Le roman Ce qui manque à un clochard, de Nicolas Diat, qui évoque le personnage de Marcel Bascoulard a remporté le Prix littéraire Georges Brassens cette année. Ce prix récompense un livre, dont l’esprit et le style rappellent le grand Georges, comme l’ont voulu ses fondateurs.
Bascoulard dans un roman que Brassens aurait aimé, ça méritait bien une page de ce blog.
Pour celles et ceux qui ignoreraient son existence, rappelons d’abord que Marcel Bascoulard (né en 1913, mort assassiné en 1978) est un personnage réel. On croisait dans les rues de Bourges cet artiste original vivant dans une masure et vendant ses dessins d’une incroyable minutie à un prix dérisoire. Dessinateur à l’habileté exceptionnelle, travesti, poète et photographe, il avait choisi pour mode d’existence la solitude et la pauvreté.
Dans ce roman, des mémoires imprégnées d’une douce mélancolie, la prose voisine souvent avec la poésie, transformant la misère en gloire, écrit un lecteur. Depuis la mort de son père, tué par sa mère épuisée par les mauvais traitements, Bascoulard erre pas loin de la prison puis de l'hôpital psychiatrique où elle est enfermée. C'est presque la seule femme qu'il a aimée. Ce marginal (en effet, Bascoulard n’était pas un clochard comme le dit improprement le titre du roman !) a quelques rares amis et vit en dehors de la société dans des abris de fortune. Il subsiste avec peu, des oeufs et du lait qu'il partage avec ses chats qui lui servent de couverture la nuit. Il n’a pas de feu ni de toilettes, et d’ailleurs, comme il se lave rarement, il pue. En dehors de sa grande passion le dessin, la cathédrale de Bourges qui le fascine et qu’il dessine sous tous les angles, Bascoulard aime la photographie et la poésie (Baudelaire en particulier). Autre bizarrerie, il aime créer des vêtements féminins et se travestit volontiers. Mais le dessin est sa vie, sa respiration… Le roman est écrit à la première personne, c'est notre artiste qui se raconte : l'art, son quotidien, son attachement au Berry de son enfance, ses paysages…. Et son empathie pour les démunis, les personnes fragilisées par la vie, dont il se rapproche par son propre dénuement.
Et, revenant au dessin, notre lecteur choisit de citer cette extrait du roman :
"Pourquoi ai-je tant aimé l'encre de chine ? Ce noir intense, émerveillé, rendait toute la poésie que je voyais dans les paysages les plus simples. L'encre noire était le miroir de l'humilité mystique où je noyais mes dessins. Elle traçait les lignes du monde comme j'avais décidé de le voir une fois pour toutes. Sous son ombre, la vie prenait une épaisseur supplémentaire, une patine dense, mélancolique, figée. L'encre traversait les nuages et les brouillards de l'hiver. Elle pouvait rendre la pureté de la neige, des champs désespérés et des étangs interloqués”.
Un choix qui donne envie de tourner les pages du roman de Bascoulard…
> Ce qui manque à un clochard, par Nicolas Diat. Roman. Éditions Robert Laffont. Un livre broché de 240 pages. Format 14X21 centimètres. Prix 19 euros. En vente aux librairies La Poterne (41 rue Moyenne) et La plume du Sarthate (83 rue Arnaud de Vogüé) à Bourges.
> Lire aussi “Bascoulard, dessinateur virtuose, clochard magnifique, femme inventée” de Patrick Martinat. Éditions Buchet/Chastel, Les cahiers dessinés, 288 pages, 49 euros.
> Et samedi 2 octobre à 15H30, venez écouter Michel Pinglaut qui racontera Bascoulard à la salle des fêtes de La Borne !