Ce matin, la Huguette a réveillé Berlaudiot de bonne heure, car il y a de l'ouvrage qui attend au potager. Et Berlaudiot y est allé sans rechigner. Et il a abattu du boulot, le bougre. Maintenat c'est la fin de la matinée, il est presque midi et il fait bin chaud. Berlaudiot arrête de bêcher, il pose ses outils et s'assied à l'ombre du noyer qui borde le potager. Il s'évente avec une feuille de potiron cueillie dans le jardin et se prépare à faire un p'tit somme avant l’casse croûte.
Mais il est réveillé par La Huguette qui arrive avec le frichti.
Eh, Berlaudiot, t'es rouge coum' si t'avais avalé un champ d'coqu'licots ! Tu d'vrais bin enl'ver c'béret qui t'fait chaud sul' caberlot !
Berlaudiot regarde à droite et à gauche, et derrière et devant. Personne en vue.
J'peux bin enl'ver mon béret à c't'heure, parsoun' pourra vouèr' mon crân' d'œuf !
Berlaudiot empoigne son béret avec lequel il essuye son crâne chauve et ruisselant de sueur. Il pose le béret à côté de lui, il soupire d'aise et se ventile de plus belle avec son éventail en feuille de potiron.
Je m'sens benaise sous l'calonnier, dit Berlaudiot ! J’ai bin bêché l'potager aujard’hui. J’ai bin mérité l'casse croûte. Et pi, Huguette tu f'ras eun' soupe à la citrouille pour eul' souper. Coum' ça j'aurons la pein' et pi l'profit !
Levant les yeux, il remarque quelque chose dans le noyer....
Tu vois ti c'que j'vois, dit-il à Huguette ? Eul' calonnier y donne pus coum' avant : agadon la taille de ceux calons, coume y sont chtits ! Les pus grous y sont pas pus grands que mon pouce. Ah, si seument il'taient coum' ceux potirons. Dame, y zont point d'tronc mais tu vois ti ceux grous fruits qui font !
Tu vois ti Huguette, poursuit Berlaudiot, les choses à z'auraient pu êt' auterment. Les potirons y z'auraient pu pousser su' les branches du noyer, et pi ceux chtites noix a z'auraient pu s’accrocher à la tige du potiron, a s'raient bin pus faciles à ramasser !
Un coup de vent agite les branches au-dessus de la tête de Berlaudiot. On entend un petit craquement, et quelque chose traverse le feuillage. Un bruit sec retentit et la chose heurte le crâne nu de Berlaudiot. Il ramasse la chose : c'est un ch'tit échalon bin dur. Il frotte son pauv' caberlot où un petit morceau de coquille est encore piqué...
Tu voué ti bin Berlaudiot, dit la Huguette, l'bon Dieu il a bin fait les choses ! T'imagin' si ça l'tait un potiron qui t's'rait tombé su' la tête !
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