Pour Jean Jaurès, qui avait avait adopté les idéaux socialistes en 1893, le socialisme était étroitement lié à la révolution de 1789. Il parlait du "socialisme immense, humain, contenu dans la Révolution française". Il affirmait que "seul le socialisme donnerait à la déclaration des Droits de l’Homme tout son sens et qu'il réaliserait le droit humain". Il entendait unir socialisme et démocratie, et l'exprimait notamment dans l'introduction de son ouvrage monumental "Histoire socialiste de la Révolution française". L’objectif du socialisme était pour lui, la dignité de la vie.
Homme de combat et de convictions, député, ardent défenseur des mineurs de Carmaux dont il était l'élu, brillant orateur, journaliste et fondateur de L'Humanité, professeur normalien agrégé de philosophie, historien de talent, Dreyfusard, vigoureux opposant au clan belliciste et à la guerre... pour toutes ces raisons Jaurès a été sans doute l’homme le plus haï de son temps.
En somme, Jaurès n'était pas un bisounours. Ce militant de la justice sociale et de la paix était le contraire du portrait édulcoré qu'en font des récupérateurs au moment de la commémoration du centenaire de sa mort, le 31 juillet 2014. C'est la raison de ce coup de gueule.
En effet, de François Hollande à Marine le Pen en passant par Nicolas Sarkozy, de nombreux politiciens ont interprété les idées de Jean Jaurès à leur manière pour lui faire endosser la paternité de leurs slogans en langue de bois.
Des slogans qui sont très éloignés de la vision de Jaurès qui écrivait dans son journal, "L’Humanité" "Toute la planète est hérissée de problèmes et de barbarie". C'était le 17 juillet 1914, quelques jours avant son assassinat. Lors d'un discours à Lyon le 25 juillet, il déclarait : "Quoi qu’il en soit citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar".
Le 31 juillet, Raoul Villain (1), un fanatique de droite, imbibé de la propagande belliciste de l'époque contre Jaurès, l'abattit dans le dos. Jean Jaurès représentait en France le dernier rempart contre la guerre mondiale, mais avec son assassinat la voie était dégagée côté français pour que le parti de la guerre envoie au carnage durant quatre ans des millions de soldats. En 1919 en Allemagne, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht connurent le même sort que lui pour leur opposition à la guerre.
> De nos jours "Toute la planète est hérissée de problèmes et de barbarie" est un constat tragiquement confirmé par l'actualité et les récentes décennies....
Actuellement à Gaza, une armée puissante bombarde et tue les civils pour éliminer les combattants palestiniens et leurs institutions (qui ne possèdent ni économie viable, ni armée régulière). Une campagne médiatique grossière essaye de nous enfumer en racontant un conflit entre deux entités quasi-égales ! Chacun sait que ce n’est pas le cas. En réalité, cette guerre oppose un État qui, pour le droit international, est une puissance occupante (et régulièrement condamnée comme telle par l'ONU), à un peuple en lutte pour ses droits nationaux (autres résolutions de l’ONU). Si l'on croyait cette propagande, la balance serait égale entre Israël et les Palestiniens alors que ce n’est évidemment pas le cas, ni du point de vue du droit, ni de la morale, ni du point de vue militaire. Mais François Hollande et son gouvernement font mine d'y croire, ce qui revient à prendre parti pour Israël. Répétons le, Israël est l’agresseur puisqu’il est la puissance coloniale et l’occupant depuis soixante dix ans. Et cette occupation est la première violence et la cause de toutes les autres.
Avec l'affaire de l'Ukraine, nous subissons une autre campagne, du même genre que celles orchestrées contre la Serbie et Slobodan Milosevic, l'Afghanistan et Ben Laden, l'Irak et Saddam Hussein, la Libye de Mouammar Kadhafi, la Syrie de Bachar al-Assad. On se souvient de ce qui a suivi ces campagnes de propagande. La Yougoslavie a été dépecée au prix des atrocités commises par les uns et les autres (plus de deux cents mille morts), la Serbie a été bombardée et Milosevic est mort en prison. L'Irak a été envahi et Saddam Hussein exécuté, maintenant les Irakiens s'entretuent. L'Afghanistan est un champ de ruines bientôt de nouveau aux mains des Talibans. La Libye a été envahie, Kadhafi a été lynché, aujourd'hui les tueries et le chaos règnent. Quant à la Syrie certains Émirats arabes et les États-Unis soutiennent une insurrection sanglante dirigée par les extrémistes islamistes (ennemis en Afghanistan, amis en Syrie ?) contre Bachar al Assad ; encore la mort et la destruction.
Bref, depuis 1991, les guerres se succèdent pour des enjeux géo stratégiques, pour le pétrole, pour le gaz, et pour les profits des groupes militaro industriels (2). Ce ne sont pas des croisades pour la démocratie ni des guerres contre des dictateurs que nos dirigeants embrassaient encore la veille, ne soyons pas dupes. Car "le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage" disait Jean Jaurès. "On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour les industriels", confirmait Anatole France, contemporain de Jaurès et opposé lui aussi à la guerre...
Mais, depuis quelques semaines, on peut se demander si la guerre est le sort prévu pour les Russes et Vladimir Poutine ?
Une campagne médiatique d'arguments à sens unique et de conditionnement du public contre la Russie est orchestrée. Les États Unis et leurs alliés accusent (mais sans fournir de preuves - comme pour les armes de destruction massive de Saddam Hussein ?), et ils sont relayés par les médias qui feignent de s'indigner de la complaisance et de la passivité des occidentaux face au despote Poutine. Après être allé en Libye avec le résultat glorieux qu'on sait, BHL va faire son numéro à Kiev. Le Congrès américain vient de produire un projet de loi qui donnerait à l’Ukraine le statut d’allié militaire des Etats-Unis (plus besoin de l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan).
Certains affirment avec assurance que le temps de la diplomatie est terminé. Si le temps de la diplomatie est terminé, cela signifie que le temps de la guerre est venu ? En tous cas c'est bien le temps des va-t-en guerre et des irresponsables !
On a bien besoin de Jean Jaurès. Qu'il revienne ! Vite...
(1) Raoul Villain, sera acquitté après guerre par la "justice" française et la veuve de Jean Jaurès sera condamnée aux dépens...
(2) Le budget militaire états-unien était en 2013 de 640 milliards de
dollars. Autant que le Budget réuni de neuf grands pays : Chine 188,
Russie 88, Arabie Saoudite 67, France 61, Grande-Bretagne 58, Allemagne
49, Japon 49, Inde 48, Corée du Sud 33. (Source SIPRI)
> Sources. Acrimed : Offensive israélienne contre Gaza : les partis pris du traitement médiatique. >>> Lien.
AgoraVox : Les étasuniens confèrent le statut d’allié à la junte au pouvoir à Kiev et ils leur donnent l’arsenal nucléaire ! >>> Lien.
Wikipedia. Jean Jaurès. >>> Lien.