L’œuvre de Marie Talbot et la mode à Henrichemont.


fête berrichonne 19e siècle détail

La vie et l’œuvre de Marie Talbot (3 avril 1814 - 23 août 1874) garderont encore longtemps une part de mystère, faute de sources et de témoignages. Mais l’exposition exceptionnelle que lui consacre le musée de La Borne, par la qualité et la quantité des œuvres présentées, la rend plus proche du public. Et si le contexte local de ses créations éclairait un peu ce mystère ? 

CostumesBerrichons-ExpoThiaulins-2011

Fruit d’une longue pratique (probablement commencée jeune dans l’atelier de son père Jacques-Sébastien Talbot), le talent de Marie Talbot s’appuie sur sa virtuosité à modeler ses personnages. Ses œuvres, merveilles de l’art populaire, sont marquées par l’intérêt qu’elle porte aux visages et au vêtement. Qu’elles soient caricaturales ou non, les créations de Marie Talbot représentent pour la plupart des femmes élégantes, dont les détails, costume, visage, cheveux, parures sont réalisées avec soin et précision. Le costume féminin et la mode féminine de son époque sont une des principales sources de son inspiration. On est frappé à la vue des détails et de l’infinie variété des parures de ses personnages, qui témoignent que la célèbre imagière était très documentée sur la tenue de ses contemporaines, preuve qu’elle était une observatrice curieuse de son environnement.

Berrichons en habits-Expo-Thiaulins2011

Mais d’où tirait-elle tous ces détails ? Quelles étaient ses sources documentaires ? Pour Amaury Babault (historien du costume, professeur, membre éminent de La Rabouilleuse et président des Thiaulins de Lignières), à cette époque en Berry, on connaissait ce que l'on portait. Les journaux de mode n'avaient pas une diffusion suffisante pour atteindre les villages (je n’ai pas trouvé trace d’un marchand de journaux à Henrichemont à cette époque !), et ils ne représentaient pas les modes populaires. De nos jours, on imagine souvent le vestiaire des gens du peuple plus simple et plus discret qu'il ne l'était, mais les cotonnades imprimées pleines de couleurs permettaient de copier et de décliner des motifs plus coûteux et de varier les tenues avec fantaisie, comme en attestent les expositions de costumes anciens. Les ateliers de couture étaient répandus, mais, fait regrettable, n’ont pas fait l’objet d’études historiques (encore une preuve du peu d’intérêt manifesté pour ces activités réservées aux femmes !). Aussi, il est intéressant de savoir ce qu’il en était à Henrichemont au temps de Marie Talbot.

Le registre des mariages d’Henrichemont en 1833 nous apprend que sur 22 jeunes femmes d’un âge approchant celui de Marie Talbot, 4 sont couturières (21,22, 23, 24 ans), c’est à dire des ouvrières-couturières. Le registre des mariages de 1844, mentionne également 4 couturières dans les mêmes âges. Rien qui laisse penser à un futur établissement commercial, ni aucun mariage d’une couturière plus âgée avec un parti mieux établi socialement.

En 1838, les Minutes de Jean Arsène Boisnard, notaire à Henrichemont, mentionnent l’inventaire des biens et marchandises de Guillaume Moreau (tissus, bonneterie, vêtements, mercerie) à Henrichemont.

Le recensement de 1856 fait apparaître d’autres professionnels à Henrichemont. Denis Guillaume, tailleur, 57 ans. Jean Bazé, fripier, 50 ans. Jacques Fillon, tailleur, 60 ans. Charles Boisneau, tailleur, 45 ans. Rosalie Julien, couturière, 39 ans. Catherine Tissier, couturière 38 ans.

Le recensement de 1861 fait apparaître 6 tailleurs, 3 couturières et 3 lingères à Henrichemont. Ajoutons des marchands de toiles et cotonnades, au nombre de 6, et un ”marchand à la toilette”, une activité proche de celle des ”marchandes de modes”. On manque de témoignages sur le passage des colporteurs et les marchandises qu’ils proposaient aux femmes. 

Mais les marchés, les fêtes et les cérémonies locales, les mariages, baptèmes, etc, étaient des occasions de montrer les plaisantes toilettes des dames berrichonnes et pour Marie de mémoriser toutes ces belles choses. En tous cas, on devine qu’elle pouvait trouver sur place à Henrichemont, et peut-être à Bourges, les tenues dont elle avait besoin. 

Ainsi, pendant les années où Marie Talbot modelait ses personnages, la production et la vente du vêtement évoluaient et se professionnalisaient, les femmes montraient leurs plus belles toilettes lors des événements familiaux et dans les fêtes locales, fournissant toujours plus de modèles à l’imagination de la célèbre potière-imagière de La Borne.

Cette veine inépuisable allait alimenter son œuvre jusqu’à son décès le 23 août 1874.


> Photos. Détail de "L’Assemblée de Nohant" (1842), peinture de Maurice Sand (collection de l’association Les gas du Berry).     
Hier en Berry, se vêtir, s'habiller beau”  Costumes et foulard exposés en 2011 par Les Thiaulins au château du Plaix. l'Association Costumes en Berry m’a fait remarquer que de précédentes photos de costumes n'étaient pas du Berry. Je les ai donc remplacées par celles de lexposition de 2011 et les prie de m’excuser de cette erreur.

> Lire ”Marie Talbot qui es tu ?” par Geneviève Bailly. Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry mars 1997). 
Amaury Babault, L’habit ne fait pas le moine  Éditions La Rabouilleuse.
Costumes en Berry. https://www.facebook.com/quandlhabitnefaitpaslemoine/photos_by 
Registre des mariages d’Henrichemont, 1833, 1844. 
Recensement à Henrichemont, 1856, 1851. 
Archives Départementales du Cher.

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