Une étonnante enquête est à l’origine de l’exposition ”Kanak” qui se déroule actuellement au musée du Berry, et du catalogue qui en donne tous les détails. Elle a été entreprise en 2014 par Dominique Deyber, commissaire de l’exposition. Après la trouvaille dans les réserves du musée d’une massue à bec d’oiseau provenant de Nouvelle-Calédonie, Dominique Deyber découvre qu’elle fait partie d’une donation de 1882 regroupant plusieurs dizaines d’objets traditionnels kanaks. Une collection offerte à la ville de Bourges par Gervais Bourdinat, un communard né à Bourges en 1831, condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie par un des conseil de guerre créés par le sinistre Thiers.
Ouvrier charpentier-menuisier établi dans la capitale, Gervais Bourdinat s’engage en 1871 dans la Garde nationale pour défendre la Commune de Paris contre les versaillais. On le dit “partisan exalté de la Commune”. Après l’écrasement de l’insurrection, il est condamné au bagne en Nouvelle-Calédonie comme des milliers d’autres communards. Après une traversée éprouvante de 109 jours encagé sur le même bateau que Louise Michel, il est prisonnier sur l’île aux pins durant cinq mois. Puis il est autorisé à s’installer à Nouméa où il reprend son métier de charpentier, re-crée une petite entreprise et fait venir sa femme et son fils. Comme Louise Michel (anticolonialiste avant l’heure qui s’intéresse à la culture des peuples kanaks), Gervais Bourdinat découvre les kanaks. Comment pourrait-il les ignorer puisqu’il les côtoie et qu’ils se sont illustrés par 25 révoltes de 1843 à 1870. C’est à cette époque qu’il commence sa collection. Une collection rare car bien documentée avec pour certains objets traditionnels le nom des chefs kanaks auxquels ils ont appartenus. Toujours citoyen, toujours intéressé par la chose publique, Bourdinat devient conseiller municipal de Nouméa, participe à la modernisation et aux controverses politiques de la ville et devient un notable local. Mais il n’a pas oublié Bourges et fait don de sa collection à sa ville natale, qui le remercie en le nommant membre correspondant de la commission du musée de Bourges.
Je vous conseille la lecture du catalogue de l’exposition qui retrace la vie oubliée de Gervais Bourdinat et le contexte historique. Cette vie qui, avec ses nombreux détails, témoigne de la ”petite Histoire” est en réalité un voyage dans la ”Grande Histoire”. L’ouvrage est abondamment illustré de documents de l’époque, la plupart rares ou inédits, en couleurs et en noir et blanc.
Les kanaks sont présents en Nouvelle Calédonie depuis 1500 ans avant notre ère. Emmanuel Kasarhérou, président du musée du Quai Branly (musée des Arts et Civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques), et conseiller scientifique de l’exposition de Bourges, a écrit plusieurs pages du catalogue. Elles constituent un complément essentiel de l’enquête de Dominique Deyber en résumant l’histoire et la culture des kanaks et la colonisation brutale de la Nouvelle Calédonie. Elles situent la collection dans le cadre de l'Inventaire du patrimoine kanak dispersé dont l'objectif est de réaliser un inventaire raisonné des œuvres du patrimoine kanak détenues dans les musées. À l'heure actuelle, 17 000 objets qui appartiennent à la culture kanak, ont été recensés dans 110 musées internationaux.
> Illustrations. En haut : le catalogue de l’exposition. En dessous, l’Orne qui transporta Bourdinat en Nouvelle Calédonie. En bas, un communard déporté, illustration du journal de l’Ile des pins réalisé par les prisonniers - 1879.
> "Kanak, enquête sur une collection”. Catalogue de l’exposition édité par les musées de Bourges. 50 pages, format 21X27 centimètres. Prix 11 euros.
> "Kanak, enquête sur une collection" - jusqu’au 11 janvier 2021 - Musée du Berry, 4 rue des Arènes 18000 Bourges - Tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h, le dimanche de 14h à 18h. Fermé le mardi - Tarif 4 euros.
> Lire dans gilblog : Le don singulier du communard berruyer Gervais Bourdinat à sa ville natale. >>> Lien.
> La notice biographique de Gervais Bourdinat et celle de son frère Jean, figurent dans le livre ”La Commune et les communards du Cher”, en vente à La Poterne, Cultura, l’Antidote, etc…
> L’association des Amis berrichons de la Commune, qui a apporté son concours à la préparation de cette exposition, bien que non citée, est remerciée par le nom de ses contributeurs. Un geste que les Amis de la Commune ont apprécié.