Une table ronde d’actualité sur le thème de la dématérialisation des démarches administratives vient d’être organisée par le site Le vent se lève. Je résume en ajoutant quelques ingrédients…
Ces cinq dernières années, les obligations de connexion ont explosé : prendre un rendez-vous avec un conseiller Pôle Emploi, faire une demande de RSA, renouveler des papiers d’identité, valider une autorisation de travail… La moindre démarche administrative nécessite de posséder un ordinateur, une bonne connexion internet et l’aisance dans son utilisation. Et de plus, il faut connaître ses droits, maîtriser le langage administratif et ses codes et réussir à naviguer sur des sites en constante évolution.
Il en va de même pour consulter son compte bancaire, faire un virement ou une autre opération, sur des sites souvent peu lisibles, écrits dans un jargon incompréhensible, protégés par une ribambelle de mots de passe, sans oublier les messages de sécurité par téléphone portable (et si le portable ne passe pas, que fait-on ?).
Ça fait beaucoup !
Le discours officiel, le discours publicitaire, prétendent que la numérisation des administrations, qu’elles soient publiques ou privées, c’est pour la modernisation, la simplification des relations, le confort de l’usager.
Mais le résultat est à l’inverse. En effet, un adulte sur trois a renoncé à effectuer une démarche administrative en ligne (statistiques 2021 de l’Insee). Et c’est fait exprès ! La “dématérialisation” et la “numérisation” servent à faire des économies et cachent une politique sociale de réduction des effectifs et de fermeture des agences et des guichets. Conséquences : des difficultés plus grandes pour joindre les administrations publiques ou privées, et fragilisation des plus précaires.
Parmi les galères vécues par la plupart d’entre nous, citons la fermeture des points d’accueil les plus éloignés du centre ville, notamment en milieu rural, et l’obligation de l’accueil par rendez-vous par internet ou téléphone (quand quelqu’un décroche…). On commence par fermer les antennes dans les territoires les plus populaires, c’est-à-dire dans les campagnes, pour ceux qui pourraient avoir le plus besoin qu’on leur explique comment fonctionne l’accès aux droits, ou les autres procédures…
On multiplie des espaces “libre-service” où les demandeurs doivent faire une partie de leurs démarches avant d’avoir accès à un rendez-vous. Ainsi, la CAF délègue le travail trop coûteux et qu’elle ne veut plus faire, aux usagers. Conséquence : une partie du public, la plus précaire, se retrouve devant un vide administratif et bureaucratique.
Il y a des catégories de population, notamment les classes populaires et les personnes âgées, mécontentes d’accumuler des expériences malheureuses avec l’État, avec les banques, avec Pôle emploi et la CAF qui contrôlent et sanctionnent, avec l’hôpital où ils sont mal accueillis. Répondre à ces besoins, créer une réelle simplification, humaniser en créant des postes d’interlocuteurs et de conseillers, voilà un chantier qui mérite d’être ouvert. Voilà qui mériterait des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Ne serait-ce pas là une réforme plus urgente que celle des retraites, et qui satisferait une majorité de citoyens ?
> Sources : Cimade. À guichets fermés. >>> Lien.
Le Vent se lève - Numérisation des aides sociales. >>> Lien.
Le mouton numérique. Dématérialiser pour mieux régner. >>> Lien.