L’intérêt suscité par le “produire en France” engendre une confusion quant au sens du mot “fabriquer”. Ce terme est utilisé à tout bout de champ, et parfois à contre sens, alors que sa signification tient d'une situation précise.
Fabriquer provient du latin fabricare, issu de la racine faber, qui désigne la forge. À l'origine, fabricare signifie donc façonner dans le sens de forger. Le terme est aujourd'hui lié à ce qui relève de la fabrication, impliquant une fabrique, dont l'activité est forcément mécanique, c'est-à-dire usant d'une machine.
On peut donc fabriquer des objets, des outils, des meubles, des voitures, mais pas des aliments, sauf si le procédé est industriel, d'où l'importance de la distinction. Il ne faut pas confondre la saucisse produite dans une usine selon une technologie donnée, avec celle produite par un artisan dans son atelier.
L'expression “fabrication maison”, sur la devanture d'un charcutier préparant lui-même son boudin ou sa terrine, ou “fabriqué à la ferme”, à propos d'un fromage ou d'une confiture, est impropre.
Contre sens de nature à induire en erreur : on voit fleurir des enseignes ou des marques au nom de “La fabrique” qui vendent ou font des produits artisanaux ou qui sont censés l’être.
Les mots ont un sens, et le pâté d'un artisan œuvrant dans sa cuisine n'a rien à voir avec celui fabriqué en usine. Un restaurant afficherait-il “plat fabriqué maison” pour un pot-au-feu, un saumon à l'oseille ou une blanquette de veau ? C'est le terme “fait maison" qui prévaut. Idem pour tout ce qui relève de la production artisanale manuelle, même si un outil mécanique intervient à un moment dans le processus.
Il convient donc de dire “préparation maison” ou “produit à la ferme” et non “fabrication” ou “fabriqué à”. Les rillons de l’artisan à Tours, ou le camembert fermier au lait cru sortant d'une laiterie en Normandie, ne sont en aucun cas fabriqués, mais élaborés.
C'est tellement plus beau comme ça.
> Emprunté à Marianne No 1181 du 1er novembre 2019.