Ce que les esprits taquins nomment journalisme de préfecture * a encore frappé. Et, comme certains d’entre vous l’avaient deviné, c’est encore Le Berry Républicain qui en donne un exemple (numéro du 18 juin en page 6 - voir l'illustration). Cette fois c’est à propos de l’eau potable dans le Cher, un sujet qui intéresse (et inquiète) de nombreux berrichons.
La réunion du conseil départemental, qui s’est tenue à Sancoins le 17 juin, a été l'occasion pour la préfète, Catherine Ferrier, de présenter le traditionnel rapport annuel des services de l'État dans le département.
Avant de passer à l’essentiel, notons que ça commence en langue de bois, comme il se doit. Selon Le Berry, “Catherine Ferrier, préfète du Cher, a insisté sur “la forte activité” en terme de sécurité. Tout particulièrement durant la crise des “gilets jaunes”, qui a mobilisé les forces de police et de gendarmerie pour endiguer “des tentatives de blocage de l'activité économique”. Comme la plupart des gens, je croyais naïvement que les gilets jaunes est un mouvement populaire dont les revendications s'élargissent aux domaines sociaux et politiques. Mais non, c’est une “tentative de blocage de l’activité économique”. Bon, si c’est la préfète qui le dit, mais c’est le Berry qui le répète….
Dans ce compte rendu intitulé “Des efforts à faire sur l’eau potable”, qui occupe un tiers de page, le Berry résume la chose avec les quelques mots que la préfète lui consacre. “Catherine Ferrier a estimé, que le pourcentage de la population départementale bénéficiant d’une eau potable issue d’un captage issu d’un périmètre de protection est trop faible. “76 %, ce n'est pas assez suffisant, il nous faut absolument élargir le périmètre d'actions des différents syndicats pour leur permettre de rattraper le retard accumulé de trente ans” !
Que ne l’avait-elle dit plus tôt ! Et qu’a fait la préfecture pendant tout ce temps ? Quelles mesures contre la pollution agricole ?
Ce retard que l’Association de veille environnementale du Cher (AVEC) dénonce depuis quelques années dans des réunions publiques, Le Berry faisait jusqu’à présent mine de l’ignorer. Mais puisque la préfète en parle, Le Berry le répète…
Quelques exemples omis par la préfète et Le Berry. En perdant 44 captages d’eau potable, le tiers de ses moyens d’alimenter la population (!), le Cher qui faisait déjà partie des vingt départements français comptant un très faible nombre de captages d'eau de consommation (moins de 150), est passé de 118 captages à 74 en 17 ans ! (de 1998 à 2015). Selon un document de la Direction Générale de la Santé, la qualité de l'eau est la première cause de fermeture de captages et les pollutions agricoles sont à l'origine du plus grand nombre d’abandons. C’est ainsi que dans le Cher plus de 60 % de la superficie du département sont classés Zone vulnérable aux nitrates d’origine agricole (selon l’Agence régionale de santé). Mais il ne suffit pas d’augmenter le périmètre de protection des captages, car les nappes phréatiques sont touchées par la pollution.
À Bourges, le captage Henri Sellier, le plus pollué (une fois et demie le taux de nitrates autorisé : "sa moyenne était de 77mg par litre”) a été fermé il y a quelques années. Le captage du Porche connaissant une pollution chronique aux nitrates, on mélange l’eau du captage avec de l’eau de la Loire. Désormais les berruyers et les habitants des communes voisines boivent de l’eau “mélangée”. Ça durera tant que la Loire ne sera pas polluée….
Encore une fois, Le Berry répète ce que dit la préfecture et ne va pas chercher plus loin. Dommage qu’il ne pense pas à informer ses lecteurs.
> * Le “journalisme de préfecture” recouvre un ensemble de pratiques des journaux qui consistent à répéter, sans aucun recul ni vérification, le discours “officiel” des institutions. Deux éléments principaux expliquent ce traitement de l’information. Le premier est la dépendance des journalistes vis-à-vis de leurs sources. Le second est une conception conservatrice du journalisme, vu comme élément du maintien de l’ordre social existant…. “surtout pas de vagues”.