Gervais Bourdinat, menuisier-charpentier, communard déporté en Nouvelle Calédonie est né à Bourges le 21 septembre 1831 rue du Bon Chevreau, quartier Saint Privé. Il était le fils de François-Decadi Bourdinat, journalier, et de Thérèse Bourdinat, née Devidé, son épouse.
Voisine de la rue des Chèvres, la rue du Chevreau donne aussi dans la Rue Édouard Vaillant, elle restera du Chevreau au fil des siècles. Anciennement rue du Bourg Chevreau (au quinzième siècle), puis du Bouchevreau, elle devient en 1610 rue du Bon Chevreau. On trouve le nom de rue de Bontchevreau dans des actes de 1612 ; sur un plan de 1703, c’est la cour du Bouchevreau ; en 1822 la dénomination devient rue du Bon Chevreau ; le 23 décembre 1846, la municipalité de Bourges la baptise rue du Chevreau, nom qu’elle conservera jusqu’à nos jours.
Gervais Bourdinat épouse Marie Guillemet (née le 15 octobre 1837 à Bourges), à Paris en 1855, avec qui il aura deux enfants, Louis Eugène et Mathilde. Il demeure 25 Grande rue d’Austerlitz (actuellement rue Esquirol), treizième arrondissement. Pendant le premier siège de Paris par l’armée prussienne, il est garde à la 3e compagnie du 42e bataillon de la Garde nationale.
Pendant la Commune, il continue dans la Garde nationale fédérée au grade de sergent major, et le 15 avril 1871, il est affecté à la 13e batterie d’artillerie au fort de Bicêtre, les Hautes-Bruyères et Villejuif, puis combat sur les barricades du quartier de la Gare le 25 mai. Il est est arrêté à Paris le 16 juin. On le dit “partisan exalté de la Commune”.
Le 18 mars 1872, le 9e conseil de guerre de Sèvres le condamne à la déportation simple (matricule 1905) et à la dégradation civique, pour “avoir en mars, avril et mai 1871 à Paris, dans un mouvement insurrectionnel porté des armes apparentes ou cachées; avoir fait usage de ses armes”. D’abord incarcéré le 25 juin sous le numéro 118 à l’Ile d’Aix, il est embarqué sur l’Orne le 14 janvier 1873 (5e convoi) et arrive en Nouvelle-Calédonie le 3 mai après une traversée épuisante de 109 jours. Le navire est obligé de faire escale à Melbourne car trois cents détenus sur cinq cent quarante sont atteints du scorbut, et deux en meurent.. On peut lire tous les détails de la traversée dans le livre de l’architecte Achille Ballière, lui aussi malheureux déporté de l’Orne : “Histoire de la déportation par un des évadés de Nouméa”.
La feuille d’écrou de Bourdinat le décrit ainsi : taille: un mètre 66, cheveux châtain foncé, front découvert, yeux gris, bouche petite, menton rond, visage rond, teint coloré.
Il est autorisé en novembre à résider à Nouméa où il est conducteur de travaux chez l’entrepreneur Bornebroque.
La vente du matériel et l’outillage laissés à Paris, lui permet de créer un atelier de charpente et menuiserie et de créer une clientèle. Il reprend ainsi le cours de sa carrière interrompu par la répression versaillaise. Sa femme et ses deux enfants viennent le rejoindre par le Fénelon. Il devint propriétaire de trois immeubles et “l’un des meilleurs sujets de la déportation”. Il est élu conseiller municipal, bénéficie d’une remise de peine le 4 janvier 1877, puis d’une remise de la résidence obligatoire le 15 janvier 1879. Mais il choisit de rester en Nouvelle-Calédonie et devient membre de l’Union démocratique de propagande anticléricale et membre de la loge maçonnique “l’Avenir calédonien”.
Conseiller municipal de Nouméa après sa remise de peine en 1877, il sera réélu jusqu'à sa mort. Veuf en 1882, il se remarie à Nouméa, le 19 septembre 1883 avec Léonie Lenfant, veuve Varigault, dont il divorce le 20 janvier 1886. Il s’éteint le 7 février 1899 à Nouméa à l'âge de 67 ans. De ses deux fils, l’un est avocat à Nouméa et l’autre est commerçant.
> Gervais Bourdinat a fait don de sa collection complète d’armes kanak au musée de Bourges en plusieurs envois par caisses depuis Nouméa, en 1884. Cette collection d’une centaine de pièces est restée dans les réserves du musée du Berry qui semblait ignorer l’existence de ce don, jusqu’à sa découverte en 2014. L’exposition dont le fil conducteur est l’itinéraire de Gervais Bourdinat, a été présentée au musée du Berry sous le titre Kanak, enquête sur une collection en 2020 et 2021. Le résumé de la Commune de Paris et de la déportation, deux temps forts de la vie de Gervais Bourdinat, en apprend beaucoup aux profanes. C’est un condensé fondé sur le travail des historiens modernes, qui donne le désir d’en savoir plus… L’exposition donne aussi toute sa place à la culture kanak, ce qui en fait une visite instructive et de grande qualité.
> Illustrations, de haut en bas. L’Orne, vaisseau à voile et à vapeur utilisé pour le transport des déportés, dont Bourdinat. Feuille d’écrou de Gervais Bourdinat. Les communards des rues de Bourges, cliquez pour agrandir. Affiche de l’exposition "kanak" au musée du Berry.
> Lire dans gilblog : Parcours des communards de Bourges. 150e anniversaire de la Commune de Paris. >>> Lien.
> Sources.
Histoire des noms des rues de Bourges, par Roland Narboux. Éditions CPE.
Bourges pas à pas, par Georges Richet. Éditions Horvath.
La Commune et les communards du Cher, par Jean-Pierre Gilbert. L’Alandier.