Depuis quelques années, les gouvernants, politiciens, les journalistes, les “experts” des plateaux télé, n’ont qu’un mot à la bouche : réformer. À les en croire, la marche de la France vers le progrès et la prospérité, est pénalisée par des archaïsmes : donc il faut réformer. Des réformes, vite des réformes. Les réformes sont indispensables. Les réformes sont vitales.
Réforme est devenu un mot magique : pas besoin d’en dire le sens, d’exposer son contenu, de décrire ce qu’il va changer. Réformer est nécessaire, réformer est urgent. Réformer la France, il faut réformer, avec comme variantes moderniser, ou, dernier avatar : startuper.
Pourtant dans notre quotidien, on sent bien que quelque chose cloche et que dans la réalité réformer s’éloigne de la définition du dictionnaire : changement de caractère profond, radical apporté à une chose ou une institution, pour améliorer son fonctionnement.
Alors, je vous donne un truc. À chaque fois que vous entendez ou lisez le verbe réformer dans la bouche de Macron ou d’un macroniste, d’un politicien, ou sous la plume d’un journaliste macronien ou macron compatible, remplacez le par le verbe empirer. Vous verrez, on comprend mieux.
Car on ne devrait pas dire des réformes, mais des empirations. Toutes ces dégradations comme la misère des hôpitaux, la misère de la police, l’insécurité du réseau ferroviaire ; les baisses d’impôts qui suppriment le financement des services publics ; les postes, les écoles, les maternités et les bureaux des contributions qu’on ferme ; les ponctions au portefeuille par l’augmentation des taxes sur les produits pétroliers et le tabac ; les distributions d’argent qui ne vont jamais à leurs bénéficiaires ; les brimades administratives et les radiations des chômeurs ; la réduction des retraites ; les ponctions dans la caisse de la sécurité sociale ; la facilitation des licenciements qui aggrave la montée du chômage ; les factures d’électricité à plus 6% et les factures de gaz à plus 3%… toutes ces “réformes” ne sont qu’une réaction de grande envergure contre le progrès, je veux parler du vrai progrès : le progrès social.
Mais ça n’empire pas pour tout le monde, puisque l'Institut des politiques publiques vient d’annoncer que grâce à Macron, les 0,1% des Français les plus riches bénéficient de 23.072 euros annuel en plus. Enfin, il y a tout de même une réforme qui marche !
Évidemment, dit Natacha Polony dans Marianne, certains se récrieront: “Si nous sommes dans cette situation, c'est parce que les réformes nécessaires n'ont pas été faites !” Or, quand ces aimables commentateurs parlent de réformes, ils ne font pas allusion, par exemple, à l'organisation des gardes en médecine de ville, pas plus qu'à une réflexion de fond sur les filières universitaires pour répondre aux échecs de la massification (on pourrait ajouter un programme pour créer des emplois et réindustrialiser la France). “Les réformes”, c'est une expression toute faite pour désigner la mécanique comptable qui consiste à libéraliser, flexibiliser et rogner.
Bref, réformer la France tel que l’entendent les politiciens au pouvoir, signifie en réalité : dégrader, aggraver, avarier, abîmer, briser, casser, corrompre, détériorer, empirer, frelater, dégénérer, altérer.
Réformer a perdu le sens originel. Avec le dogme politique du libéralisme, il signifie désormais : empirer. On attend maintenant la prochaine édition du Larousse qui nous dira que réforme est un changement de caractère profond, radical apporté à une chose ou une institution, pour faire empirer son fonctionnement.
> Lire : Les réformes gouvernementales dans Médiapart. >>> Lien.