Le 20 février 2018, j’abordais dans gilblog un épisode original de la vie mouvementée de Ferdinand Gambon : l’affaire de la vache, un événement qui illustre bien le caractère rebelle de notre homme (peut-être des gênes gaulois des défenseurs d’Avaricum du côté maternel, ou ceux de ses ancêtres italiens les Gamboni du côté paternel ?).
Je vous invite à lire cette page (>>> Lien) pour connaître tous les motifs de la révolte de Gambon refusant d’acquitter l’impôt qui servit à payer les armes de la fusillade de la Ricamarie (des fusils Chassepot). La fusillade de La Ricamarie (faisant quatorze morts et vingt deux blessés) inspira à Victor Hugo deux poèmes, et à Émile Zola, l'épisode de la fusillade de Germinal.
La fusillade et la protestation de Gambon en avaient inspiré plus d’un.… Le satiriste Paul Avenel, auteur d'un volume de "Chansons politiques" écrivit cinq couplets dans lesquels son esprit caustique exaltait l'intégrité de Ferdinand Gambon et celle du personnage héroïque de sa vache. Cette chanson fut chantée à Paris et répandue par les journaux de l’opposition dans la France entière et par “La chanson illustrée” dont la couverture figure dans cette page. Et, plus récemment, les vers ont été chantés plusieurs fois dans le Cher lors des célébrations du 150e anniversaire de la Commune dont Gambon fut un acteur éminent.
La chanson commence ainsi :
Jadis, sous un roi despotique,
Pour désigner un hérétique
On s'écriait : « C'est un Judas
Il est de la vache à Colas ! (bis)
Aujourd'hui, mes amis, pour dire
Qu'un Français n'aime pas l'Empire,
Nous 'avons un nouveau dicton :
Il est de la vache à Gambon ! (bis)
- Voir le texte entier en cliquant sur ce >>> Lien.
Mais une vache peut en cacher une autre, et cette chanson n'obtint pas le succès énorme que remporta, dans le Haut Berry et la région de Cosne, celle composée en février 1870, par Zozime Lardillier, un cultivateur cosnois ami intime de Ferdinand Gambon. "Elle n'est d'ailleurs pas encore complètement oubliée des anciens” ajoutait Alphonse Mellot en 1949, dans un petit ouvrage intitulé “La vie politique du berruyer Ferdinand Gambon”. Hélas, les anciens cités par Alphonse Mellot ne sont plus, mais le texte est là !
Voici La Vache à Gambon de Zozime Lardillier.
Venez, enfants, écouter une histoire
D'une héroïne qui s'acquit un grand nom.
Je vous en prie, gardez-en Ia mémoire,
Son nom sera gravé au Panthéon.
Ne craignez rien, ell' n'est pas espagnole,
Aux Tuileries, elI' n'a jamais, dit-on,
Dansé, chantè, ni fait la cabriole,
Car c'est la vache du Citoyen Gambon ! (bis)
Oh ! qu'elle est belle, que sa démarche est fière
Dans ses grands yeux brille la Liberté
Un' main maudite a brisé sa carrière,
Sa vie était toute à l'Humanité.
De ses mamell's découle en abondance
Un lait exquis, toujours pur, toujours bon.
Accourez tous, Républicains de France,
Venez, venez trair' la vache à Gambon ! (bis)
Lorsqu'un beau jour, ruminant à l'étable,
Elle entendit un bruit sourd et lointain :
L'on chass'potait des mineurs, c'est notable,
À La Ricamarie, puis à Aubin.
"Pour empêcher ces boucheries humaines,
Ne payez plus aucun' contribution
Gardez vos fils, votre argent, vos aubaines”,
Ainsi disait la brav' vache à Gambon ! (bis)
Il faut la voir, dans la vill' de Sancerre,
Comparaissant par-devant ses bourreaux
Un aigle cors' la tenait dans ses serres
Et la traitait d'ennemie des châteaux.
"C'est vrai, dit-ell', je l'déclare en public,
Je suis l' prologu' de la Révolution,
Enfin je meurs pour notre République”
Ainsi veut mourir la vache à Gambon ! (bis)
N'oublions pas ici sa fin tragique
Qui consterna tout un pays entier.
On lui souscrit un' couronne civique
Pour que son nom soit immortalisé.
Elle a subi le mêm' sort que Tropmann,
Sans le secours d'aucun' religion.
Elle repoussa le dieu des soutanes,
Sachons mourir comm' la vache à Gambon ! (bis)
A toi, Gambon, à toi tous nos Hommages.
Nous te voulons pour notre Député.
Le Peuple, ici, t'accorde ses suffrages.
C'est pour défendr' nos Droits, nos Libertés.
Républicain, Démocrat', Socialiste,
Pour nous, enfin, tu as tout sacrifié.
En te voyant, les Intrigants pâlissent,
Ils sont indign's de nous représenter ! (bis)
> Ça se chantait sur l’air de Béranger : À l’Académie (à moins que ce soit “Béranger à l’Académie”- les deux existent). Merci à celle ou celui qui retrouve la bonne partition.
> Paroles de Zozime Lardillier (24 Février 1870).