Dans les campagne berrichonnes d’auterfoué, à la Noël (Nau en parler berrichon), la famille paysanne perpétuait la tradition de la cosse de Nau (littéralement : souche de Noël). Rien à voir avec les bûches pâtissières à la crème ou les bûches glacées ! Cette coutume, répandue dans d’autres provinces, pouvait changer par certains détails et porter un autre nom.
Rite venu du fond des âges, on célébrait le solstice d’hiver, du feu et du retour de la lumière, avec une grosse bûche, la plus grosse qu’on pût trouver, issue d’un chêne vierge de tout élagage, abattu à minuit et empreint de vertus magiques. Dans des pays voisins, le sapin était un symbole analogue d’origine païenne.
Mais la tradition païenne fut bien vite repeinte aux couleurs du catholicisme. La date du 25 décembre fut fixée vers l'année 300 par Rome afin de christianiser les rites issus de la culture populaire. Et la cosse dut s’inscrire dans la célébration de Noël, être bénie avec une branche de buis, ce qui lui conférait un caractère sacré. On procédait à l’allumage et à la bénédiction de la grosse bûche (pour la taille voir l’illustration), puis, la famille se rendait à l’église pour la messe de minuit. Le repas frugal du réveillon se prenait après la messe, fait en général de victuailles à base de porc (les grandes tablées avec vins et foie gras ne sont venues qu’après la deuxième guerre mondiale).
Le lendemain matin, les gamins trouvaient près de l’âtre de modestes cadeaux, jouets de paille ou de bois, galettes rustiques en forme de Naulet, déposés (?) par le bounhoumme Nau, ou le petit Naulet (le petit Jésus, l’enfant de Noël - dit le glossaire du parler berrichon de Laisnel de La Salle).
La cosse devait brûler, lentement, durant trois jours, et sans s’éteindre (un mauvais signe), afin d’entretenir la chaleur dans la pièce commune où vivaient les membres de la maisonnée. Autour du manteau des grandes cheminées d’autrefois (parfois même en dessous - voir la photo), la famille tout entière pouvait se réchauffer, parents, enfants, grands parents, on laissait les chiens s’approcher.
La porte restait ouverte aux chemineaux ou aux pauvres gens qui venaient demander un gîte pour la nuit, car Nau était le temps du partage (et non une fête pour manger, comme carnavals ou noces). On leur faisait une place à la table familiale.
A l’ère féodale, le suzerain avait droit à une cosse de Nau, cette coutume était un impôt en nature payé au seigneur par son vassal. A la Noël, on lui apportait du bois, à Pâques, des œufs ou des agneaux, à l’Assomption, du blé, etc.
Les fêtes terminées, on recueillait les braises éteintes de la cosse de Nau et on les conservait d’une année à l’autre. Ces restes étaient placés sous le lit du chef de famille, maître des lieux. À chaque fois que le tonnerre menaçait, on en prenait un morceau qu’on jetait dans le feu pour protéger la maison de la foudre (le feu du temps, dit encore le glossaire du parler berrichon de Laisnel de La Salle).
- Depuis ce temps, Noël est devenu une foire commerciale mondialisée et les grandes cheminées ont été supplantées par d’autres modes de chauffage, tout le confort et la télé. Les cosses peuvent vivre leur vie dans les forêts. On ne déterre plus la coutume que pour en faire quelques mots….
> Illustration : Dessin de Léon Lhermitte dans Le Monde illustré du 1er janvier 1884. Remarquez les dimensions de la bûche. Cliquer pour agrandir.