La Borne. Grèce. Ce n’était pas dans tous les médias. | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

Grèce. Ce n’était pas dans tous les médias.

Les dirigeants Européens accepteront-ils enfin de négocier la dette ? Le gouvernement de la Grèce devra-t-il s’agenouiller devant les dirigeants actuels de l’Europe ? Le peuple devra-t-il endurer encore plus de souffrances ? Petit rappel d’événements en forme de revue de presse sur le bras de fer Europe/Grèce. Ces quelques repères sont un peu “bruts de décoffrage”, mais ce sont des “brèves”, ça peut se lire en plusieurs fois…

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> Depuis le commencement les négociations bloquent sur un point : les dirigeants Européens veulent de nouvelles réformes budgétaires mais ne veulent pas parler de la dette - le gouvernement Grec est d’accord pour des réformes budgétaires mais ne peut les financer sans qu’on allège la dette. Ça en devient kafkaïen : le gouvernement Syriza, en faisant des concessions avec ses engagements électoraux, avait accepté d’inclure l’ajustement budgétaire dans les négociations. Mais ça n’était pas encore assez ! “Car la Troïka ne demande pas qu’un objectif global, mais aussi la manière. Il n’est pas suffisant que la Grèce s’impose une restriction supplémentaire de 1,7 point de PIB, il faut qu’elle la compose “comme il faut”. Par exemple l’augmentation du taux d’imposition sur les sociétés de 26 % à 29 %, ainsi que la taxe exceptionnelle de 12 % sur les profits supérieurs à 500 000 euros ont été refusées par la Troïka au motif qu’elles étaient… de nature à tuer la croissance ! En revanche la Troïka tient beaucoup à ce qu’on en finisse avec la petite allocation de solidarité pour les retraites les plus pauvres – (certains ont perdu jusqu’à 86 % de revenu disponible de 2008 à 2012) … c’est donc qu’il reste 14 bons pourcents : du gras ! Elle refuse la proposition grecque de taxer les jeux en ligne, mais demande la fin du subventionnement du diesel pour les agriculteurs – des nantis. Et tout à l’avenant !” [“L’euro ou la haine de la démocratie” dans Le Monde diplomatique du 29 juin 2015  >>> Lien. ]  

> Les grands vizirs Européens, ont le culot de faire la leçon à Alexis Tsipras et lui demandent, sans contrepartie, de serrer la vis aux Grecs encore plus. Pourtant certains sont des individus que la morale voudrait voir devant les tribunaux…

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Le premier prix d’immoralité revient à Mario Draghi, président actuel de la banque centrale européenne et ex vice-président de Goldman Sachs pour l’Europe entre 2002 et 2005. Goldman Sachs est la banque qui, entre 2001 et 2002 aide la Grèce à dissimuler une partie de sa dette colossale, en masquant notamment des milliards d’euros d’emprunts d’État. Un trucage qui sera dévoilé en 2010, avec la crise américaine des subprimes. On connaît la suite : la crise grecque va pousser la BCE à exiger d'Athènes un plan de rigueur budgétaire sans précédent, afin d'éviter une propagation à la totalité de la zone Euro. La complicité de Goldman Sachs dans cette affaire éclate au grand jour. À l’époque Mario Draghi était chargé de vendre le produit financier “swap" qui a permis de maquiller les comptes grecs. 

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Autre premier prix d’immoralité pour Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission européenne. C’est lui qui a récemment déclaré “Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens” ! Juncker était ministre des Finances du Grand Duché de Luxembourg du 14 juillet 1989 au 23 juillet 2009, il était aussi Premier ministre de ce paradis fiscal durant dix-neuf ans, de 1995 à 2013. Sous sa gouvernance, des accords fiscaux secrets sont conclus entre le Luxembourg et trois cents quarante multinationales (Apple, Amazon, Ikea, Pepsi ou Axa). Ces accords, permettent à ces firmes de minimiser leurs impôts, des milliards d’euros de recettes fiscales perdues pour les États où ces entreprises réalisent des bénéfices, ils sont passés entre 2002 et 2010, période où Jean-Claude Juncker est aux commandes du Luxembourg. Non seulement. Juncker ne pouvait ignorer les pratiques mais aux postes qu’il occupait, il les organisait. [Politis:  Juncker au centre d’un scandale fiscal.  >>> Lien.]

Quel citoyen Européen, à fortiori Grec,  pourrait faire confiance à ces personnages pour démêler la crise ? Ils sont discrédités par ces scandales. Ce ne sont pas des dirigeants crédibles, ils n’en ont pas les compétences ni les qualités morales. Et d’ailleurs, nous ne les avons pas élus.

> L’Allemagne a bénéficié d'une restructuration de sa dette en 1953, au sortir de la guerre, ce qui lui a permis de remettre son économie sur les rails et d'atteindre sa puissance actuelle. Mais, écrit Thomas Piketty, “l'Allemagne est vraiment le meilleur exemple d'un pays qui, au cours de l'histoire, n'a jamais remboursé sa dette extérieure, ni après la Première, ni après la Seconde Guerre mondiale. L'Allemagne est LE pays qui n'a jamais remboursé ses dettes”. On pourrait ajouter, et surtout pas à la Grèce martyrisée au sortir de la guerre ! Et Angela Merkel et son ministre des finances ont l’arrogance faire la leçon aux Grecs et de refuser de négocier sur la dette ! [Libération. L'Allemagne est LE pays qui n'a jamais remboursé ses dettes.  >>> Lien.]

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Pourtant, l’essentiel du problème réside bien dans la question de la dette grecque insoutenable que Alexis Tsipras veut résoudre. Mais la chancelière allemande refuse d’en parler. Pourquoi ? Parce que c'est le cœur de son discours aux Allemands depuis 2010 : l'aide à la Grèce ne coûtera rien aux contribuables allemands. La chancelière a tenu à son peuple des promesses impossibles. Elle a trompé les Allemands en prétendant que les Grecs pourront rembourser leurs dettes. Le niveau d'endettement de la Grèce (177 % du PIB) est intenable, le rythme des remboursements exigé par la commission Européenne place le pays dans une obligation de dégager des excédents qui asphyxient une économie déjà dévastée. [Romaric Godin. La Tribune. >>> Lien.]

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> L’entrée de la Grèce dans la communauté européenne en 1981 n’a pas été longtemps une  bonne affaire, car l’argent de Bruxelles a alimenté le vieux système du clientélisme et de la corruption. Les fonds et les prêts arrivent au moment où le socialiste Andréas Papandréou, parvient au pouvoir (il est Premier ministre, de 1981 à 1989 et de 1993 à 1996). Selon certains, Papandréou fut un véritable “génie de la rente”, qui a ouvert en grand les portes de l’embauche par l’État… 

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En adoptant l’euro en 2001, le gouvernement Grec s'engage à ne pas dépasser 3% de déficit budgétaire. Une règle que Konstantínos Simítis (premier ministre socialiste de 1996 à 2004) contourne grâce à la banque Goldman Sachs. Pour obtenir tout de suite des milliards de dollars et avoir des comptes “présentables”, il suffit de renoncer aux recettes des taxes d’aéroport, à celles du loto (et d’autres recettes de l’État), au profit de la banque. Cela s'appelle un “échange de devises”; techniquement, ce n'est pas un emprunt, puisqu’il n'y a pas d'intérêts à inscrire au budget. [Wikistrike et La Tribune de Genève].

En 2004, les Jeux olympiques d'Athènes s’élèvent à 9 milliards d’euros, une somme colossale pour ce petit pays (5% des richesses produites par la Grèce en un an). Une somme qui plombe les finances publiques et aggrave encore le problème grec. Le déficit public, qui était à la baisse depuis 1999, remonte en 2004, atteignant 7,5% du PIB. En données brutes, les finances publiques touchent le fond l'année des JO (Eurostat). Mais les JO ne sont pas seuls à l’origine des malheurs de la Grèce, ils illustrent le gâchis des multiples projets/aubaines pour les multinationales et quelques privilégiés locaux corrompus.

> La Troïka intervient pour la première fois en Grèce en mai 2010. La situation économique et financière du pays est très mauvaise et le gouvernement demande un soutien financier aux institutions internationales. La Commission européenne, la BCE et le FMI s’engagent dans une mission conjointe à Athènes et proposent un programme de prêts en échange d’un premier protocole d’accord. Ainsi commence la spirale infernale de diminution des retraites, des salaires, d’augmentation des impôts, des licenciements et des privatisations : la Troïka prend possession de la Grèce. Pauvreté, chômage, dégradation du service public de la Santé… En 2011, le Premier ministre, Giórgios Papandréou, veut  soumettre l’acceptation de cette politique à une consultation populaire. Mais, sous la pression des instances européennes, il y renonce en à peu près 24 heures ! Un gouvernement de technocrates libéraux lui succède. Le peuple Grec commence à payer pour les fautes des gouvernements irresponsables et corrompus.

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En 2013, après des années de politique libérale c’est la récession, le panorama de la Grèce est catastrophique. Chute du PIB de 231 milliards en 2009 à 193 milliards d’euros en 2012. Le taux de chômage passe de 7,5% à 26,9% entre  2008 et 2013 (57 % pour les moins de 25 ans). Sur une population active de 3,3 millions de personnes, le nombre de chômeurs s'élève à 1,2 millions (Elstat).  Le taux de chômage, qui a explosé depuis le début de la crise en 2010, a atteint un record en 2013, à 28% (il est encore de 25 % en 2015). On enregistre une explosion des cas de suicide.  Des enfants s’évanouissent sur les bancs d’école faute de nourriture. Les dépenses de santé chutent de plus de 20% en 2 ans (elles passent de 7,1% du PIB en 2010 à 5,8% en 2012). Les créanciers ont transformé la récession en dépression et la Troïka (Commision Européenne – Fonds Monétaire International - Banque centrale Européenne) ne fait qu’aggraver la pauvreté du peuple Grec. Le “sauvetage” de la Grèce, n’a servi qu’à lui imposer une cure libérale radicale tout en endettant encore plus l’État afin de museler définitivement les pouvoirs publics grecs”. [Jérôme Duval, Le Grand Soir, 13/08/2013] 

> L’attitude des dirigeants Européens devant la réaction du peuple grec illustre d’une manière flagrante combien les institutions européennes sont antidémocratiques (“Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens” a dit Juncker avec cynisme). Leur réaction énervée et agressive contre le référendum grec du 5 juillet montre combien leur est insupportable le moindre processus permettant aux peuples d’exprimer leur volonté. En effet, si l’on fait un bref retour en arrière, on constate que le mépris de la démocratie est une constante de l’Union. Rappelons que les peuples danois, français, néerlandais et irlandais ont rejeté par référendum le traité de Maastricht, le projet de traité constitutionnel et le traité de Lisbonne en 1992, en 2005 et en 2008. Mais cette volonté des citoyens a été rejetée par les dirigeants européens.

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> Selon le rapport du Comité sur la dette, l’augmentation de la dette grecque n’est pas le résultat de dépenses publiques excessives, qui sont en fait restées inférieures aux dépenses publiques des autres pays de la zone euro, mais plutôt en raison des taux extrêmement élevés, des dépenses militaires excessives et injustifiées, de la perte de recettes fiscales due à des sorties illicites de capitaux, de la ​​recapitalisation des banques privées.  >>> Lien.  La Grèce est dans cette situation, parce que pendant des décennies, les gouvernements successifs ont gouverné de façon clientéliste en soutenant la corruption, en jouant le jeu d’une collusion avec le pouvoir économique, en ne contrôlant pas la fraude fiscale des plus riches. En bref, quarante ans de politique libérale des gouvernements grecs, conservateurs ou socialistes, qui ont endetté leur pays “à mort” avec le concours des requins de la finance, et appliqué les recettes libérales/empoisonnées de la Troïka. 

> Il faut réduire la dette grecque : on ne trouvera pas d’autre issue au dédale où l’on se perd depuis des années. La droite européenne, Allemagne en tête, s’y refuse. Les têtes dures de la finance, s’accrochent à leurs dogmes, tels des talibans en costume-cravate. Ils craignent d’instaurer un précédent dangereux et poussent au “Grexit". Ils oublient un détail : si la Grèce quitte le système, pourquoi se soucierait-elle de rembourser ?  [Laurent Joffrin. Libération . 6 juillet 2015]

> Le vote des grecs est évidemment symbolique de la volonté d’un peuple de s’affirmer face à un système européen qu’il faut bien qualifier de totalitaire. Le peuple grec a dit “non” à la domination sans partage d’une technocratie juridico financière arrogante qui n’a que mépris pour la démocratie. Il faut maintenant se mobiliser pour que le référendum grec marque une inflexion générale et le retour vers la souveraineté, vers le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, vers la démocratie, vers ce qu’on appelle en France la République. [Communiqué de l’Association pour une Constituante, le 7 juillet 2015. >>> Lien]


> Lire -  Grèce : Le petit guide contre les bobards médiatiques.  Collectif pour un audit citoyen. >>> Lien.

La dette grecque est illégale, illégitime et odieuse selon le rapport du Comité sur la dette. Cadtm. >>> Lien.

Grèce. Goldman prise la main dans le Sachs. Libération.  >>> Lien.

Les peuples européens trahis par leurs élus ?  >>> Lien.