J’ai trouvé dans l’actualité une déclaration plus importante à mes yeux que le discours d’Emmanuel Macron sur son entrée en campagne présidentielle. C’est celle de Dominique Dhumeaux, maire de la Fercé-sur-Sarthe (600 habitants), et vice-président de l’Association des maires ruraux (AMRF). Et là, c’est du concret. Et du lourd. ”Aujourd’hui le nombre de territoires, de communes, de départements touchés par la désertification médicale ne fait qu’exploser. On est face à une catastrophe sanitaire qui va nous exploser en plein visage”. Et les maires ruraux alertent sur “l’urgence absolue” de répondre au défi des déserts médicaux et à apporter des solutions.
Car cela va empirer annonce Dominique Dhumeaux. En effet, la pyramide des âges des médecins l’annonce clairement : selon les données du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), l’âge moyen des praticiens est de 57,2 ans. Et ils sont 50,4% de l’ensemble des inscrits au tableau de l’Ordre à avoir plus de 60 ans. L’arrivée des jeunes diplômés ne suffira pas à combler le déficit lié aux départs en retraite: "Quand quatre médecins généralistes, qui faisaient au moins soixante heures par semaine, partent en retraite, ils sont remplacés par deux médecins qui ne feront “que” quarante heures. Forcément, le compte n’y est pas", conclut -il.
Au 1er janvier 2021, on compte 318 médecins pour 100.000 habitants, mais avec une répartition inégale suivant les départements. Cette désertification a des conséquences en termes d'espérance de vie entre les territoires urbains et les territoires ruraux. En 2019, un homme en milieu hyper-rural vit en moyenne 2,2 ans de moins qu'un hyper-urbain. Alors que l'écart était de 3 mois en 1990. Le manque de généralistes a également des effets néfastes sur les politiques de prévention et de dépistage. "C’est peut-être des gens à qui on découvre des pathologies trop tard, des services d’urgence par effet ricochet se trouve désorganisés, ne fonctionnent plus, des gens qui font un arrêt cardiaque sans chance de survie", avertit Dominique Dhumeaux.
Et il ajoute que le manque de médecins "n’est plus réservé au monde rural. Ça l’était il y a dix ans, mais plus maintenant." "Dans quelques années, il n’y aura qu’une poignée de territoire qui s’en sortiront, comme dans le sud de la France, ou quelques arrondissements parisiens un peu plus huppés", prévient-il.
Il faut savoir que depuis 1972, le “numérus clausus” fixe par arrêté ministériel le nombre limite d'étudiants pouvant accéder à la deuxième année des études de santé. Vous avez bien lu : depuis 50 ans le manque de médecins est décidé, programmé et re-programmé par les politiciens qui prétendent gouverner la France. Autant d’obstination dans la bêtise laisse sans voix. Il aura fallu 50 ans pour qu’enfin cette disposition soit remplacée par un “numerus apertus” qui fixera des objectifs, définis par chaque chaque université en lien avec les agences régionales de santé (ARS). Avant de vous réjouir de ce remords tardif, sachez que cette annonce du gouvernement a été comprise comme "c’est la fin de la sélection", conteste Nicolas Lunel,
président de l’Association nationale des étudiants en médecine (ANEMF). "Ce qui est faux. On n’est pas en capacité de former des dizaines de milliers de médecins !". ….Ce serait donc une annonce de plus, comme celle des recrutements d’infirmières annoncés l’an dernier au plus fort de l’épidémie (“quoi qu’il en coûte”…).
Et le 29 octobre dernier, les sénateurs mettaient le gouvernement au pied du mur, en demandant pourquoi plus de 5.700 lits d'hospitalisation complète ont été fermés en 2020 dans les établissements de santé (malgré l’annonce de 15 000 recrutements !).
Tendance malheureusement confirmée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees - rattachée au ministère de la Santé), citée par Le Quotidien du médecin pour qui, "la baisse de 69.000 lits d’hospitalisation complète entre 2003 et 2017 est établie”.
On ne chipotera pas sur le détail des catégories de personnels et de lits fermés, ni sur les inégalités entre les départements, ce qui nous éloignerait de l’essentiel : les décisions politiques de Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron et compagnie qui ont transformé la France en désert sanitaire. C’est ainsi que l’Hôpital public est passé de 392 644 lits en 1981 à 256 051 lits en 2011. Avec l’épidémie du coronavirus, on ne peut que constater que l’énergie dépensée par les gouvernements Macron a voulu éviter que l’engorgement des hôpitaux mette cette évidence en pleine lumière...
Et dans notre région ? Le Conseil régional fait ce qu’il peut en augmentant le montant de ses financements. 105 maisons de santé pluridisciplinaires (reste à trouver le personnel soignant), augmentation du nombre d’infirmières formées (plus de 1400 cette année), recrutement de 300 médecins. Demande au gouvernement pour la création d’une faculté dentaire à Orléans...
Pour ce qui concerne le Cher, la carte figurant dans cette page illustre la situation catastrophique de notre département qui fait désormais partie des déserts médicaux français. Le tableau idyllique de Berry Province est à refaire...
Allez, pour occuper les six mois d’attente avant un rendez-vous chez un médecin spécialiste, il nous reste les tisanes.
> Cliquez sur la carte des déserts médicaux pour l’agrandir.
> Sources.
Le courrier des maires. Désormais la crise de l’accès aux soins touche quasiment tous les territoires ! >>> Lien.
France Bleu. Déserts médicaux : "Une bombe à retardement”. >>> Lien.
Le Berry républicain du 11 novembre Page 6 : Conseil régional, la santé est la plus urgente des priorités.
Le manque de médecins dans les campagnes françaises: Mike Beuve dans Sputnik. >>> Lien.