Sous la plume de Anne-Sophie Chazaud, le site Vu du droit rend compte et commente les vœux à la presse d’Emmanuel Macron, lundi 15 janvier 2020. Après la première partie de son allocution consacrée à ….la presse, l’actuel président de la République s’est livré à une nouvelle déclaration de guerre critique contre les réseaux sociaux. Je vous encourage vivement à lire l’article entier d’Anne-Sophie Chazaud qui traite d’une liberté fondamentale (lien en bas de cette page). En voici quelques extraits significatifs.
> L’article d’Annie Chazaud est précédé par cet extrait de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen-1789. “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement : sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi”. Le ton est donné.
Les réseaux sociaux, voilà l’ennemi ! Voilà l’ennemi constamment désigné désormais à la fois par de nombreux journalistes ou chroniqueurs mais aussi intellectuels établis qui ne supportent visiblement pas (…) de perdre leur position de monopole exclusif dans la fabrique de l’opinion, et c’est également l’ennemi maintes fois désigné du pouvoir qui a, sur ce sujet, depuis longtemps sonné le tocsin par une ribambelle de déclarations et de mesures profondément liberticides au regard de la liberté d’expression, mais aussi au regard de la réelle liberté d’information.
L’ennemi, la cause est entendue, ce sont donc les réseaux sociaux, c’est-à-dire cette agora du XXIème siècle permettant à l’opinion publique de s’exprimer (encore un peu) librement, d’échanger des informations, de débattre. Et, précisément, Emmanuel Macron a fustigé la société du “commentaire permanent”. Mais, qu’est-ce que le “commentaire permanent” sinon la liberté de conscience et d’expression exprimées librement en démocratie. Quelle est l’idée ? Faire taire les commentaires ? Cela porte un nom et ce nom n’est pas la démocratie.
Pourtant, au-delà des outrances qui sont le propre de tous les espaces de débat public libres et démocratiques, les réseaux sociaux sont avant tout un lieu de débat et de circulation d’information comme les peuples (libres) n’en ont jamais disposé dans le passé. Et c’est bien cela qui dérange. Qui dérange à la fois ceux qui jusqu’alors en possédaient le monopole professionnel, institutionnel, académique, et ceux qui ont toujours souhaité contrôler la circulation de l’information (le pouvoir politique). Il s’agit là, une nouvelle fois, d’un petit partage du pouvoir au sein d’une caste qui n’entend pas se laisser déposséder de ses leviers d’action dans la fabrique de l’opinion.
Les journalistes ont des pratiques d’investigation (normalement…) qui apportent à leurs contenus une légitimité professionnelle. On n’imagine pas qu’ils puissent être menacés par la libre expression de l’opinion publique populaire, si ? On ne voit pas, en réalité, en quoi ces pratiques seraient concurrentielles sauf à les considérer sous l’angle d’une volonté de pouvoir et de mainmise.
Et l’auteur souligne que sans les images de terrain, toutes les vidéos prises sur le vif par les citoyens, tous les témoignages recueillis, comment la presse aurait-elle traité des violences policières qui ont sévi lors des manifestations des gilets jaunes et les grèves ? On a bien là la preuve que le journalisme et les réseaux sociaux peuvent travailler main dans la main en vue de l’élaboration de la vérité, parce que ce lieu est avant toute chose une agora et qu’en démocratie, c’est l’agora le plus important. Sans les réseaux sociaux, la dénonciation de cette répression de masse et ces méthodes d’un autre temps n’aurait tout simplement jamais été possible. Et c’est bien ce qui est en réalité dans le viseur de toutes les mesures antidémocratiques et du désir de censure gouvernemental, dit en substance Anne-Sophie Chazaud..
Pareillement, le pouvoir politique macronien n’a de cesse de vouloir contingenter la liberté permise par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, dans une constante obsession liberticide, et pour cause puisqu’il s’agit de contrôler les moyens d’une éventuelle réélection. La loi anti pseudo-fake news instaurant une sorte de magistère de la Vérité officielle, dans l’urgence par le juge des référés en période électorale, constitue à ce titre un absolu scandale antidémocratique. La loi Avia, tout pareillement, retenue par les parlementaires dans sa pire version liberticide, sanctionnant des contenus a priori et dans l’urgence (24 heures) selon des critères d’appréciation idéologique mais qui se frottera bien vite aux exigences d’un discours politiquement compatible avec les vues du pouvoir en place, fait, quant à elle, peser les pires menaces sur ce formidable espace de liberté que sont devenus les réseaux sociaux.
A propos de fake news, d’ailleurs, le pouvoir n’est pas en reste puisqu’on apprenait que la fine équipe de conseillers entourant le Président (…) n’avait pas hésité à produire de fausses informations Twitter (comptes anonymes et faux montages) dans le cadre de l’affaire Benalla : la propagande, c’est tout un art, et une tradition.
Enfin, Emmanuel Macron a évoqué, sans vergogne, une sorte “d’ordre moral” qui s’instaurerait sur les réseaux sociaux et qu’il n’approuverait pas. Pourtant, qui sont les principaux pourvoyeurs d’ordre moral, à coups de lois liberticides imbibées de politiquement correct, sinon les détenteurs post-socialistes du pouvoir actuel ? Qui a essayé, dans la loi Avia, de recaser discrètement mais sûrement le délit de blasphème à travers le concept fumeux d’islamophobie ? Qui passe son temps à moraliser sur la méchante haine au sein d’un espace de débat public réduit à n’être plus qu’une grotesque cage aux phobes ? Qui traque la parole déviante, la pensée dissidente ? Qui sonne le tocsin contre la vilaine opinion populiste, ou souverainiste ? Qui, par exemple, a qualifié de “fake news” récemment des propos d’opposants politiques à la loi sur les retraites au simple motif qu’il n’y a pas de simulateur (et pour cause, puisque le gouvernement se refuse à fournir cet outil) et que, par conséquent, toute information ou opinion sur ce sujet serait déclarée officiellement nulle et non avenue, “fausse”, par le Ministère de la Vérité ?
Les réseaux sociaux, que le pouvoir politique ou la presse le veuillent ou non, font désormais partie des lieux de liberté d’expression privilégiée des peuples du monde entier. Le pli est pris et lorsqu’on a goûté à une liberté, on ne retourne pas en arrière, sauf de manière autoritaire et toujours limitée dans le temps. Le combat liberticide pour y contrevenir est un combat à la fois propagandiste et d’arrière-garde. Et il serait tout à l’honneur des médias traditionnels de ne pas y apporter leur benoîte collaboration, sauf à vouloir perdre définitivement tout crédit.
> Vu du droit. Régis de Castelnau. “Macron et ses soutiens : Les réseaux sociaux, voilà l’ennemi ! par Anne-Sophie Chazaud. >>> Lien.