Francis Jourde, est un membre éminent de la Commune dont il était Délégué aux finances. Déporté en Nouvelle Calédonie, il participe à une évasion spectaculaire en compagnie de Rochefort et d’autres prisonniers. Mais avant cela, il occupe à Bourges pendant plus de deux ans un modeste emploi de maître d’études au lycée de la rue de Paradis (l’actuelle rue Édouard Branly). Il était le fils de Pierre Jourde et Jeanne Rodier, né à Chassagne (Puy-de-Dôme) le 4 juillet 1843.
La rue de Paradis, rue qui longe l’ancien rempart en surplombant la ville a connu plusieurs noms. Rue du Paradis, rue Paradis au 14e siècle, puis rue des Carmes en 1759. Elle est nommée rue du collège de 1778 à 1846 (et pendant la Révolution, elle devient Rue Voltaire). Elle redevient rue de Paradis en 1846 et porte ce nom quand le jeune Francis Jourde est maître d’études au Lycée. Le nom de Édouard Branly (découvreur de la radioconduction, du radioconducteur et inventeur de la télémécanique) a été donné à la rue de Paradis en 1940, à la mort de Branly. À côté de l’école des Beaux Arts qui a succédé au lycée, on peut visiter l’Hôtel des Échevins abritant le musée Estève.
”Le délégué de la Commune aux finances est un sieur Jourde dont les anciens élèves du lycée de Bourges ont dû garder le souvenir. Pendant plus de deux ans il y exerça les fonctions de maître d’études et dut abandonner cet emploi qu’il remplissait sans trop de façon”, écrit Le journal du Cher en avril 1871.
Rejoignant la capitale, Francis Jourde (parfois prénommé François) est employé dans les services des Ponts et Chaussées de la Ville de Paris. Durant le premier siège de Paris par les Prussiens, il est sergent au 160e bataillon de la Garde nationale. Le 1er mars 1871, il est secrétaire de la délégation du Ve arrondissement au Comité central de la Garde nationale. Le 18 mars, il devient membre de ce Comité. Le 26 mars, il est élu à la Commune et le 29 mars à la commission des Finances.
À partir du 20 avril, il est délégué aux Finances et l’auteur de différents projets, sur les échéances, le Mont-de-Piété, la pension aux femmes, mariées ou non, de gardes nationaux tués “pour la défense des droits du peuple”. “Son intelligence éclate dans son regard et dans toute sa physionomie. Il possède un véritable talent oratoire, qui lui permet de rendre les discussions financières claires et accessibles à tous les esprits” (Clère, Les hommes de la Commune).
Dès le 20 mars 1871, Jourde prend des mesures énergiques pour continuer de percevoir les octrois. Le même jour, il presse la Banque de France pour obtenir le premier million indispensable pour verser les trente sous quotidiens aux membres de la Garde nationale. Il signe la remise générale des termes des loyers d’octobre 1870, janvier et avril 1871 (vitale pour les parisiens, dont 90 % sont locataires). Le 29 mars, il suspend par décret la vente des objets déposés en gage au Mont de Piété. Le 25 avril, il annule les reconnaissances de dettes antérieures inférieures à vingt francs.
Jourde se contente “de prélever dix francs par jour pour son existence”. Après ses deux mois de gestion, il ne manque que cinq centimes dans les livres de comptes. Un midi de mai 1871, il lui manque deux francs, pour régler la note de son déjeuner, raconte Camélinat, le directeur de la Monnaie. Les poches vides, il emprunte la modeste somme à Protot, alors ministre de la Justice.
Francis Jourde se bat sur les dernières barricades, sur le boulevard Voltaire le 25 mai et jusqu’au bout à Belleville. Arrêté le 30 mai rue du Bac par les versaillais, il est condamné le 2 septembre 1871 par le 3e conseil de guerre, à la déportation simple. Il est embarqué à Brest sur la Guerrière et arrive à l’île des Pins le 2 novembre 1872 après 142 jours de mer. En octobre 1873 il travaille à Nouméa comme comptable puis comme caissier. Fondateur d’une société d’aide mutuelle pour les déportés, il en est nommé président.
Le 21 mars 1874, Jourde organise l’évasion de Henri Rochefort, Olivier Pain et Paschal Grousset (déportés en enceinte fortifiée), et les déportés simples Achille Ballière et Charles Bastien. Après avoir volé une baleinière, ils rejoignent un voilier qui les débarque à Newcastle en Australie. >>> Lien.
Il se rend ensuite à Strasbourg et devient comptable d’une usine de Schiltigheim dirigée par deux autres communards. Expulsé d’Alsace-Lorraine en mai 1876, puis de Bruxelles en 1877, il se réfugie à Londres. Il ne rentre à Paris qu’en juillet 1880, après le vote de l’amnistie.
Francis Jourde ne joue plus aucun rôle politique jusqu’à sa mort à Nice. “Jourde fut ministre des Finances de la Commune, et sa pauvreté n’en fut pas diminuée”, déclare Édouard Vaillant au conseil municipal de Paris, au lendemain de sa mort, le 20 mars1893. Francis Jourde est enterré civilement, le 24 mars, au cimetière Montparnasse, en présence notamment d’Édouard Vaillant. Ses amis “avaient voulu placer un drapeau rouge sur le cercueil, mais la police le leur a interdit” (Le Rappel, 26 mars 1893).
> Illustrations de haut en bas. Francis Jourde pendant la Commune. Édouard Manet : l’évasion de Rochefort et de ses compagnons en 1874. Parcours des communards de Bourges, cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Lire dans gilblog : Parcours des communards de Bourges. 150e anniversaire de la Commune de Paris. >>> Lien.
> Dans ses ”Souvenirs d’un membre de la Commune” Jourde raconte notamment son évasion de Nouvelle Calédonie. À télécharger gratuitement sur le site Gallica. >>> Lien.
> Lire dans gilblog : Parcours des communards de Bourges. 150e anniversaire de la Commune de Paris. >>> Lien.
> Sources.
Histoire des noms des rues de Bourges, par Roland Narboux. Éditions CPE.
Bourges pas à pas, par Georges Richet. Éditions Horvath.
La Commune et les communards du Cher, par Jean-Pierre Gilbert. L’Alandier.