La France s’assèche. En 2022, 700 communes avaient manqué d’eau potable. En 2023, deux tiers des nappes phréatiques ne sont pas assez remplies. On dénombre 3,4 millions de piscines dans notre pays. 94% des terres agricoles se contentent de la pluie, mais les 6% irrigués consomment 3 milliards de mètres cubes, dont 1 milliard et demi pour le maïs destiné au bétail.
Et le gouvernement interdit l’été de prélever dans les nappes phréatiques (qui appartiennent à tout le monde), mais autorise l’irrigation avec l’eau des bassines prélevée l’hiver dans les mêmes nappes phréatiques pour arroser les champs ! Au profit des petits malins qui ont trouvé cette super solution anti sécheresse dont je parlais dans gilblog en avril 2023 >>> Lien.
Tout ça pour attirer votre attention sur un détail… Tout à la fin de l’article du Berry du 19 juillet annonçant la démission du conseil régional de Rémy Pointereau, ont lit que le sénateur est l’objet d’une enquête journalistique du média Les Jours. En effet, sous la plume de Thibaut Schepman, on apprend que le sénateur du Cher, qui vient d’être nommé président d'une mission d’information sur “la gestion durable de l’eau” par le Sénat, est associé de deux exploitations qui pompent 650 000 mètres cubes sur 1,5 million autorisés. "Défenseur du stockage de l’eau, je le suis et ne le renie pas", déclare Rémy Pointereau. Il fait même mieux que ça. Je résume librement l’article…
Selon l’enquête de Les Jours, Rémy Pointereau dit qu’il faut recueillir l’eau quand elle est “excédentaire”. Un terme fallacieux pour faire croire que l’eau encombre les écosystèmes en hiver. Parler d’eau en excédent, c’est oublier les autres, notamment ceux qui en boivent…
Interrogé par Les Jours sur les exploitations que Rémy Pointereau a gérées, celui-ci a refusé de répondre, arguant qu’il a désormais cédé ses fermes. C’est inexact car bien que n’étant plus exploitant agricole, il reste associé dans les affaires familiales.
Les Jours écrit avoir épluché de nombreux documents qui montrent que ces exploitations stockent beaucoup d’eau grâce à des retenues privées, mais en pompent aussi énormément en dehors de l’hiver. Une pratique loin d’être indolore : ces fermes sont situées dans des zones où l’eau disponible est inférieure aux besoins de la population et où plusieurs rapports dénoncent les étiages (le plus bas niveau des eaux) violents liés notamment à la forte consommation d’eau pour l’irrigation.
Deux de ces exploitations équipées de retenues d’eau, la SCEA de Sermelles et la SCEA de Bourdoiseau, se sont par exemple vues attribuer l’autorisation de prélever par forage et de façon dite “impactante”, pas moins de 650 000 mètres cubes d’eau entre avril et octobre pour les années 2022 et 2023. Pour mesurer l’ampleur de ces volumes, on peut préciser que la majorité des exploitants du coin se contentent d’autorisations se comptant en dizaines de milliers de mètres cubes, écrit Thibaut Schepman. On doit se souvenir aussi que le débit de l’Arnon, la rivière toute proche, est à un niveau dramatiquement bas aujourd’hui, estimé à moins 71 % par rapport à la moyenne 1990-2020 à la même période de l’année. Ou encore que le plafond de prélèvement jugé raisonnable pour l’ensemble des exploitants agricoles du bassin est estimé à 1,5 million de mètres cubes. Ce chiffre a été fixé par la commission locale de l’eau chargée de l’application du schéma d’aménagement et de gestion des eaux Cher Amont. Rémy Pointereau la connaît bien puisqu’il est membre de son bureau. Un Rémy Pointereau dont deux exploitations familiales sont donc autorisées à s’attribuer bien plus du tiers du plafond mis en place par cette commission…
"Défenseur du stockage de l’eau, je le suis et ne le renie pas", déclare Rémy Pointereau. Et c’est lui qui préside une commission sénatoriale censée œuvrer pour le bien commun….
PS. Les méga bassines étaient interdites en France, mais Nicolas Sarkozy les a autorisées par arrêté présidentiel en mai 2008. Par un hasard extraordinaire, son fils Jean a racheté Megabassine Tech SAS (seule société française à fabriquer des méga bassines), en juin 2008 !
> Lire dans gilblog : Bassines et mégabassines. >>> Lien.
Lire le numéro spécial de Télérama du 22 juillet 2023 : Les défis de l’eau.