La vie de Marie Talbot gardera encore longtemps une grande part secrète, faute de sources et de témoignages. Cependant, Geneviève Bailly qui a fait une recherche dans les archives, éclaire le mystère de sa filiation et de son état-civil (à découvrir dans ”Marie Talbot qui es tu ?” Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, mars 1997).
Heureusement les œuvres, merveilles de l’art populaire de la première potière imagière de La Borne, parlent pour elle. On peut remarquer que les détails et l’infinie variété des parures de ses personnages témoignent que Marie Talbot était très documentée sur la tenue de ses contemporaines, preuve qu’elle était une observatrice curieuse de son environnement et vivait au rythme de son temps. Pour compléter le tableau, j’ai voulu situer dans son époque les étapes connues de sa vie. Bien qu’elle n’ait probablement pris aucune part à ces événements, l’écho en est parvenu jusqu’à elle (certains furent des événements très proches). On peut essayer d'imaginer ce qu’elle a ressenti, ou comment ont réagi ses proches. On voit ainsi se dessiner une espèce de ”portrait en creux” de Marie Talbot, fait de la résonance des bouleversements historiques, des faits divers locaux, et des événements qui se sont déroulés dans notre province au dix neuvième siècle.
1804.18 mai, Constitution de l’An XII, Napoléon devient empereur. Dans dix ans, le siècle de Marie Talbot va commencer…
1814. 3 avril, naissance de Marie Talbot. Marie Talbot ne s’appelait ni Marie ni Talbot. De son vrai nom Jeanne Brûlé, elle est la fille naturelle de Jacques-Sébastien Talbot (1769-1841) et de sa servante Marie-Jeanne Brulé (1789-1840), ce lien est authentifié par les travaux de Geneviève Bailly. Marie-Jeanne Brulé, épousera Jean Talbot dit ”Bouton” (1790-1875), potier et neveu de Jacques-Sébastien, en 1821. On restera en famille...
1814. 4 avril, Napoléon abdique à Fontainebleau.
1815. 1er mars, début des "cent jours” de Napoléon. 18 juin, défaite de -Waterloo. 8 juillet, Louis XVIII entre à Paris.
La petite Jeanne Brulé reste auprès de sa mère, servante de Jacques-Sébastien Talbot et est élevée avec les enfants de la maison. Elle est familière de la ”boutique” de potier de Jacques-Sébastien et, avec ses demi-frères, peut s'exercer au travail de la terre.
1821. 12 février, Jean Talbot (dit ”Bouton”) épouse Marie-Jeanne Brulé, mère de Marie Talbot (née le 10 juillet 1789 à Morogues). Marie est âgée de 7 ans. Son goût pour le matériau, son habileté manuelle vont faire que son père, Jacques-Sébastien, l’encouragera et l’initiera au métier comme il le fera pour ses fils. Mais c’est un travail pénible, où l’on fabrique aussi de la poterie utilitaire : préparation de l’argile, tournage et modelage, séchage, préparation de la cuisson. Si l'on en croit la bouteille/portrait que Jacques-Sébastien fait d'elle, Marie est heureusement dotée d'une robuste constitution.
1825. 9 mai, sacre de Charles X à Reims.
1830. 27 juillet, début de l’insurrection ”Les trois glorieuses” à Paris.
1830. 9 août, Louis-Philippe Ier devient roi des Français.
1832. Vierzon, 1er mai. Une affiche placardée sur les murs de la ville alerte les vierzonnais contre l’épidémie de choléra qui a gagné la France. Ordre aux habitants de maintenir la propreté dans leurs habitations et places publiques, de rester chez eux et d'aller à l’hôpital seulement aux premières attaques de la maladie. Marie Talbot a 18 ans.
1832. Alexis Soyer crée le premier comice agricole de la région centre à Aubigny-sur-Nère.
1838. Ouverture du canal latéral à la Loire.
1839. 22 août. À l’âge de 25 ans, Marie Talbot (Jeanne Brulé) épouse Louis-Alexandre Devailly à Henrichemont. Louis Alexandre Devailly est né à Henrichemont en 1806, il est âgé de 32 ans, sa profession : propriétaire (”vivant notoirement des produits de la location de ses immeubles urbains et ruraux” selon la définition de l’époque). Il est le fils de Jacques André Devailly, propriétaire à Henrichemont, et de Anne Félicité Legrand. Jeanne Brûlé est la fille naturelle de Marie-Jeanne Brûlé et d’un père inconnu (dit l’acte qui porte le numéro 19). Les témoins de Marie Talbot (Jeanne Brulé pour l’état civil) sont Jacques-Sébastien Talbot, potier (70 ans), Jacques Talbot, potier(40 ans) et Jean Talbot dit” Bouton”, potier (50 ans), son beau père).
1840. 13 janvier, décès de Marie-Jeanne Brulé (mère de Marie Talbot) à l’âge de 50 ans.
1840. Marie hérite de la boutique de son beau-père, Jean Talbot ”Bouton”. Marie Talbot, qui avait jusqu’alors travaillé dans l’atelier de son père Jacques-Sébastien, installe sa boutique à quelques pas de là (dans la partie de La Borne dépendant de la commune de Morogues).
1841. 22 janvier, Marie donne le jour à un fils, Alexandre.
1841. 4 juillet, décès de Jacques-Sébastien Talbot (père de Marie) à l’âge de 72 ans (né le 20 janvier 1769).
1845 et 1846. Mauvaise récolte de blé en France. Maladie de la pomme de terre.
1847. 13 et 14 janvier. Émeutes de la faim à Buzançais, un propriétaire tue un manifestant et est mis à mort par la foule. Le 16 avril 1847, après leur procès à Châteauroux, trois émeutiers berrichons sont guillotinés en public. Marie Talbot a 33 ans.
1848. 4 mai, proclamation officielle de la IIe République par l’Assemblée.
1848. 15 mai, les révolutionnaires Armand Barbès, Auguste Blanqui, François Vincent Raspail, suivis d’une foule de 50 000 personnes, investissent le palais Bourbon où siège l’Assemblée nationale.
1848. 10 décembre, Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République.
1849. 7 mars à Bourges au Palais de justice (maison de Jacques Cœur), une Haute Cour de justice créée pour la circonstance, juge Armand Barbès, Louis Auguste Blanqui, François-Vincent Raspail, Louis Blanc, en tout 17 accusés, d’attentat ayant pour but de détruire ou changer de gouvernement par la guerre civile. Ils sont défendus par l’avocat Michel de Bourges, brillant orateur habitué des grands procès politiques, et inscrit au barreau de Bourges depuis 1826.
1851. 12 octobre. Sancerre, arrestation de trois républicains membres de ”La Marianne”, dont Edmé Desmoineaux, ancien maire de Précy. Environ 200 hommes de Précy, Charentonnay, Jussy-le-Chaudrier, Saint-Léger-le-Petit, armés de fusils et de faux, marchent sur la ville. Nombreuses arrestations.
1851. 2 décembre, dissolution de l’assemblée et coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte.
1852. Début du creusement du canal de la Sauldre, 46,8 kilomètres, de Blancafort à Lamotte-Beuvron.
1852. 2 décembre, proclamation du Second Empire.
1852. Jules Auchère, habitant à La Borne, fabricant de formes pour la chapellerie, républicain et membre de la “société secrète locale” est condamné, à la déportation en Algérie.
1855. En décembre, de retour à La Borne Jules Auchère est victime de l’escroc Charles Berger qui se prétend républicain et ancien déporté politique.
1857. Marie Talbot signe et date une Sainte Marie-Madeleine.
1857. Ouverture à la navigation du canal de la Sauldre. Marie Talbot a 43 ans.
1869. 10 septembre. Sancerre, Charles Gambon explique dans la presse son refus de payer l’impôt. Début de l’affaire de la vache à Gambon.
1870. 19 juillet, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse.
1870. 1er septembre, défaite des armées françaises à Sedan. 2 septembre capitulation de Napoléon III qui devient prisonnier des Prussiens.
1870. 8 au 13 décembre, Vierzon est occupé cinq jours par deux cents cavaliers Prussiens. Les soldats Prussiens pillent des magasins à Aubigny sur Nère. Ils sont repoussés à Argent par deux cents francs-tireurs locaux. Les Prussiens font des incursions à Neuvy et à Clémont. Bourges accueille trois mille soldats blessés, des cas de variole se déclarent. Le pain manque. À Bourges une société alimentaire fournit des repas aux malheureux. Marie Talbot a 56 ans.
1871. 8 février, élection de l’assemblée nationale.
1871. 17 février, Thiers devient chef du gouvernement.
1871. 28 mars, proclamation de la Commune de Paris.
1871. 6 décembre, Henri-Charles Foucher, cocher à Henrichemont qui s’était engagé dans la Garde nationale fédérée sous la Commune et qui a survécu à six mois d’emprisonnement dans un ponton à Rochefort est libéré.
1874. 23 août, décès de Marie Talbot.
1875. 13 février, décès de Louis-Alexandre Devailly, époux de Marie Talbot.
1875. 5 mai, décès de Jean Talbot, dit ”Bouton” âgé de 85 ans, beau père de Marie Talbot.
1875. 4 août. Décès de Alexandre Devailly, fils de Marie et Louis-Alexandre, employé aux Chemins de Fer de Brest (?), à l’âge de 34 ans.
> Illustrations de haut en bas. Bouteille/portrait de Marie Talbot par Jacques-Sébastien, son père. Trois poteries décorées de Marie Talbot. L’épidémie de choléra de 1832 dessin d’Honoré Daumier. Affiche de l’exposition de 2008 au musée de la Poterie de La Borne. Chanson de la vache à Gambon. Soldats Prussiens de la guerre de 1870. La Commune, allégorie, par Walter Crane.