Albert Nanciau rencontre Michel Pinglaut, sur le marché de Baugy….
- Albert Nanciau : Mon p’tit gars, t’as-ti-vu, que l’Berry du 28 mai i’ fait sa Jeanne d’Arc ?
Michel Pinglaut : Toi, t’as encore une idée derrière le tétiau !
- Albert Nanciau : Ouais. I’ parait qu’une commission de gens très bien, depuis 1996, veut bouter les mots anglais hors de France, comme Jeanne d’Arc, la dormeuse de Mehun. Les mots qu’il ne faut plus dire, qu’y z’appellent ça dans l’Berry Républicain.
Michel Pinglaut : Et ça donne quoi ?
- Albert Nanciau : C’est du sérieux. C’est au J.O. qui disent. Et J.O., c’est pas le jau du clocher, c’est le journal officiel. Y faut parler chrétien, c’est-à-dire, en bon français, mainme si t’es protestant. …Et, au jour d’aujourd’hui, Macron développe le nombre des protestants i
Michel Pinglaut : De quels mots s’agit-il ? Dois-je ajouter de quels maux, car comme disait en son temps la mère Denis, en parlant de l’invasion des mots anglais : ça, c’est ben vrai !
- Albert Nanciau : Commençons par podcast : la causerie de radio que tu peux ré-écouter dire. I’ faut dire ”audio à la demande”.
Michel Pinglaut : un autre ?
- Albert Nanciau : Ben, ceste-lui là, i’m’ fait rigoler. C’est spoiler. Un mot qui f’rait s’tordre les Pieds Nickelés. C’est quanque tu dis la fin du film, avant ande. C’est une poilante façon de gâcher la fin d’un Agatha Christie. Tins, à c’lui qui démarre les "dix p’tits négros", tu i’ dis : c’est l’juge qui tue. R’marque que j’aime bin la trouvaille en français. Ca sent l’bourguignon à Guy Roux, l’footeux d’Auxerre. Il faut dire : ”divulgâcher ”.
Michel Pinglaut : Bin, disdon’. Tu t’y connais en littérature et en sport !
- Albert Nanciau : Mainenant, voyons faquenève !
Michel Pinglaut : Non Albert, il faut dire en anglais fakenews, et tu prononces comme un z à la fin.
- Albert Nanciau : I’ faut dire, i’ faut dire ! Justement, i’ faut pus dire ! I’ faut dire ”infox”. Et si tu r’marques bin, pour une fois, le mot français est plus court que l’angliche. En fait, l’infox, c’est une menterie.
Michel Pinglaut : Ox, c’est malin ! Ox, c’est vache pour les anglais de se faire déposséder. Je te signale que j’ai un copain picard qui m’a confié, que chez lui, ox ça veut dire vous.
- Albert Nanciau : Ah, tu veux fai’ des calembours. Et ben, maintenant, tu pourras di’, que si ça répand, ta fausse nouvelle, ta menterie : l’infox trotte. Et qui faudra la flitoxer !
Michel Pinglaut : Ah, bravo, mais j’sais pas si les jeunes y connaissons le fly-tox de nos grands-mères. Mais ce mot a eu une existence courte : il n’est inscrit comme marque que depuis le 12 octobre 1934. Comme frigidaire, c’est devenu un nom commun.
- Albert Nanciau : Bon , laissons ton pchitt pchitt, et voyons maintenant un autre mot en ox. I’ faut pus dire dé-epfaque, mais ”vidéotox”. Encore un coup de flitox !
Michel Pinglaut : Les gars à la mode parlaient de deepfake, comme une fakenews. I’ disaient dipfèke.
- Albert Nanciau : Et ça continue. La personne qui est en charge d’outils numériques, qu’i’ disent dans l’BR, est : ”responsable des réseaux sociaux ”. Ah, c’est pas un balayeur, un pauvre "technicien de surface”.
Michel Pinglaut : Oui, le social media manager.
- Albert Nanciau : Passons à "time lapse”.
Michel Pinglaut : Pas time, taïme !
Albert Nanciau : Il faut dire ”hyperaccéléré”, pour les prises de vue. Ca devrait être un mot japonais, vue la façon que les japonais visitent la France. A toute blinde. Mais, j’en voyons pas beaucoup des japonais dans nout’ Berry. Notre devise à nous , c’est : J’ ons bin l’temps. Tins, pisqu’ on cause des cars japonais, i’ faut plus dire autotune, mais ”hyperaccéléré”.
Michel Pinglaut : En japonais, vite, vite, se dit hayaku ! hayaku !
- Albert Nanciau : Allez i’reste 3 mots. ”pièges à clics” au lieu de clikbait . Il paraît que c’était pour nous rouler en montrant une photo accrocheuse sur internet. Ah ben, dis don’, y a du boulot ! Y en a des photos accrocheuses ! I’mettont une belle fumelle pour vendre une auto ! R’marque que maintenant, i’mettent pus la photo d’au jour d’aujord’hui d’ la Brigitte Bardot, ça servirait pus que pour vendre des vieux tacots. I’ y a aussi autotune. C’est ”l’ajustement automatique d’intonation” . Ca , c’est pus fort que l’roquefort. I’ corrigeont la fréquence de ta voix. Bintôt, i’vont remplacer ton parler local berrichon en bon français.
Michel Pinglaut : Qu’est que t’as pour finir ? Faut que j’finisse mon marché, faut que j’aille chez Leboeuf, le boucher. - Albert Nanciau : Fastfaçion.
Michel Pinglaut : Non, ch : fastfaschion. Cheune. C’est le renouvellement rapide des collections de mode.
- Albert Nanciau : Encore, la fougale, l’tribou, la galope ! Laissez-nous l’temps d’vivre, à nout’ façon ! Yeu’ ”mode éclair”, tout ça, c’est pour nous vider l’porte-feuille. Allez, tins, j’men vas au bord d’un porte-feuilles ou d’un traine-feuilles, c’est coume ça, que dans ben d’endrets du Berry, on dit pour nos p’tits rios, nos ruissiaux. Mais à la darnière page du Berry, y a aussi un bout de nouvelle, su' les restaurants. On dit que les "deux zignés " sont inspirés pour vous fait-manger sous cloche coume les m'lons.
Michel Pinglaut : Ah, les "disaïneurs " ! Ce mot là est donc autorisé, dans le "Berry Républicain”?
- Albert Nanciau : Oui, i'parlont des "plex et at "construits pour les clients des restos.
Michel Pinglaut : Ce ne serait pas plutôt des "plex'eat", des cloches pour manger chacun dans son coin. Des cloches transparentes pour se restaurer sans crainte des autres. Imagine-toi sous une énorme cloche en plexiglas, suspendue au-dessus de la tête !
- Albert Nanciau : C'est coume les poupées russes. Le froumage est sous cloche. Et pi toué aussi, par dessus. Ça m'fait penser à la comptine : Un petit cochon / pendu au plafond / tirez-lui la queue / il pondra des oeufs / tirez lui pus fort / il pondra de l’or.
Michel Pinglaut : Ils ont choisi le mot "plex'eat" pour éviter de dire "manger sous polymétacrylate de méthyle”.
- Albert Nanciau : Ah ben dis don', j't'savais pas si savant !
Allez, à la revoyure. On débagoulera sur les mots nouviaux du ch'tit Larousse 2021, qui parait...en juin 2020. Drôle de datement. Vive le progrès !