Dans le cadre de la Semaine européenne de la mobilité (étrange jargon) organisée par le pays Sancerre Sologne, du 16 au 26 septembre, les associations : La Jacasserie, Non au Pocl-Oui aux Alternatives et le collectif Avenir Ruralité, ont réalisé une exposition et des conférences sur le thème des transports ferroviaires en milieu rural. Paul Hurley, auteur du livre “Le chemin de fer en Sancerrois, Pays fort et Champagne berrichonne” (familièrement dénommé “le tacot”) a fait cette présentation qui est à mon sens un excellent résumé.
Dans un passé pas si lointain, toute la vie se déroulait au village où l'on travaillait, faisait ses emplettes et avait sa famille et ses amis. Avant 1945, seuls les commerçants, les professions libérales, et les gens relativement aisés possédaient des voitures particulières, et ce souvent à des fins professionnelles.
Comme tous les actes courants de la vie se déroulaient sur place, on n'avait pas besoin de voiture, et lorsqu'on voulait sortir de cet univers, on prenait le train. On le prenait pour aller vendre ou acheter sur le marché du chef-lieu du canton une fois par semaine, pour aller aux grandes foires deux fois par an à Sancerre, Henrichemont ou Vailly, ou pour rendre visite à de la famille ou des amis un peu plus loin. Il y a cent ans, la population de nos villages était le double ou le triple de ce qu'elle est aujourd'hui. Il n'est donc pas étonnant qu'en cette fin du 19e siècle, où les routes n'étaient pas bonnes et les voitures à chevaux lentes et inconfortables, le train ait suscité un si vif intérêt, et qu'il fut rapidement décidé que chaque chef-lieu de canton devait être desservi par le rail (Plan Freycinet, 1879).
Aujourd'hui, qu’il s’agisse d’aller au travail (parfois plus de 100 kilomètres journaliers), faire ses courses, rendre visite à sa famille et ses amis, ou pratiquer un loisir, le véhicule automobile individuel est l’incontournable moyen de déplacement en zone rurale. Il en est ainsi parce que les emplois de proximité se font de plus en plus rares, que les petits commerces, artisans auberges et cafés de nos villages ont hélas presque tous disparu, et que l’augmentation du temps libre nous a donné de nouvelles envies.
Le Sancerrois fut frôlé par le rail dès 1861 avec l'ouverture de la ligne Montargis-Nevers puis, en 1893, la Compagnie du Paris-Orléans ouvrit la ligne Cosne-Bourges passant à un bon kilomètre de Sancerre, et enfin ce sera le Chemin de Fer Economique qui s'arrêtera à Sancerre-même en 1908.
Pendant 40 ans le Sancerrois allait vivre au rythme du rail qui irriguera jusqu'aux villages les plus reculés. La "grande ligne" et le tacot connurent des moments fastes dans les années 1910 à 1930 puis, avec la désertification rurale et la montée en puissance de la voiture et du camion, furent peu à peu délaissés et finirent par être éliminés par une prospérité dont ils avaient été parmi les principaux artisans.
Aujourd’hui, pour aller de Cosne au Noyer en voiture (20 kms), il faut moins d’une demi-heure. En 1914, départ à 7h09 par le train de Bourges qui amenait le voyageur à Veaugues à 8h03 ; un quart d’heure plus tard, il embarquait dans le “Tacot” des Chemins de Fer Économiques qui le conduirait en gare de Jars-le Noyer à 9h14. Si tout allait bien...
En 1941, restrictions obligent, le trafic est réduit, et il faut partir de Cosne à 6h14 pour arriver au Noyer à 10h27. En 1906, le train à vapeur met Bourges à 1h40 de moyenne de Cosne, avec 3 Aller-retours par jours 7 jours sur 7.
En 2021, les cars “Rémi” mettent exactement le même temps, avec réservation du voyage obligatoire au départ de Cosne, et pas de service le dimanche.
Paul Hurley.
> Petit commentaire ironique de gilblog. Rémi est l'acronyme de : Réseau de Mobilité Interurbaine, écrit sur les flancs des 2.000 cars et 400 trains quotidiens dans le Centre-Val de Loire. De nos jours, on n’utilise pas les transports publics mais la mobilité interurbaine; ça consomme sans doute moins d’énergie ou de carburant… Mais le service au public en est-il amélioré ? Pas sûr...