Quelle meilleure conclusion pour cette série Les Communards et les rues de Bourges, que de consacrer une page à Arthur Rimbaud, poète génial, étonnant personnage à la vie aventureuse parfois émaillée de mystère… et ardent partisan de la Commune.
La rue Arthur Rimbaud est située dans les quartiers nord de Bourges. Elle a été dénommée par le conseil municipal en 1969 durant le développement de ce nouveau quartier. Elle va de la rue de Turly au carrefour de la rue Anton Tchékhov et de la rue Jules Hardouin Mansard. Elle est complétée par l’impasse Arthur Rimbaud (dénommée en 1972). La rue qui porte le nom de son ami Paul Verlaine est à quelques centaines de mètres (de la rue de Turly au centre commercial Cap Nord).
Arthur Rimbaud a écrit très jeune et sur une courte période de nombreux poèmes. À la fois poète moderne et romantique, précurseur revendiqué par les surréalistes, il reste inclassable. Il est né à Charleville-Mézières (Ardennes) d'un père militaire et d'une mère, fille de propriétaires ruraux. Au collège municipal de Charleville, cet élève brillant et précoce s'intéresse à la poésie et rêve d'être publié. Dès l'âge de quatorze ans, il écrit ses premiers poèmes dont Étrennes des orphelins, publié le 2 janvier 1870 dans La Revue pour tousEn 1869, il remporte le premier prix du Concours académique.
En 1871, en pleine guerre avec la Prusse, Arthur Rimbaud fugue pour aller à Paris rencontrer des poètes. On dit qu’il serait rentré ensuite à pied à Charleville, situé à 240 kilomètres de la capitale. Pendant la Commune de Paris, il prend parti pour les insurgés. La participation de Rimbaud à la Commune reste un mystère, a-t-il pris part au soulèvement ? Des biographes ont écrit qu’il se trouvait à Paris après le 18 mars 1871 et se serait enrôlé parmi les Francs-Tireurs ou les Vengeurs de Flourens. D’autres affirment le contraire. Les uns et les autres s’appuient sur des lettres, des témoignages, des rapports de police, qui illustrent l’une ou l’autre version. Sa participation dans la Commune reste pour le moment à établir.
Par contre, il est certain que Rimbaud était à Paris durant l’hiver de 1871 peu avant la Commune et également en septembre 1871 pour rencontrer Verlaine. Si Rimbaud n’a pas pris les armes sur une barricade (rappelons qu’il n’avait alors que 16 ans), on sait qu’il fut communard par conviction idéologique et par solidarité. Dans ses poèmes révolutionnaires, il exalte le triomphe, la grandeur et la défaite tragique de la Commune. En effet, Rimbaud accueille la Commune de Paris avec enthousiasme, elle incarne ses espérances et ses aspirations. Il espère que la Commune annonce une société nouvelle, avec une République sociale.
Il écrit un Projet de constitution, qu’il lit à son ami Delahaye, en août 1871. Le manuscrit de ce projet, aujourd’hui introuvable, ne pourrait qu’être inspiré par la Commune. Dans le livre de Delahaye, l’auteur estime que le projet de Rimbaud “était une œuvre considérable tant par sa forme que par son esprit”.
Il fait la connaissance de Paul Verlaine à l’automne 1871 et devient son compagnon début 1872. Il mène avec lui une vie d'errance en France, en Angleterre et en Belgique. Après une querelle, Paul Verlaine blesse légèrement Arthur Rimbaud à la main d'un coup de révolver, ce qui lui vaudra deux ans de prison, malgré le retrait de la plainte de ce dernier, mais surtout à cause de son homosexualité.
En 1873, de retour dans la ferme familiale, Arthur Rimbaud publie son unique ouvrage de son vivant, "Une saison en enfer", recueil de poèmes en prose. Il met un terme à sa carrière de poète, au profit de la lecture et de l'apprentissage des langues.
De 1874 à 1878, il voyage en Europe et occupe divers petits emplois. En 1879, il contracte la fièvre typhoïde et doit rentrer en France. En 1880, il part en Afrique où il passe les dernières années de sa vie dans le commerce des peaux et du café au Yémen et en Éthiopie (à Aden et à Harar) et dans le négoce en Abyssinie. De 1885 à 1888, il fait du trafic d'armes.
Souffrant d'une forte douleur au genou, il est contraint à rentrer en France, à Marseille où on lui découvre une tumeur. Il est amputé de la jambe droite et meurt quelques mois plus tard à l'âge de trente-sept ans.
> Son poème : Chant de guerre parisien, un pamphlet contre les versaillais composé à la gloire des fédérés et des communards, exalte le combat pour la République et l’émancipation (extrait) :
Le printemps est évident, car
Du cœur des Propriétés vertes
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes !
O Mal, quels délirants culs-nus !
Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
Écoutez donc les bienvenus
Semer les choses printanières !
……
La Grand’ville a le pavé chaud,
Malgré vos douches de pétrole ;
Et, décidément, il nous faut Vous secouer dans votre rôle…
Et les ruraux qui se prélassent
Dans de longs accroupissements,
Entendront les rameaux qui cassent
Parmi les rouges froissements.
> Les mains de Jeanne-Marie illustre bien son empathie pour les insurgés parisiens. Ce poème glorifie la jeune fille qui se jette dans le combat pour la défense de la Commune (extrait) :
Une tache de populace
Les brunit comme un sein d'hier ;
Le dos de ces Mains est la place
Qu'en baisa tout révolté fier !
Elles ont pâli, merveilleuses,
Au grand soleil d’amour chargé,
Sur le bronze des mitrailleuses,
A travers Paris insurgé !
> Lire dans gilblog : Parcours des communards de Bourges. 150e anniversaire de la Commune de Paris. >>> Lien.
> Sources. Brève biographie de Rimbaud dans La Toupie. >>> Lien.
Rimbaud, poète illuminé de la Commune de Paris.>>> Lien.
Rimbaud à l’heure de la Commune de Paris, par Frédéric Thomas (Libération). >>> Lien.
Histoire des noms des rues de Bourges, par Roland Narboux. Éditions CPE.
Bourges pas à pas, par Georges Richet. Éditions Horvath.
La Commune et les communards du Cher, par Jean-Pierre Gilbert. L’Alandier.