La Borne. Le film "Tabou(e)" à Henrichemont le 30 janvier. | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

Le film "Tabou(e)" à Henrichemont le 30 janvier.

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> Adapté de l'article de Steve Proulx "Un pavé dans la marde" sur le site "Voir Montréal".

> Le documentaire "Tabou(e)!" du réalisateur Mario Desmarais (diffusé par Télé-Québec) se penche sur la question de l'épandage de "fumier humain" et nous conduit sur le terrain de la "bouffe d’égoût" qui vient des champs fertilisés par des boues d’épuration.

Un coup de chasse d'eau, et c'en est terminé de votre petit caca. Disparu. Une fois rendu dans le système d'égout municipal, l'étron se mélange aux produits chimiques de nettoyage, aux résidus de médicaments, aux eaux de ruissellement chargées de la saleté des rues. Cette soupe improbable finira à la station d'épuration des eaux. Là-bas, la mixture sera filtrée. Il en résultera une matière solide, brunâtre, dans laquelle votre caca sera méconnaissable. Ces résidus seront parfois incinérés. D'autres fois, ils seront mélangés à des résidus de papeteries, des poussières de cimenteries, des cendres de bois, et seront épandus sur les terres agricoles pour servir d'engrais.

Un million de tonnes de ces matières finissent chaque année dans les champs du Québec. Et c'est ainsi que ce caca peut servir à faire pousser les aliments que mangent les québécois.

Le réalisateur Mario Desmarais s'intéresse à l'alimentation depuis près de 30 ans. Lors du tournage d'une série documentaire sur le système agroalimentaire mondial, il a entendu parler de l'épandage de "fumier humain". "J'étais scandalisé de constater qu'on utilisait les terres agricoles pour se débarrasser des déchets des villes", dit-il.

Une question le hantait: "Devrions-nous nous inquiéter du fait que des résidus d'eaux usées servent à la culture des produits que nous consommons?" Pour trouver la réponse, il a promené sa caméra aux quatre coins du Québec, en Ontario, aux États-Unis et en Europe. Pendant quatre ans, il a rencontré des sommités en la matière, des agriculteurs et de simples citoyens. Le documentaire né de cette enquête jette de la lumière sur un enjeu de taille, mais dont on parle peu.

> Au Canada, tout le monde ne rejette pas l'emploi du fumier humain. Témoignant dans le documentaire, un agronome du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs le confirme: il n'y a pas de risques à introduire les résidus d'eaux usées dans la chaîne alimentaire.

Il faut dire que le Ministère est juge et partie, étant le principal promoteur de l'épandage de cet engrais des villes. D'ailleurs, il préfère plutôt parler de "valorisation" des "matières résiduelles fertilisantes" (MRF). Ça fait plus propre.

Pas de danger, donc, selon le Ministère, car l'expérience américaine a prouvé les bienfaits de la pratique. Des agriculteurs américains épandent depuis longtemps des boues provenant des stations d'épuration, avec l'aval de l'Environmental Protection Agency (EPA).

Pour minimiser les risques des "boues urbaines", les autorités sortent souvent de vieux adages du type "retourner la terre à la terre". "Sauf que ce que l'on épand dans les champs, c'est tout sauf de la terre", rétorque Mario Desmarais. Le contenu des boues des stations d'épuration n'est pas homogène. Selon le documentariste, on peut y retrouver des résidus de produits pétroliers, des substances chimiques, des bactéries dangereuses, des métaux lourds et des virus contre lesquels il n'existe aucun remède (SRAS, staphylocoque doré, virus du Nil). Dans les champs, tout ça.

> Sans danger, vraiment ? Aux États-Unis, Mario Desmarais a rencontré deux parents dont le fils est mort après avoir respiré les émanations de "boues" provenant d'un champ voisin. Dans le même coin, un autre gamin est décédé à peu près au même moment, des mêmes causes.

Dr Ellen Z. Harrison, directrice du Cornell Waste Management Institute (New York), a mené une étude décrivant les symptômes de 328 personnes liées à 39 incidents impliquant l'engrais des villes. "Les boues devraient être interdites immédiatement", soutient-elle.

Dans le Val d'Oise (France), Mario Desmarais a découvert des terres ayant reçu un traitement au caca humain. Elles sont contaminées pour 20 ans. En Suisse, l'épandage des boues d'épuration est carrément interdit. Simple principe de précaution.

Et au Québec? L'épandage des boues n'est pas encore généralisé. Mais la situation risque de changer: l'épandage de ces matières résiduelles fait partie de la politique québécoise qui vise à valoriser 60 % des résidus récupérables.

Le film documentaire de Mario Desmarais est un vibrant plaidoyer pour le respect de la terre et le principe de précaution. 


> Adapté de l'article de Steve Proulx "Un pavé dans la marde" sur le site "Voir Montréal".


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