Comme chacun le sait, il existe dans notre beau pays, un art officiel subventionné par les pouvoirs publics sous la houlette d’apparatchiks de la Culture et de petits bachi-bouzouks cultureux. On le voit sévir un peu partout, et ses effets s’étendent depuis le domaine des arts plastiques jusqu’à celui des “scènes nationales” qui ont remplacé les maisons de la culture. On le doit à l’action conjuguée du Ministère de la culture et des réseaux artistico-financiers, aux médias, au snobisme et à la spéculation.
Il existe désormais en France, un art lié au snobisme de classe, une source d’enrichissement, un système qui fonctionne avec les FRAC, les DRAC… Ainsi, de richissimes collectionneurs spéculateurs privés font joujou avec l’art, financent des “fondations” avec l’argent public ou des exonérations d’impôts, tandis qu’une majorité d’artistes et le public regardent passer les trains.…
C’est en tous cas l’avis de Nicole Esterolle qui exprime vertement son indignation au moyen d’une plume aiguisée, dans son blog, dans l’hebdomadaire Marianne et dans d’autres journaux du web ; sa grogne et son verbe valent le détour, ne serait-ce que pour la lecture.…
Et, pour ceux qui l’ignoreraient encore, la céramique, qui avait longtemps résisté à la contagion, est maintenant atteinte. Nouveau papier rageur de Nicole Esterolle d’une plume encore plus caustique. Extraits.
> Vous, les céramistes que j’aime, parce que vous avez une intelligence de la main et du cœur, un savoir faire, un métier, un connaissance sensible et intime de la matière, une inventivité dans la technique que vous savez maitriser pour qu’elle devienne écriture plastique propre et mise en forme personnelle…
Vous, mes amis, je commence à craindre pour vous, quand, en feuilletant la Revue de la céramique et du verre, je constate la présence de plus en plus fréquente des produits andouillomorphes d’une sorte d’esthétique charcutière des plus grossières, soutenue à fond par la pensée artistique institutionnelle au nom de la déconstruction progressiste en vogue dans les réseaux de l’art dit contemporain.
Jusqu’à maintenant, le domaine des “métiers d’art” ou de “l’artisanat d’art” avait été préservé de cette funeste contemporainisation qui a ravagé des pans entiers de la création d’aujourd’hui. On n’avait pas encore vu d’ingérence ou d’intrusion des plasticiens de l’immatériel conceptualiste dans ce domaine du travail manuel et de la matérialité sensible, que leur pure intellectualité méprisait ou ignorait jusqu’alors. … Tout au plus employaient-ils les artisans d’art comme tâcherons sous-payés pour ne pas se salir les mains et résoudre des problèmes techniques qui les dépassaient. Ainsi l’incompétence verbeuse et l’arrogance de ces purs cerveaux les maintenaient-elles à distance du petit peuple des “artisans” des métiers d’art. ..
Mais voilà, il semble bien que, depuis peu, la pensée conceptualo-bidulaire s’ingère, s’encanaille et s’épanouisse comme espèce invasive dans l’espace de la céramique et du verre (et autres matériaux)…Il s’agit, comme toujours, pour ses tenants patentés pour ça, d’introduire de la modernité, de la créativité, du dépassement des règles, de casser les codes et de rafraichir le milieu…Et pour cela, rien de tel que le bon et coutumier foutage de gueule déconstructif , interpellatoire, sternutatoire et subversif…
Ainsi les productions céramiques bidulaires tirebouchonnées aussi niaises techniquement et artistiquement que les pâtes – à – modeler ou les crottes de nez enfantines, commencent-elles à envahir FRAC, Musées, Salon de Montrouge et les circuits de la spéculation financière à travers les galeries internationales de type Papillon ou Marcel Duchamp, et les fondations du pastis Ricard ou de la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France…
Qu’a t-on fait au Bon Dieu pour qu’on nous inflige de telles laideurs et débilités surjouées ? Au nom de quel principe ou raison supérieurs l’État français doit-il faire la promotion de telles excrétions de son appareil culturel ? Les bons artistes de la revue de la céramique et du verre, (que j’ai connue plus exigeante et cohérente du temps où sa fondatrice la dirigeait), méritent-ils côtoyer de telles vomissures ? La revue a- t-elle besoin de telles concessions à la mocheté pour attirer l’attention de l’institution et flatter ses sbires koonsolâtres? Et quel bénéfice attendre de ces signes d’allégeance à l’inepte dominant?
Plus globalement : pourquoi cet art se doit-il d’être de hideur, de déplaisir, de perversité, de pathos, de grotesquerie, d’impudence, de pédantisme, de commisération, de questionnement sociétal, de déconstruction, d’éradication du contenu, de torsion du sens, de torture cervicale, de dérision, de kitch, d’irrespect de soi, de morbidité et de négativité ?
Tout se passe comme si il y avait un prix à payer dans l’ordre de l’humiliation, un douloureux rite d’initiation à passer pour entrer dans la caste des initiés au rien, dans la classe des virtuoses de la spéculation intellectuelle à vide, dans la classe “dirigeante” de l’absurde artistico-financier en faisant la preuve de son allégeance à celle-ci….
> Photos de haut en bas. Hélène Mougin. Elsa Sahal. Et dans le
genre franchement spéculatif : Paul McCarthy. Jeff Koons.
> Quand la céramique d’art part en eau de boudin et jus de cerveau. >>> Lien.
Le blog de Nicole Esterolle. >>> Lien.
L’incorrect. Des artistes s’élèvent contre la politique culturelle. >>> Lien.
Le vadrouilleur urbain. La spéculation financière détruit l’art comme elle détruit les sols. >>> Lien.