Dans une page précédente de gilblog, j’annonçais une série sur Saint-Martin, les forêtains et les poumes, par le grand paysagiste berrichon Édouard André. Ce texte (très documenté) de 1863, que m’a communiqué Jean-Claude Bourdin, est extrait d’une communications à la Société du Berry et n’a pas pris une ride.
Édouard André introduit sa contribution avec ces mots : Pour commencer, nous rapporterons la tradition qui se rattache à la fondation de la colonie, dont les habitants actuels sont les descendants.
Vers la fin du règne de Charles VI, le connétable Jean Stuart appelait en France une colonie d'Écossais, que Charles VII, après la mort de son père, aurait établis près de Saint-Martin-d'Auxigny. Cédant aux sollicitations du connétable et des colons, il leur aurait abandonné une notable partie de la forêt de Haute-Brune, voisine de Saint-Martin, pour la défricher et s'y construire des habitations. L'activité, l'intelligence et l'industrie commerciale de la nouvelle colonie frappèrent, dit-on, le roi Charles VII, qui lui accorda de grands privilèges : l'exemption de tous droits d'entrée pour ses denrées dans la ville de Bourges, des droits d'usages de différentes natures dans la forêt royale de Haute-Brune, et certains privilèges de juridiction alors fort appréciés. Cependant ces diverses faveurs semblent se rattacher à d'anciennes concessions précédemment faites aux habitants voisins de la forêt, et confirmées par le duc Jean, le roi Louis XI et François 1er. Ces confirmations successives, dont notre honorable vice-président, M. de Raynal, a eu l'obligeance de me communiquer le texte, ne mentionnent pas, toutefois, qu'elles aient été accordées spécialement aux Écossais qui avaient servi dans la garde du roi Charles VII.
Le roi habitait fréquemment son château de la Salle-le-Roy, situé au centre du canton des Écossais ; il suivait avec sollicitude le développement rapide de leur colonisation, et comme sa bienveillance allait croissant toujours, il institua, pour leur rendre la justice, un tribunal royal, présidé par un juge appelé le capitaine de la Salle-le-Roy. Ce juge tenait audience, l'épée au côté, dans le château même. Ce château, qui était voisin de la chapelle de la forêt, desservie par des clercs auxquels le roi Louis VII avait accordé une rente de cent livres et une redevance de blé sur ses moulins de Bourges, avait été souvent fréquenté par les rois de France, comme rendez-vous de chasse. Un grand nombre de lettres royaux sont datées du château de la Salle-le-Roy, et dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale, on retrouve une sorte de devis des réparations que le roi Louis XI y avait ordonnées.
On peut recueillie, dans l'histoire du Berry de M. de Raynal de précieux détails sur le château de la Salle-le-Roy, des temps les plus anciens ou l'on trouve son nom dans les annales de la province, jusqu'à l'horrible époque des guerres de religion. Il fut abandonné, puis démantelé vers 1589, par M. de la Châtre, à la sollicitation des habitants de Bourges, qui ne voyaient pas sans inquiétude une pareille forteresse entre les mains de la nouvelle tribu fondée par le connétable Stuart.
Au temps de sa splendeur, le château ne fit pas obstacle à l'accroissement de la nouvelle colonie ; la présence du roi importait peu à ses habitants, alors que leurs privilèges, dûment constatés et garantis par le sceau royal, leur laissaient des libertés importantes.
Autour du château voisin de Saint-Martin-d'Auxigny, se groupèrent rapidement les habitations des hardis défricheurs de la forêt de Haute-Brune. Grâce à tant d'éléments de prospérité, ils furent bientôt obligés d'envoyer des colonies nouvelles dans les environs des terrains concédés si généreusement par Charles VII. L'esprit envahissant des nouveaux venus, qui avaient déjà pris amplement droit de cité, les poussa sur d'autres points du voisinage ; ils devinrent nombreux et riches, et acquirent une grande partie de ce canton sur plusieurs lieues de circonférence.
La forêt de Haute-Brune s'était vue rudement traitée par les nouveaux colons ; bientôt il ne restait plus d'elle que le nom de forêt tout court, auquel on ajouta plus tard celui de son village central : Saint-Martin-d'Auxigny.
L'étymologie d'Auxigny paraît même se rattacher à ce fait de défrichement ou d'incendie de la forêt primitive ; on le fait dériver d'axis (planche, par extension bois), et d'ignis, feu, c'est-à-dire bois brûlé.
Vers 1600-1650, le village de Saint-Martin-d'Auxigny présentait un certain intérêt historique, dont j'ai retrouvé les traces dans d'anciens papiers conservés par les notaires du pays. Parmi de vieux actes qui datent de 1665, M. Thomas étant notaire du village de la Forêt-le-Roy (on nommait encore ainsi Saint-Martin-d'Auxigny) et M. Jourdain y exerçant le ministère religieux, on trouve que les notables s'assemblaient le dimanche à la sortie de l'église, sous la présidence du curé, et qu'on y agitait les intérêts du pays en présence du notaire, qui en dressait des procès-verbaux dont on retrouve des échantillons.
> Voilà, c’est tout pour cette deuxième page sur les forêtains de la forêt Saint-Martin …et des poumes ! Patience, bientôt la suite…
> Dans gilblog la première page de la série. Saint-Martin, Édouard André et les poumes. >>> Lien.
Et dans gilblog du 24 avril 2023 : Les écossais et les pommes de Saint-Martin-d’Auxigny de la légende à l’Histoire, d’après Jean Claude Bourdin. >>> Lien.