En 2014, à la salle des fêtes de Menetou Salon, l'association Le Caroi présentait au public ce canular (un genre que gilblog affectionne) par la voix de Michel Pinglaut. Cette uchronie (récit d'évènements fictifs à partir de faits historiques) était centrée sur la vie d’Anatole Patouchard ; en voici le récit….
- La mise au jour d'une plaque en marbre gravée au nom d’Anatole Patouchard (retrouvée lors de travaux de rénovation Cheu l'Zib) relance les questions à propos de ce personnage remarquable, et remarqué. Plusieurs fois distingué, cet homme a laissé son empreinte, à sa façon, dans l'histoire du pays, et dans le monde des jeux de société. Pour sa part, la sphère des livres lui connaît un ouvrage et deux qui lui sont consacrés. Anatole Patouchard (Touchard le surnommait-on), a passé une quinzaine d'années à Menetou-Salon où il marqua la ville, par son inventivité, par son enthousiasme. Un enthousiasme qui étouffe disaient ses détracteurs. Nous y reviendrons peut-être.
Anatole Patouchar naît le 5 janvier 1848. Période où la Monarchie de Juillet agonise. Si bien, que la IIe République est proclamée le 24. Quatre ans plus tard le Second Empire lui tord le cou. Le 2 décembre 1852 Napoléon III devient empereur. En 1870, passons les ”détails” de l'histoire de France, autre changement de régime. Là, à 22 ans Anatole Patouchard participe à l'action, il s'implique. C'est l'heure de la Commune.
Sa prime jeunesse, il l'a passe avec ses parents. Il apprend le métier familial, l'édition de jeux de cartes. Sa mère décède en automne 1864, il a 16 ans. Touchard est fils d'artisans, de cet artisanat qui apprécie les loisirs, qui les favorise... En ces temps tourmentés, ce n'est pas une si mauvaise solution, que de jouer.
Les passions qui orientent sa vie sont le jeu de société et la politique. A 20 ans son orientation à gauche est claire, il prend l'entreprise familiale en main car son père souffre de rhumatismes déformants qui lui interdisent de continuer le métier. Le sens pratique d'Anatole et son esprit d'à propos se remarquent déjà. Il modernise l'atelier, ce qui en améliore la rentabilité, et en multiplie les productions. Il invente des broutilles qui lui laissent le temps de réfléchir à des nouveautés. Au bout de deux mois il est opérationnel pour produire affiches et placards d'informations, en plus de son métier de cartier. Très vite, ses relations dans le monde politique l'amènent à imprimer la feuille de chou d'un groupuscule, qui a pour titre “Y en a marre !”. En quelques semaines on y lit des articles signés A. Patouchard. En mai 1868 la fabrique est menacée de fermeture, en raison d'un jeu de Tarots sur lequel sont imprimées les caricatures des politiques de l'époque et des notables qui les approuvent. Grâce à son habileté de fin négociateur il évite la sanction, mais il doit retirer de la vente le jeu à connotations satiriques. Dans les années 70 Touchard passe à la vitesse supérieure, avec un journal de quatre pages “La voix des rues”, qu'il compose. Il rencontre à cette occasion le poète Jehan Rictus, le photographe Nadar et tant d'autres, Bakounine par exemple. A cette période se perd la bataille de Sedan, le 2 septembre 1870. Anatole Patouchard est fin prêt pour la révolte, elle a pour nom la Commune de Paris. C'est une opportunité pour cet homme de propager son idée force, favoriser les loisirs dans les masses laborieuses. Dans un article pamphlétaire il développe le sujet (Le peuple joueur). Il est remarqué par les dirigeants du mouvement. On le sollicite pour qu'il se présente au Conseil de la Commune de Paris. Son élection, en tant qu'indépendant, l'amène à pourvoir un poste que lui seul est digne de tenir : Conseiller aux loisirs populaires. Une de ses premières actions, à ce poste, consiste à doter les lieux de réunion de jeux de société. Afin que l'on ne l'accuse pas d'enrichissement personnel par l'application de cette décision il offre, à chaque bureau, un jeu de dames dont les pions, en carton pressé, sont imprimés. Par ce biais Touchard vérifie l'efficacité de ce procédé original pour l'époque. Peu après la fabrique Patouchard produira des jeux d'échec bon marché grâce à la technique du carton imprimé.
Lors d'une attaque menée par les Versaillais, l'atelier familial est abîmé par un tir d'artillerie, Anatole est blessé dans l'incendie qui s'ensuit. Évacué par des voisins il voit sombrer la Commune depuis une cave transformée en hôpital. Douze jours plus tard il est fait prisonnier. Pendant cette détention il organise un tournoi d'échec sur l'ensemble de la prison. Anatole Patouchard et Louise Michel sont finalistes. Ne pouvant directement communiquer, les joueurs utilisent l'intermédiaire de leurs codétenus. Ceux-ci transportent, sur des morceaux de papier, deux coordonnés, celle de la case de départ, et celle où la pièce arrive. La déportation en Nouvelle-Calédonie de l'égérie de la Commune de Paris ne leur permit pas de se départager.
Quand l’amnistie est prononcée, Anatole juge opportun d'opter pour une discrétion relative. C'est la raison pour laquelle, en 1880, la ville de Menetou-Salon le voit s'installer en ses murs. Une vie berrichonne commence. Sans tarder il fréquente une jeune femme, Justine Branvier, qui travaille dans une tuilerie.
Le II août 1881 il l'épouse, et ouvre un café-crapette dans la rue principale. Dans ce café il renoue avec la politique, sans oublier le jeu de société. Il publie une revue où l'on retrouve ses aspirations à défendre la notion de loisir pour tous. Il reprend cette idée de privilégier un lieu, un espace qui permet de rencontrer des adversaires, de stocker les différents accessoires utiles aux jeux proposés. Il invente la “jeux-thèque" que les historiens voient comme l'ancêtre de nos ludothèques. Il offre à la toute récente école communale de Menetou-salon un ensemble de jeux conséquent qui est détruit à la suite d'un dégât des eaux en 1927. Une bête rupture de canalisation dans l'école des filles condamne à mort la première ludothèque de France.
Son mariage avec Justine dure à peine 18 mois. Elle meurt en couches le 15 janvier 1883, elle laisse Anatole avec un garçon, Anlseme. Ses autres fils il les a au cours d'un deuxième mariage. Le 25 mai 1885, a 37 ans Touchard épouse Albertine Auchère, une Monestrosalonienne de 32 ans qui a un enfant de 6 ans, Jules. Elle met au monde des jumeaux, Alain et Alex, en septembre 86, le 25.
Aux alentours de 1890, Anatole cherche à retrouver la capitale. Il rencontre des difficultés administratives pour récupérer son local. À Paris, Grimaud, le grand concurrent assassine le métier de cartier. Touchard se replie sur sa deuxième passion. Il tente une vie politique, la députation, des mandats locaux. Des différends politiques assombrissent ses relations avec le comte d’Arenberg. Pendant cinq ans de nombreux voyages sur Paris lui permettent de rédiger, en partie, un mémoire qui sera sont unique ouvrage.
Au printemps 1895, Anatole à 47 ans, la famille quitte le Berry pour s'installer à Paris. Les autorités ont oublié leurs griefs. Lui par contre se souviendra toujours de sa ville d'accueil, où il reviendra à de nombreuses reprises. Il vante le Menetou-salon dès qu'il le peut. Lors de ses sorties diverses Touchard ne manque pas de rapporter les nouveaux jeux qu'il découvre. Et il les expédie à la jeux-thèque qu'il a fondé dans la commune.
Au cours de l'hiver 1914, une complication pulmonaire emporte Anatole Patouchard, il a 66 ans (Son fils, Anselme Patouchard s'illustrera dans la Grande Guerre en tant que pilote de chasse). Ses écrits, qui se composent notamment d'une correspondance touffue, à la commune de Menetou-salon où son corps repose. La famille et les admirateurs de cet homme original en 1920 feront sceller une plaque à sa mémoire, celle retrouvée il y a peu de temps et qui nous incita à creuser, au propre comme au figuré. Le mouvement initié par Anatole a trouvé quelques adeptes, la société des loisirs s'inspire des pistes de Touchard, sans toujours le rappeler.
> Illustrations de haut en bas. Portrait d'Anatole Patouchard par Nadar. Jeu de tarots édité par la société nouvelle Patouchard en 2020 d’après un jeu du 19° siècle. Menetou-salon, la rue Font Bertranger et la maison d’Anatole Patouchard à droite.
> Merci à Gégé (de La Borne) participant à cette uchronie, qui m’a communiqué ce document.