Dans les années cinquante, un des rendez-vous favoris des bornois, des gens d’alentour, et même de Bourges, était ”l’Auberge du bon accueil”, appelée plus familièrement "chez la Pauline," à Morogues, en face de l'école. On y mangeait bien, et il y avait de l’ambiance. Pour faire un joli voyage dans le temps, je vous invite au plaisir de savourer ce qu’en disait Le Berry Républicain en 1953, car l’atmosphère y est !
Amis berrichons, si d'aventure le démon du tourisme vous conduit vers ce délicieux petit coin de Morogues, réputé pour son Sauvignon et ses écrevisses du Colin, n'oubliez pas de vous arrêter au ”Bon Accueil”, tenu par Dame Pauline. C'est une vieille auberge sans apparence, qui n'a rien de l'hostellerie publicitaire aux habituels rideaux à carreaux rouges et blancs, mais dont tout I'intérêt se cache à l'intérieur. Dès que vous en aurez franchi le seuil, vous y serez reçu par sa sexagénaire hôtesse, au parler rude et franc, aux façons un peu brusques de vieille terrienne qui ne s'en laisse pas conter, et qui, vous toisant des pieds à Ia tête aura vIte fait de vous faire comprendre que dans son rustique établissement, elle est seule maîtresse à bord après Dieu,
Mais la vigueur de celte réception fera vite place à un contact plus chaleureux et cette Madame Angot d'un nouveau genre vous dispensera sans plus attendre tous les trésors gastronomiques de sa cuisine ; ses queues d'écrevisses à la Nantua, ses boulettes de volaille frites, ses omelettes aux boutons de pissenlits et aux morilles, ses pigeons à la crapaudine et surtout son poulet en barboille, grande spécialité de l'auberge, le tout arrosé d’un Sauvignon maison de derrière les fagots qui à lui seul vaudrait le déplacement. Les Jours de foire, il y a foule, on s’entasse tant bien que mal derrière Ies grandes tables de campagne aux bancs un peu rugueux. Et parmi les rires, les cris, c’est là qu’il faut voir La Pauline, dominant le tumulte, jetant ses ordres, haranguant en langue verte ses clients les plus bruyants dans une atmosphère rabelaisienne du plus plaisant effet.
Mais ce petit tableau serait incomplet si on ne situait pas dans ce cadre original, la figure débonnaire du père David, mari de notre ”phénomène” dont le flegme remarquable contraste singulièrement avec le dynamisme de son épouse. David pioche la terre en toutes les saisons et récolte ce pur sauvignon de Morogues qui, pour n’être pas d’appellation contrôlée, n’en laissera pas moins dans vos palais délicats un souvenir ineffaçable.
Mettons en relief ce couple sympathique de vieux vignerons aubergistes, un des derniers vestiges de cette faune pittoresque deBerrichons moroguois, qui selon une tradition solidement établie, continuent de porter haut et ferme les vieilles et bonnes coutumes d’autrefois. Et si, un jour prochain, vous ne savez pas où diriger vos pas, eh bien, mettez le cap avec vos amis sur ”l’Auberge du bon accueil”, vous y passerez quelques heures qui vous réconcilieront avec l’existence.
”Le Pêcheur de Perles” - Le Berry Républicain 1953.
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> Merci à Michel Boureux (oui, celui de La Bornemuse !) qui a écouté les souvenirs d’Hélène Bedu et sorti ce document de ses archives.