Le Docteur Helen Caldicott est un médecin pédiatre australien, elle est connue comme militante anti nucléaire, et fondatrice de l’Association Internationale des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire (IPPNW). Cette association a été lauréat du prix Nobel de la paix en 1985.
Lors d’une conférence à Tokyo le 19 novembre 2012, Helen Caldicott a déclaré que les femmes enceintes et enfants devraient être évacués dès que possible des zones contaminées par la radioactivité de Fukushima, qu'elle qualifie de pire accident de l’histoire de l’humanité. Elle a annoncé que les 40% de cas d’anomalies thyroïdiennes décelées chez les enfants contrôlés de mars à août 2012 sont une chose extrêmement rare en pédiatrie, et que vu la rapidité de leur apparition, il est probable que ces enfants ont été soumis à des doses de radiations plus fortes qu’à Tchernobyl.
Elle a qualifié d'irresponsable le comportement du gouvernement Japonais qui a préféré protéger Tepco plutôt que la population, ce qualificatif vaut pour les médias qui n'ont pas bien informé les citoyens de ce qui se passe exactement dans le pays. Par exemple, le devenir des travailleurs qui ont lutté pour garder le contrôle des réacteurs au péril de leur vie, ne semble pas un sujet digne d'intérêt.
Helen Caldicott a rappelé le danger extrême de la piscine du réacteur numéro quatre qui menace de s'effondrer. Ce scénario catastrophe rendrait nécessaire l’évacuation de Tokyo à cause de la diffusion radioactive. Ce que confirme Robert Alvarez (ancien responsable du département de l’énergie sous Bill Clinton) : "si un tremblement de terre ou tout autre évènement venait à affecter cette piscine, il pourrait en résulter un incendie radiologique catastrophique, avec près de dix fois la quantité de césium 137 qui s’est propagée à la suite de l’accident de Tchernobyl".
Interviewée quelques jours plus tôt sur "Democracy now", Helen Caldicott a déclaré que, selon elle, la moitié environ du territoire Japonais est contaminée suite à la catastrophe nucléaire de la centrale de Fukushima-Daiichi.
> Avec la contamination radioactive la période d'incubation est longue et peut atteindre quelques dizaines d’années avant que les effets soient visibles. Mais ils peuvent aussi être très rapides : on se souvient du cas d'un animateur de télévision japonais, Otsuka Norikazu, qui avait en direct mangé des produits agricoles contaminés par la centrale nucléaire pour encourager ses compatriotes à suivre son exemple. Quelques temps plus tard, il était atteint d'une leucémie lymphoblastique aiguë. Cruelle punition, la désinformation tue !
> Un rapport d’enquête, commandé par le parlement du Japon a été publié l'été dernier. Il est maintenant traduit en français, grâce à l'association "le blog de Fukushima".
Le rapport de la Commission d'enquête indépendante sur la catastrophe nucléaire de Fukushima, révèle entre autres choses, que :
La catastrophe nucléaire de Fukushima est d’origine humaine, alors que Tepco et toutes les autorités l’attribuaient au tsunami pour désinformer. La résistance des réacteurs au séisme était insuffisante. Il n’existait pas de réponse adaptée aux tsunamis. Les contre-mesures aux accidents graves étaient non conformes aux standards internationaux. L’alimentation électrique externe était très vulnérable. Les bureaucraties complices avaient rendu la catastrophe inévitable. L’évacuation des résidents s’est faite dans une extrême confusion.
Dans ses conclusions, la commission déclare notamment : L’accident nucléaire de Fukushima a été le résultat d'une collusion entre le gouvernement, les organismes de réglementation et Tepco, et de leur gestion défectueuse. Celles-ci ont effectivement trahi le droit de la nation à vivre à l’abri d'accidents nucléaires. Par conséquent, l'accident était clairement d'origine humaine. Les causes directes de l'accident étaient toutes prévisibles avant le 11 mars 2011. L'opérateur (Tepco), les organismes de réglementation (Nisa et Nsc) et l'organisme gouvernemental de promotion de l'industrie nucléaire (Meti), ont tous échoué à correctement définir les exigences de sécurité les plus élémentaires, telles que l'évaluation de la probabilité d'un accident, la préparation à contenir les effets d‘un tel désastre, et l'élaboration de plans d'évacuation du public dans le cas d'un rejet important de radioactivité. > Liens pour les articles et le rapport intégral, en bas de page.
> Comment en est on arrivé là ? Dans un de ses excellents article sur AgoraVox, Olivier Cabanel cite les conflits d’intérêt et la corruption. C'est ainsi qu'il nous apprend que quatre des six experts chargés de fixer les nouvelles normes de sécurité des réacteurs des centrales ont reçu de l’argent provenant de l’industrie nucléaire.
Le premier, Akio Yamamoto, professeur de l’université Nagoya, à reçu, d’après l’Autorité de régulation nucléaire japonaise, des subventions pour ses recherches sur les réacteurs nucléaires. Une partie de ces subventions (sept cent quatre vingt trois mille euros !), proviennent d’une filiale de Tepco, l’exploitant de la centrale nucléaire de Fukushima. Ce monsieur Yamamoto était membre de l’équipe chargée d’établir les critères de sécurité dans le domaine nucléaire !
Un autre, Akira Yamaguchi, professeur à l’université d’Osaka, membre de la même équipe, a reçu trois cent soixante quatorze mille euros provenant de l’entreprise Mitsubichi Heavy Industries, dont l’une des activités est l’énergie nucléaire.
Puis Yutaka Abe, professeur à l’université de Tsukuba, a reçu cinq millions de yen provenant d’un laboratoire de Tepco.
Enfin, Shunichi Tanaka, président de l’Autorité de régulation nucléaire, occupait auparavant l’équipe gouvernementale chargée de faire la promotion de l’énergie nucléaire.
Au total les quatre "experts" ont reçu entre trois et vingt sept millions de Yen au cours des quatre dernières années sous forme de subvention ou de donation financières.
Cerise sur le gâteau, l’équipe chargée d’évaluer la sécurité nucléaire, faisait partie du Ministère chargé de la promotion de l’industrie ...nucléaire !
> En France lorsque les tranches des centrales s’arrêtent, plus de mille cinq cents employés interviennent pour la maintenance, selon un spécialiste des conditions de travail en centrale nucléaire. Suite à la catastrophe de Tchernobyl, six cents mille liquidateurs ont été officiellement employés. Il faudra des dizaines d'années pour réparer, refroidir, et décontaminer le site de la centrale de Fukushima et les environs. Comment la société Tepco recrute-t-elle ses salariés ? Qui sont-ils ? Comment et dans quelles conditions travaillent-ils ? A quels risques sont-ils exposés ?
Tomohiko Suzuki, journaliste japonais, s’est fait engager comme travailleur dans la centrale de Fukushima afin de pouvoir enquêter discrètement, il est l’auteur d’un livre très documenté sur le sujet : "yakuzas et centrales nucléaires". Il raconte le système corrompu, les faux CV, et le drame que vivent les ouvriers envoyés sur le site. Il dénonce les mafias japonaises qui gèrent discrètement l’approvisionnement en main d'oeuvre sacrifiée, cachés par les sous-traitants d'autres sous-traitants. Les noms des ouvriers sacrifiés sont effacés des registres sans que l’on puisse savoir ce qu’ils sont devenus. Ils seraient plusieurs centaines à avoir mystérieusement disparu. En effet, ce n’est un mystère pour personne au Japon : les yakuzas fournissent du personnel à l’industrie nucléaire, et les liens entre les yakuzas et le nucléaire japonais sont quasi aussi vieux que cette industrie. Depuis 1966, date des premières centrales nucléaires japonaises, cinq cent mille travailleurs ont été employés, et seulement vingt d'entre eux ont fait une demande de reconnaissance d’accident de travail...
Pour ne pas investir un yen de plus dans la sécurité, Tepco a demandé au gouvernement japonais de relever le niveau de la dose radioactive que peuvent légalement recevoir ceux qui travaillent à Fukushima. Conséquence : les liquidateurs absorbent douze fois la dose autorisée pour les employés des centrales nucléaires en temps normal. Rien ne change, il n'y a pas de petites économies pour ces négriers des temps modernes...
> Sources :
La conférence de Helen Caldicott. >>> Lien
Présentation du rapport sur Fukushima over-blog. >>> Lien.
Résumé du rapport par Jean-Marc Royer. >>> Lien.
Lien pour télécharger le rapport de la Commission d'enquête indépendante sur la catastrophe nucléaire de Fukushima. >>> Lien
Le côté obscur de Fukushima par Olivier Cabanel dans AgoraVox. >>> Lien.
Le terrible destin des liquidateurs de Fukushima. >>> Lien.
> Lire dans gilblog :
Nouvelles de Fukushima (3). juillet 2012.
Nouvelles de Fukushima un an après (2). 12 mars 2012.
Nouvelles de Fukushima (1). 2 octobre 2011.
Fukushima, le silence des médias. 1er septembre 2011.
Fukushima, France, aveuglement, imprévoyance et tromperie. (23 mai 2011)
À Fukushima trente ans d'accidents et de mensonges. (13 avril 2011)