La guerre du camembert va-t-elle s’achever ? Il semble que oui, car la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vient enfin de trancher. Ce sera le ”camembert de Normandie” ou rien. Depuis des années, la bataille du camembert s’éternise, et l’appellation d’origine protégée (AOP) est en conflit avec une mention trompeuse affichant sur les boîtes : ”camembert fabriqué en Normandie”. Ce fromage industriel emploie du lait pasteurisé provenant trop souvent d’autres régions que la Normandie (voire d’autres pays que la France) et d’autres vaches que normandes, et ne respecte pas le cahier des charges du vrai camembert. Une affaire emblématique de la lutte du pot de terre contre le pot de fer de la malbouffe, du produit authentique contre les fromages de puissants tricheurs, et du droit des consommateurs.
Pour la DGCCRF, désormais seule l’AOP fait foi, et la mention ”camembert de Normandie” est la seule. Elle a donc demandé aux fabricants de camemberts usant de la mention ”fabriqué en Normandie” de cesser de l’apposer sur leurs boîtes de fromage à partir du 1er janvier 2021. Une décision qui fait grincer des dents les industriels, qui ont décidé de déposer un nouveau recours.
Mais les partisans de l’AOP ”camembert de Normandie” ont un argument de poids. Cette appellation est protégée au niveau européen par la loi. Cette loi repose sur plusieurs textes, notamment l'article 13 du règlement (UE) n°151/2012 du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, lui-même appuyé par le règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011, concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Ces dispositions ont été validées par le Conseil des ministres de l'Union européenne et par le Parlement européen.
Trop longtemps tolérée, la formule ”fabriqué en Normandie” contrevient en effet aux principes de l'appellation d'origine protégée et trompe le client en indiquant le lieu de fabrication du produit sans jamais garantir la provenance des éléments qui le composent. Le terme de ”protégée” prend ici tout son sens et implique que le terme ”Normandie”, en tant qu'origine territoriale définie dans un cahier des charges officiel, est réservé au seul camembert au lait cru provenant de vaches élevées sur l'aire d'appellation normande.
”Que l'usine où est fabriqué le fromage soit installée dans le Calvados, l'Orne ou la Manche ne prouve en rien que le lait servant à son élaboration provient de ces territoires là. Et c'est là que le bât blesse, puisque, en faisant figurer sur l'étiquette d'un camembert au lait pasteurisé de provenance indéfinie le label ”fabriqué en Normandie”, les industriels veulent faire croire que ce camembert est normand, ce qui est un mensonge”, s’insurge Périco Légasse dans Marianne et l’Étoile de Normandie.
L’avis publié au Journal officiel est sans ambiguïté : il enjoint aux fabricants de fromage industriel de jeter ces étiquettes à la poubelle. La date limite de tolérance est fixée au 31 décembre 2020. Passé cette date limite, ”les autorités en charge du contrôle et de la protection de ces dénominations, DGCCRF et Inao, actionneront toutes les voies de droit nécessaires à la pleine protection de la dénomination protégée Camembert de Normandie”.
On verra en janvier 2021 si les tricheurs réussissent à tourner la loi par de nouvelles arguties, ou si leur puissant lobby trouve un nouveau moyen de pression sur l’État.
Si les artisans du vrai camembert obtiennent gain de cause et si force revient à la loi, gilblog perdra définitivement un bon sujet répétitif. Mais nous pourrons enfin tous nous régaler de véritable camembert ! Ça mérite bien un petit sacrifice !
> Photos, de haut en bas. Une étiquette conforme aux règles de l’AOP. Deux étiquettes mensongères. Le cahier des charges du vrai camembert (cliquez pour agrandir l’image).