits : First line, Blue Sky, Top Bike, Green Cut, Bootstore, Home, Ink Set, Powder Flash, Carrefour Discount, Tex Fashion Express, Tex Baby, Energy Drink, Apple Nectar’s, Pomelos Drink, Ananas Juice, Home Clean, Carrefour Light, Carrefour on line. Ailleurs c'est le "cross merchandising", le "remodeling", la "Supply Chain", le "e-learning" et le "self scanning". Les enseignes des succursales deviennent des  "drive", des "market", des "city", sans parler du "Monday, happy day". Rappelons tout de même que  la langue du commerce, c’est celle du client, et pas celle de George Clooney ou Beyoncé ! 

Et dans l'enseignement ? Il paraît que chaque réforme introduit toujours plus d’anglais dans les écoles. Que ce soient les ministres de l’Éducation de droite ou de gauche, ils agissent tous pour faire entrer toujours davantage d’anglais dans le cerveau des jeunes, en commençant à la maternelle. La connaissance de cette langue est-elle devenue le seul moyen pour décrocher un boulot ?  En tous cas, de nombreuses familles sont prêtes à tous les efforts pour que leurs enfants acquièrent une parfaite maîtrise de la langue d'Obama. Des universitaires s'inquiètent que dans les grandes écoles et les universités l’usage systématique de l’anglais accentue les différences sociales et barre la route à des élèves qui peuvent être brillants dans d’autres domaines. Dans les entreprises technologiques et financières il devient quasi systématique. Son usage accentue le stress de ceux qui ne le maîtrisent pas suffisamment et il crée une espèce d'élite à la compétence incertaine, voire discutable. 

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La mondialisation, le libéralisme économique (qui fait que 60 % du capital des grandes sociétés française est détenu par des multinationales), renforcent le processus en cours depuis plusieurs décennies : la domination de l’anglo-américain, sur les autres langues. D'ailleurs le terme employé par les anglo-saxons est significatif : à cause de leur position dominante ils disent globalisation, et non mondialisation. Ironie.

Margaret Thatcher déclarait lors d’une conférence donnée aux États-Unis en 2000, que "le pouvoir dominant est l’Amérique, le langage dominant est l’anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon". Rares sont les Français (et pour cause), qui connaissent les propos cyniques de David Rothkopf (un ancien responsable de l’administration Clinton, membre du Conseil national de sécurité des USA), qui valent pourtant leur pesant de ...cacahuètes : "Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais ; que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualités, ces normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent… Les Américains ne doivent pas nier le fait que, de toutes les nations dans l’histoire du monde, c’est la leur qui est la plus juste, la plus tolérante, la plus désireuse de se remettre en question et de s’améliorer en permanence, et le meilleur modèle pour l’avenir".

En somme, David Rothkopf préparait depuis longtemps l'avènement du Grand marché transatlantique. Et, en attendant, l'invasion de de l'anglais à la télé m'énerve toujours plus.


> Sources :  >>> Article d’Attac France.

Claude Hagège : L'anglais détruit notre pensée. Le Point. >>> Lien.

Claude Hagège : Contre la pensée unique. Éditions Odile Jacob. Format poche. 9,90 euros.